Tahiti, le 10 février 2025 - La Chambre territoriale des comptes publie lundi un rapport d’observation très sévère à l’égard de l’Établissement public industriel et commercial Vanille de Tahiti (EVT) et du caractère coûteux, inefficace et végétatif de cet Épic. Une seule recommandation est donnée : “Préparer, à partir de 2024 et en concertation avec le Pays, les conditions économiques et sociales de la dissolution de l’EVT.”
Créé en 2003, l’Établissement public industriel et commercial (Épic) Vanille de Tahiti avait pour vocation de répondre notamment à une demande émanant de professionnels de la vanille de bénéficier d’un soutien public accru, en termes d’accompagnement et de promotion. L’objectif principal était de renouer avec les volumes d’exportation passés. En effet, le niveau moyen annuel de vanille exportée s’établissait alors autour de 9 tonnes, contre 100 à 200 tonnes déclarées chaque année au cours de la première moitié du XXe siècle. Pour assurer le succès de ce projet de développement, l’EVT s’est vu doté de missions étendues, de la recherche scientifique jusqu’à la promotion commerciale de la vanille, en passant par l’attribution de subventions aux exploitants. Cet organisme est ainsi venu se substituer pour partie, s’agissant de la filière vanille, à l’administration du Pays, à la chambre d’agriculture, et aux groupements professionnels.
Objectifs ratés
Mais vingt ans plus tard, alors que cette singularité aurait dû distinguer par le haut la filière vanille du reste du monde agricole local, avec une quantité moyenne de vanille exportée de l’ordre de 14 tonnes, entre 2010 et 2019 et de 10 tonnes entre 2020 et 2022, l’établissement n’a pas produit les résultats escomptés, constate la CTC. “Les résultats sont en effet bien maigres au regard des objectifs mentionnés dans les schémas directeurs de l’agriculture que le Pays a formalisés à partir de 2011, objectifs partagés par l’EVT. 40 tonnes de vanille mûre ont été produites en 2020, alors qu’un objectif initial de 100 tonnes était fixé. Des aides financières massives ont pourtant été mobilisées en faveur de l’extension d’exploitations existantes ou pour créer de nouveaux sites. Sur la seule période 2019-2022, près de 950 millions de francs de subventions ont été programmés pour alimenter des interventions à hauteur de 70% du coût d’achat d’équipements de type ombrières. Ce dispositif a fait suite à une succession ininterrompue depuis 2003 de plans de relance pilotés par l’EVT, financés par le Pays.”
Une contre-performance, au vu des moyens mobilisés, qui a favorisé des prix de vente élevés, les faibles quantités produites provoquant une relative pénurie sur le marché. Et ce en l’absence de signe officiel d'identification de la qualité et de l’origine de la vanille locale, alors que cet outil est attendu depuis 2003.
Épic sous perfusion du Pays
Le constat n’est guère plus reluisant pour ce qui est de la mission de contrôle dévolue à l’établissement : “L’EVT a éprouvé des difficultés à justifier de campagnes de contrôles qualité sur site des acteurs de la filière. La direction n’a d’ailleurs pas été en mesure d’indiquer avec certitude les effectifs des professionnels de la filière par spécialité, aspect pourtant élémentaire pour mener à bien ses missions”, observe la CTC qui note au demeurant qu’“au-delà d’une valeur ajoutée de l’EVT difficile à justifier, se pose la question du coût pour les finances publiques du fonctionnement de cet organisme. Avec un effectif total de près de 40 salariés, le budget annuel de fonctionnement de l’organisme est de l’ordre de 354 millions de francs en moyenne, hors achats des ombrières revendues aux exploitants. Son financement provient pour l’essentiel de fonds publics alimentés par le Pays alors que les statuts d’Épic devraient l’obliger à une réelle autonomie financière.”
