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La Papouasie-Nouvelle-Guinée et Fidji malades de leur police ?


La Papouasie-Nouvelle-Guinée et Fidji malades de leur police ?
PORT-MORESBY, mardi 5 mars 2013 (Flash d’Océanie) – Le comportement violent de plusieurs polices océaniennes, et en particulier celles de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et de Fidji, a été montré du doigt ces derniers jours.
La police papoue a annoncé fin février 2013 qu’elle avait, pour la première fois, limogé pas moins de 87 de ses agents, tous impliqués dans des affaires de mauvaise conduite et, dans la moitié de ces cas, de violences caractérisées sur des prévenus au cours des deux dernières années.
Certains ont aussi été jugés et ont écopé de lourdes peines d’emprisonnement, a précisé le Superintendant Dominique Kakas, porte-parole de la police nationale.
Ces cas de violences concernent notamment des viols sur des femmes en captivité, a précisé la police papoue, qui parle désormais de « tolérance zéro » dans ses rangs.
« Nous demandons maintenant au public de porter plainte à chaque fois que de tels actes se produisent », a précisé l’officier.

Les cas de violences policières ayant parfois entraîné la mort de personnes se sont multipliés ces dernières années, suscitant de vives condamnations de la part d’organisations telles qu’Amnesty International.
En avril 2011, la police papoue se trouvait à nouveau au cœur de la polémique sur son attitude violente après la mort d’un jeune homme en détention dans la ville de Kimbé (province de Nouvelle-Bretagne de l’Ouest).
Deux agents, réputés avoir été présents au moment de la détention de la victime, avaient alors été mis à pied puis immédiatement déférés devant la justice pour homicide.
Ce décès avait aussi provoqué une éruption de violences de la part de la population locale, y compris des proches de la victime.
Selon la version de la police, l’individu, âgé de 39 ans, aurait résisté à son arrestation, à l’origine pour avoir mâché des noix de Bétel en public.
Il aurait ensuite été transféré en urgence à l’hôpital, où il a été constaté qu’il était décédé de suites de blessures à la tête et probablement d’une hémorragie interne.
La police locale a dans un premier temps affirmé qu’après une arrestation mouvementée, le suspect se serait « effondré ».
Ces actes de violence dirigés contre les forces de l’ordre ont été suivis de scènes d’incendies volontaires et de pillage.
L’antenne locale de l’agence de perception des taxes et un supermarché de la ville avaient été pris pour cibles et incendiés, suscitant l’envoi de renforts policiers, y compris des brigades antiémeutes, de la capitale pour maîtriser la situation.

Violences policières : la population riposte

Il ne s’agit pas de la première affaire de troubles civils liés directement à des violences policières en Papouasie-Nouvelle-Guinée : ces derniers mois, les incidents se sont multipliés, prenant pour cibles directes des agents de police papous au cours d’attaques de type tribal et clairement placées sous le signe de la loi du Talion.
Mardi 19 octobre 2010, sur l’île de Manus, ordinairement paisible, les membres d’un village riverain du chef-lieu de Lorengau, armés de haches, de barres de fer et de sabres d’abattis, ont attaqué en groupe le commissariat central.
Les jours précédents, un des membres de ce village avait été interpellé et maintenu en détention.
L’attaque a débuté aux alentours de 22h00 (locales, GMT+10), peu après que le décès du jeune homme ait été constaté à l’hôpital voisin.
Il y avait été transporté quelques jours auparavant pour y être soigné de blessures à la tête alors qu’il se trouvait entre les mains de la police.
Après en avoir chassé tous ses occupants, les villageois avaient ensuite quasi-totalement détruit le commissariat.
Au cours de la même semaine, dans une autre province papoue, celle de Mount Hagen, le petit aéroport de Kagamuga a été paralysé pendant plus de trois heures par l’irruption de plusieurs dizaines de villageois riverains qui exigeaient dans un premier temps des explications après qu’un membre de la tribu ait été gravement blessé par balles mi-octobre par la police locale, selon les mêmes sources.
Après de longues négociations et palabres, les villageois avaient finalement consenti à laisser le trafic reprendre, non sans avoir au préalable signifié à la police et à l’État un ultimatum de deux semaines pour leur verser des dédommagements de l’ordre de 410.000 euros pour ce qu’ils qualifient d’ « usage excessif de la force ».
Localement, ces récents événements sont de plus en plus interprétés comme étant les symptômes d’une colère croissante de la population à l’encontre de ses forces de l’ordre, souvent accusées et parfois convaincues d’actes brutaux et d’exactions.
Ces dernières années, les rapports se sont succédé concernant dans le moins pire des cas l’inaction, mais aussi les abus et exactions de la part de forces de l’ordre papoues enclines à se faire justice elles-mêmes.

