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La chimie "verte" progresse lentement mais surement au-delà des biocarburants


Paris, France | AFP | dimanche 12/07/2015 - Déjà bien développée pour produire des biocarburants non issus du pétrole, la chimie "verte", se tourne de plus en plus vers la fabrication de composés chimiques, éléments de base de plastiques, lubrifiants ou cosmétiques, même si l'équation économique reste difficile à résoudre.

"Parce que les développements vont très vite, les chimistes sont motivés, beaucoup en ont assez de dépendre du pétrole, de ses prix et de sa disponibilité", avance Fabio Alario, économiste à l'Institut français du pétrole (IFP) et spécialiste de la chimie biosourcée.

Si les bioraffineries existantes aujourd'hui (34 en Europe, beaucoup plus aux Etats-Unis) sont essentiellement destinées à la production de biocarburants (bioéthanol notamment), de plus en plus de projets émergent, tournés vers des applications matières.

Mitsubishi a posé fin 2014 en Malaisie la première pierre d'une bioraffinerie de 20.000 tonnes de PBS, un composé pouvant remplacer les phtalates, montrés du doigt pour leur impact négatif sur la santé. Novamont et Versalis (filiale de l'italien ENI) exploitent depuis 2012 en Sardaigne une bioraffinerie d'une capacité de 70.000 tonnes de différents composés.

Des sites sont aussi en service aux Etats-Unis, à l'initiative de géants comme Cargill. Et partout des démonstrateurs industriels sont en développement avec des investissements dépassant à chaque fois la centaine de millions d'euros.

"Il est très difficile d'avoir une vision précise de l'avancement des projets, ce qui est sûr c'est qu'il y en a pléthore et c'est dû à la ressource: quand on parle de végétal on a accès à une richesse moléculaire qui fait rêver tout chimiste", explique M. Alario.

A chaque matière ses débouchés: "Les graines vont produire des huiles et des acides gras donc plutôt des lubrifiants, les céréales vont donner de l'amidon, donnant des matériaux plastiques...", précise Christophe Rupp-Dahlem, président de l'Association nationale de la chimie du végétal et vice-président du groupe français Roquette.

Mais outre la substitution à la pétrochimie, la chimie du végétal permet aussi de créer de nouvelles matières aux propriétés qui améliorent la performance du produit final: un pneu plus résistant, un plastique plus léger, etc.

Quelques exemples de réalisation à petite échelle ont déjà fait parler d'eux. En 2013, Nike a lancé une chaussure de football pour les professionnels intégrant un élasthomère produit par Arkema à partir d'huile de ricin et beaucoup plus léger (environ 100 grammes par chaussure) que les matériaux classiques.

Coca Cola a développé ces dernières années son programme "plant bottle" avec l'ambition de produire des bouteilles 100% issues du végétal à partir de canne à sucre.

L'enjeu essentiel est celui du coût de production de ces matériaux biosourcés, quasiment toujours plus chers que ceux issus de la pétrochimie. "Il est important de générer de la valeur ajoutée car sinon les produits ne sont pas compétitifs par rapport à ceux issus du pétrole", fait valoir Christophe Doukhi de Boissoudy, directeur général de Novamont France.

Pour l'Europe ces bioraffineries représentent selon lui un potentiel industriel important, alors qu'"actuellement les industries pétrochimiques désertent l'Europe et se rapprochent des lieux de production de pétrole".

"Moins de un plastique sur 100 est biosourcé aujourd'hui", note M. Alario. Mais "lorsque cette industrie sera mature, c'est-à-dire aux environs de 2030/2035, le maximum théorique de substitution à la pétrochimie (sera) de 25%".

Le secteur de bioplastiques destinés à l'emballage concentre l'essentiel des ambitions et des projets. Le polyéthylène (films plastiques, sacs poubelles...) est en effet "en tonnage le produit le plus important de toute la pétrochimie", explique Fabio Alario.

Rédigé par () le Dimanche 12 Juillet 2015 à 09:05 | Lu 1333 fois