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La gravité des chiffres du Covid en Polynésie


Le docteur Pierre-Henri Mallet, mercredi lors de la présentation des données épidémiologiques du Covid-19 en Polynésie.
Le docteur Pierre-Henri Mallet, mercredi lors de la présentation des données épidémiologiques du Covid-19 en Polynésie.
Tahiti, le 4 novembre 2020 - Avec un taux d’incidence mesuré à 989 pour 100 000 habitants et en augmentation la semaine dernière, l’archipel des îles du Vent est frappé de plein fouet par l’épidémie de Covid-19. Les données épidémiologiques présentées mercredi par les autorités sanitaires montrent avec une semaine de décalage une situation en détérioration.

Après un gros mois de flottement dans la communication, c’est le retour des points Covid hebdomadaires. Dorénavant, une présentation détaillée de la situation épidémiologique sera faite chaque mercredi pour présenter l’évolution de la maladie sur le territoire. Et pour la reprise, la gravité des chiffres était au rendez-vous.

L'épidémie de Covid-19 est à l'origine d'un 39e décès, selon le bilan arrêté mercredi à 8 heures par les autorités sanitaires. Avec 338 nouveaux malades dépistés, on recense maintenant 9 287 cas Covid depuis l’arrivée du virus en Polynésie française, dont 9 225 dépistés au cours des 13 dernières semaines, depuis le 2 août. Le virus circule inexorablement et semble en accélération. "On suit régulièrement les indicateurs pour estimer le niveau de gravité", commente le docteur Pierre-Henri Mallet, épidémiologiste à la Direction de la Santé. "Là, on a des indicateurs qui sont au plafond. On est face à une situation épidémique très marquée. Elle est grave, parce qu’on a de nombreux cas et une grosse circulation. Grave aussi parce les hospitalisations sont en augmentation, bien qu’elles soient encore sous contrôle. Le taux de placement en réanimation et le taux de mortalité sont des indicateurs très suivis et encore relativement bas. Nous avons une situation contrastée avec une circulation très intense et où l’impact pour l’instant n’est pas encore catastrophique. Pour autant, on sait qu’il y a un décalage et on craint que la situation ne se détériore encore. Maintenant, toute la question est de savoir quel niveau de détérioration on aura et quand aura lieu le pic. On est face à une accélération, c’est certain."

​"Réanimation lourde"

Une chose est sûre, le virus circule. Dans les îles, il se propage à Raiatea, Tahaa, Huahine et Bora Bora. "C’est un facteur d’alerte", constate le docteur Mallet pour inviter la population à la plus grande prudence sanitaire. En outre, des foyers ont été identifiés à Hiva Oa et Tubuai. Pour le reste, ce sont des cas isolés dépistés à Nuku Hiva, Rangiroa, Tetiaroa, Hao, Taenga, Rikitea, Rurutu, Ua Pou et Maupiti.
Autre donnée qui illustre la présence épidémique, le taux d’incidence. Il mesure le nombre de cas Covid observés au cours des sept derniers jours, ramenés à une population de 100 000 habitants. La semaine dernière ce taux était mesuré à 989 pour 100 000 habitants dans les îles du Vent. L’un des quatre plus importants au monde. Ce taux est actuellement de 150 pour 100 000 dans les autres archipels polynésiens.
Mercredi, 87 malades nécessitaient une hospitalisation, dont 25 en réanimation. Selon les chiffres présentés en conférence de presse par les spécialistes de la plateforme Covid, le niveau d’hospitalisation reste pour l’instant stable d’une semaine sur l’autre autour de 90 à 100 malades. Et les hospitalisations en médecine obstétrique affichent un turn-over assez important. Elles sont "relativement courtes dans l’ensemble. Ce ne sont pas des formes graves", constate Henri-Pierre Mallet. S’il y a inquiétude, c’est au sujet des placements en réanimation : "Il faut bien noter que les personnes hospitalisées en réanimation sont en réanimation lourde", explique Pierre Follin, médecin coordinateur de la plateforme Covid. "Elles vont rester autour de trois semaines. Elles sont souvent intubées ; beaucoup plus qu’au début de l’épidémie."

Des chiffres en-dessous de la réalité

Difficile de dire pour l’instant si le couvre-feu en place en Polynésie française depuis le 24 octobre, de 21 heures à 4 heures, a produit les effets attendus pour limiter la propagation épidémique. La semaine dernière, le président Fritch a expliqué attendre d’en "mesurer l’impact" sur l’épidémie avant de se résoudre à une nouvelle décision de confinement. A ce jour, pour le docteur Mallet, l’évolution épidémique ne montre rien de significatif. Il est trop tôt : "Entre la période de développement de la maladie et les formes graves qui vont être hospitalisées, on a besoin d’un recul de deux à trois semaines."
Une donnée inquiète particulièrement aussi : la proportion des cas Covid de 60 ans et plus. Elle est de 12,8% et en augmentation. Le Covid-19 touche toutes les classes d’âge. Mais on constate qu’en proportion, l’augmentation de la tranche d’âge des 60 ans et plus est la plus forte.
Enfin, si 9 287 cas Covid ont été identifiés en Polynésie depuis le début de l’épidémie, cette donnée est partielle pour l’épidémiologiste. Entre les cas asymptomatiques qui ne sont pas testés, les personnes qui ne consultent pas, les personnes qui consultent mais qui ne sont pas testées parce que leur médecin estime que ce n’est pas nécessaire, "probablement que deux à trois fois plus de personnes ont été contaminées", suppose Henri-Pierre Mallet. Pour lui, à ce jour, il est possible que près de 30 000 personnes aient déjà été infectées par ce virus. "On sous-estime le nombre de cas." 

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 5 Novembre 2020 à 04:00 | Lu 5937 fois