L’ONU, Amnesty, Human Rights Watch : les condamnations s’amoncèlent

Fin mai 2010, Manfred Nowak, rapporteur spécial sur les questions de torture, à l’issue de sa visite en Papouasie-Nouvelle-Guinée, était particulièrement virulent vis-à-vis de la situation papoue.
Avant même que de quitter ce pays, sur le mode de constatations préliminaires, il avait pris les devants pour dénoncer les conditions en milieu carcéral et cité en exemple de nombreux témoignages de personnes interrogées ou interpellées, qui auraient fait l’objet de tortures « systématiques » de la part des forces de l’ordre.
M. Nowak avait notamment visité, au cours de cette mission d’une dizaine de jours, plusieurs prisons et constaté des conditions de détentions « inacceptables » au plan des normes d’occupation et de l’hygiène.
Il avait également cité des cas de violences systématiques sur les personnes interpellés, au mépris du principe de présomption d’innocence, et de nombreux cas relatant des tortures physiques et morales (à l’aide de crosses de fusils, de tuyaux en caoutchouc, ou encore de machettes, de courroies de ventilateurs, de barres de fer ou de pierres).
Des cas nombreux de prisonniers systématiquement mutilés (tendons sectionnés) et de viols collectifs de femmes en détention lui ont aussi été rapportés.
Selon ces témoignages, dans certains cas, des agents interpellent des femmes dans le seul but d’en abuser ultérieurement, au poste de police ou dans les cellules adjacentes.
Au terme de cette mission, l’envoyé de l’ONU, au cours d’une interview accordée à la presse régionale, avait alors évoqué une corruption généralisée au sein de la police papoue, une absence de professionnalisme ainsi que, selon lui, un manque de volonté politique afin de faire évoluer les choses dans le bon sens.
Pour ne rien arranger, il affirmait aussi avoir, au cours de sa mission et en particulier lors de son passage sur l’île de Bougainville, fait l’objet d’agressions verbales de la part de cadres de la police.
Le responsable onusien avait aussi exhorté les autorités papoues à s’engager en faveur d’une amélioration de la situation et, à terme, de ratifier le plus rapidement possible la convention onusienne contre l’usage de la torture.

Des rapports précédents

La première étape, selon lui, serait de créer une police des polices indépendante, qui pourrait ainsi être saisie et enquêter sur la base de plaintes concernant d’éventuels abus.
Depuis 2005, ces conditions en milieu carcéral et de manière général l’attitude des forces de l’ordre vis-à-vis de la population ont déjà fait l’objet de rapports précédents et tout aussi accablants, de la part notamment d’Amnesty International.
Le dernier rapport alarmant en date remonte à septembre 2010 et émane, cette fois-ci, de l’antenne papoue de l’organisation non gouvernementale Transparency International.
Cette ONG, via son Président Peter Aitsi, se déclarait une nouvelle fois « gravement préoccupée » par ce qu’elle qualifie de « grave détérioration du service public de la police » à travers tout le pays.
Transparency International évoque notamment la corruption rampante, le non-respect de la loi par les agents eux-mêmes, leurs exactions sur des personnes interpellées et les relations de plus en plus étroites entre policiers et des sociétés de gardiennage, auprès desquelles ils louent de plus en plus souvent leurs services, matériel (et armes de service) compris.
Certaines de ces sociétés de sécurité louent leurs services à des sociétés pilotant actuellement des projets dans les secteurs minier, gazier et pétrolier, à des stades divers de développement en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Ces dernières années, les violences policières ont aussi été notamment dénoncées par Amnesty International.

La police aussi mise en cause par Amnesty International

Dans un rapport annuel, l’organisation de défense des droits humains Amnesty International citait la Papouasie-Nouvelle-Guinée pour ses « violences ethniques », ses « violences policières » et un « effondrement des services pénitentiaires ».
Depuis, ces chiffres ne se sont pas démentis.
Les forces de l'ordre de Papouasie-Nouvelle-Guinée ont aussi été mises en cause par l'organisation Human Rights Watch (basée à Washington).
Cette organisation, en septembre 2008, adressait un courrier au ministre papou des affaires étrangères, Samuel Abal, dans lequel elle exige que de nouvelles lois soient votées afin de protéger les citoyens de ce pays des abus de pouvoirs et violences en tous genres de la part de la police locale.
L'organisation, dans de précédents rapports, évoquait notamment de multiples atteintes aux droits humains, y compris des abus de pouvoir, des pressions, des actes d'intimidations, des violences sexuelles sur des femmes ou des enfants, des passages à tabac, des traitements dégradants ou inhumains et même des actes de torture de la part des policiers papous sur des individus en rétention ou en détention, le tout, selon cette organisation, en toute impunité.
Cette organisation suggère aussi la création d'un nouveau poste : celui de médiateur de la police, dont la tâche principale serait de servir de lien entre la police et la population, et éventuellement de se saisir des plaintes et de les faire suivre d'enquêtes.
Human Rights Watch, dans sa lettre, rappelait aussi que le rapporteur spécial des Nations-Unies sur les actes de torture, malgré ses tentatives de se rendre en Papouasie-Nouvelle-Guinée depuis 2006, n'a jusqu'ici pas pu le faire.
À peu près à la même époque, venant en écho à ces dénonciations de la part de l’ONG, la police, qui venait de se rendre sur les lieux d’un vol à main armée dans un supermarché de la province de la Nouvelle-Bretagne de l'Ouest, a abattu sur le champ et sans autre forme de procès trois des huit malfrats.



À Fidji : la vidéo qui accuse

À Fidji, les violences policières sont aussi revenues sur le devant de la scène en début de semaine, avec la publication via Internet d’une vidéo montrant ce qui semble être un prisonnier, en sous-vêtements et menotté sur le plateau d’un pick-up, se faire battre à coup de bâtons.
La police fidjienne a déclaré mardi son intention d’examiner ce document avant que de faire toute déclaration.
Ce document de neuf minutes http://www.youtube.com/watch?v=CTR_eN9oVhI (attention : contenu déconseillé aux personnes sensibles)

est présenté comme se plaçant dans le contexte de l’arrestation, en septembre 2012, d’un groupe de criminels évadés et qui, en quelques jours, avaient commis plusieurs holdups, semant la terreur dans la capitale Suva et sa proche région.
Un autre document vidéo montre un homme livré à un chien.
La plus immédiate des réactions concernant cette affaire a été celle d’Amnesty International qui, via son antenne australienne, a fermement condamné tout acte de violence et de brutalité policière « qui ne se justifient dans aucune situation ».
L’ONG a aussi indiqué son intention de procéder à des vérifications quant à l’authenticité de cette vidéo « choquante », tout en demandant une enquête « indépendante ».
« L’authenticité de ce document reste à vérifier et les perpétrateurs ne sont pas en uniforme. Il apparaît toutefois conforme à d’autres comptes-rendus précédents faisant état de brutalité de la part de membres de l’armée fidjienne à l’encontre de prisonniers », souligne l’ONG.

Dans un communiqué mardi en fin de journée (GMT+12), la police fidjienne se déclare « dérangée, comme tous les Fidjiens » par ces vidéos « semblant montrer une agression sur deux hommes dont, à ce stade, nous pensons qu’il s’agit de prisonniers recapturés ».
« Une enquête approfondie a été ordonnée pour établir les circonstances de cet incident. Nous voulons souligner dès l’abord que personne ne devrait former de préjugés sur cette enquête en spéculant sur ce qui a pu se passer », poursuit le communiqué qui affirme sa détermination et dément aussi que les personnes montrées dans ce document sont « les prisonniers évadées de Naboro l’an dernier ».
« Qu’il nous soit aussi permis de rappeler que les agences fidjiennes de sécurité ont travaillé sans relâche ces dernières années pour fournir protection et sécurité aux Fidjiens qui ont souffert de constantes intrusions de leurs domiciles, de cambriolages et de crimes violents. Ces crimes ont été perpétrés par un groupe de criminels qui jouissaient de l’impunité et qui n’avaient aucune considération pour les vies des Fidjiens, aucun respect pour la dignité humaine fondamentale, ni pour la loi », ajoute le texte.

Fin septembre 2012, le gouvernement fidjien s’était positionné contre l’usage de violence de la part de la police et avait promis une enquête afin de déterminer les circonstances exactes de l’arrestation musclée, quelques jours auparavant, de cinq dangereux criminels évadés de la prison de Naboro (banlieue de Suva).

Une semaine après que leur évasion ait entraîné une vague de criminalité dans la capitale Suva et ses environs, les cinq fugitifs fidjiens avaient été recapturés.
Quatre d’entre eux avaient été appréhendés vendredi 21 septembre 2012, sur une petite île au large de la Pointe Uduya (près de Suva), le cinquième, considéré comme le plus dangereux, l’a été mardi 25 septembre 2012.
Les quatre premiers ex-fugitifs devaient comparaître quelques jours après devant un tribunal de Suva, mais le juge Usaia Ratuvili entendant l’affaire a été informé, en dernière minute, qu’ils n’étaient pas en état de se présenter et se trouvaient toujours à l’hôpital.
Rusiate Tudravu, porte-parole de la police nationale, confirmait à l’époque que les quatre prisonniers se trouvaient effectivement toujours à l’hôpital public Colonial War Memorial de Suva, sous surveillance policière et que les seules personnes jusqu’ici autorisées à communiquer avec ces prisonniers étaient des agents de police ou le personnel médical.
L‘un des cinq fuyards serait arrivé à l’hôpital dans une camionnette, enveloppé d’une bâche ruisselant de sang, selon des témoins de la scène.
L’officier a insisté sur le fait que les blessures n’étaient le résultat d’un passage à tabac, mais du fait que les forces de l’ordre avaient dû faire usage d’une « force raisonnable » pour se rendre maître des fugitifs.
« Je peux confirmer qu’ils ont résisté à leur arrestation et que pour les faire rentrer, nos agents de cette opération ont fait usage d’une force raisonnable, et c’est pourquoi ils sont maintenant en observation à l’hôpital », avait-il alors déclaré à la radio nationale publique FBCL.
Il avait aussi invoqué un « terrain difficile » sur l’îlot Snake (aux Serpents) où a eu lieu l’interpellation.
Depuis, le gouvernement a dû se positionner en affirmant qu’il ne « cautionne pas l’usage excessif de la force »
Sharon Smith-Johns, porte-parole du gouvernement, avait indiqué qu’une enquête était en cours afin de savoir de quelle manière les quatre évadés, récupérés sur la petite île, avaient été interpellés.
La police avait ensuite jugé utile de préciser qu’au cours de cette arrestation apparemment musclée, plusieurs de ses agents avaient aussi été blessés à des degrés divers.
« Nous ne voulions pas parler (de ces agents blessés), parce que nous considérons que ça fait partie du métier, avait déclaré Rusiate Tudravu, adjoint au chef de la police, tout en maintenant la thèse d’un usage « raisonnable » de la force face à des criminels armés.

Cette arrestation a suscité des appels à une enquête de la part de plusieurs organisations non gouvernementales spécialisées dans al défense des droits, y compris la Coalition pour les Droits Humains (Coalition on Human Rights) et sa responsable Shamima Ali, qui demande une enquête approfondie concernant le comportement de la police, mais surtout concernant l’implication de l’armée, qui était rapidement venue en renfort.

Depuis cette évasion du 17 septembre 2012 de la prison de Naboro (banlieue de la capitale), suivie d’une série de crimes et hold-up, dans les jours qui ont suivi, la capitale Suva et ses environs vivaient dans un climat d’insécurité

Quelques heures après cette évasion, plusieurs commerces, dont une banque (mercredi 19 septembre 2012, en milieu de journée), un restaurant et un hôtel, avaient été les cibles d’attaques par des individus armés de sabres d’abattis et de marteaux et correspondant au signalement des évadés.
Plusieurs maisons ont été cambriolées.
Le hold-up de la banque s’était fait à l’aide d’un véhicule volé que les malfrats avaient précipité contre l’un des murs de l’établissement.
Les fugitifs, depuis leur interpellation, ont confirmé être les auteurs de la plupart de ces actes.

Renforts militaires efficaces

La police nationale avait d’abord lancé une opération spéciale, avec barrages routiers, ainsi qu’un appel à toute information du public en vue de recapturer les fugitifs.
Elle avait aussi rappelé que le fait d’héberger des criminels est passible de lourdes peines pouvant atteindre deux ans de prison.
Mais très rapidement aussi, à la demande du gouvernement local et de son Contre-amiral Franck Bainimarama (Premier ministre, mais aussi chef des armées), les militaires fidjiens s’étaient joints à cette traque.
Parmi les fugitifs, âgés de 25 à 30 ans, la plupart purgeaient des peines allant jusqu’à 26 ans de prison pour des faits de vols à main armée avec violence et, pour l’un d’entre eux, pour meurtre.

pad

Rédigé par PAD le Mardi 5 Mars 2013 à 06:34 | Lu 1101 fois