Dans ce contexte, sans vision stratégique claire, l’EVT n’a engagé aucune réflexion sur son évolution statutaire depuis 2003. Incluse, entre 2008 et 2012, dans une réflexion plus générale menée par la Polynésie française sur le devenir de ses établissements publics dans le cadre de mesures d’économies budgétaires, la fermeture de l’EVT a été plusieurs fois envisagée. Si la directrice de l’EVT a pourtant affirmé aux enquêteurs de la Chambre territoriale des comptes que “de nombreux travaux ont été menés au sein de l’EVT depuis 2003” ne produisant à l’appui qu’une très courte note de portée générale rédigée par un consultant juridique, et non datée. “Quoi qu’il en soit, cette question voit son enjeu dorénavant très limité”, estime la CTC. “La perspective dominante étant désormais non pas une évolution statutaire dans un sens ou dans l’autre, mais compte tenu de l’unique recommandation formulée par la juridiction, de préparer au mieux, le cas échéant, la disparition de cet établissement public.”
Créé en 2003, l’Établissement public industriel et commercial (Épic) Vanille de Tahiti avait pour vocation de répondre notamment à une demande émanant de professionnels de la vanille de bénéficier d’un soutien public accru, en termes d’accompagnement et de promotion. L’objectif principal était de renouer avec les volumes d’exportation passés. En effet, le niveau moyen annuel de vanille exportée s’établissait alors autour de 9 tonnes, contre 100 à 200 tonnes déclarées chaque année au cours de la première moitié du XXe siècle. Pour assurer le succès de ce projet de développement, l’EVT s’est vu doté de missions étendues, de la recherche scientifique jusqu’à la promotion commerciale de la vanille, en passant par l’attribution de subventions aux exploitants. Cet organisme est ainsi venu se substituer pour partie, s’agissant de la filière vanille, à l’administration du Pays, à la chambre d’agriculture, et aux groupements professionnels.
Objectifs ratés
Mais vingt ans plus tard, alors que cette singularité aurait dû distinguer par le haut la filière vanille du reste du monde agricole local, avec une quantité moyenne de vanille exportée de l’ordre de 14 tonnes, entre 2010 et 2019 et de 10 tonnes entre 2020 et 2022, l’établissement n’a pas produit les résultats escomptés, constate la CTC. “Les résultats sont en effet bien maigres au regard des objectifs mentionnés dans les schémas directeurs de l’agriculture que le Pays a formalisés à partir de 2011, objectifs partagés par l’EVT. 40 tonnes de vanille mûre ont été produites en 2020, alors qu’un objectif initial de 100 tonnes était fixé. Des aides financières massives ont pourtant été mobilisées en faveur de l’extension d’exploitations existantes ou pour créer de nouveaux sites. Sur la seule période 2019-2022, près de 950 millions de francs de subventions ont été programmés pour alimenter des interventions à hauteur de 70% du coût d’achat d’équipements de type ombrières. Ce dispositif a fait suite à une succession ininterrompue depuis 2003 de plans de relance pilotés par l’EVT, financés par le Pays.”
Une contre-performance, au vu des moyens mobilisés, qui a favorisé des prix de vente élevés, les faibles quantités produites provoquant une relative pénurie sur le marché. Et ce en l’absence de signe officiel d'identification de la qualité et de l’origine de la vanille locale, alors que cet outil est attendu depuis 2003.
Épic sous perfusion du Pays
Le constat n’est guère plus reluisant pour ce qui est de la mission de contrôle dévolue à l’établissement : “L’EVT a éprouvé des difficultés à justifier de campagnes de contrôles qualité sur site des acteurs de la filière. La direction n’a d’ailleurs pas été en mesure d’indiquer avec certitude les effectifs des professionnels de la filière par spécialité, aspect pourtant élémentaire pour mener à bien ses missions”, observe la CTC qui note au demeurant qu’“au-delà d’une valeur ajoutée de l’EVT difficile à justifier, se pose la question du coût pour les finances publiques du fonctionnement de cet organisme. Avec un effectif total de près de 40 salariés, le budget annuel de fonctionnement de l’organisme est de l’ordre de 354 millions de francs en moyenne, hors achats des ombrières revendues aux exploitants. Son financement provient pour l’essentiel de fonds publics alimentés par le Pays alors que les statuts d’Épic devraient l’obliger à une réelle autonomie financière.”
Dans ce contexte, sans vision stratégique claire, l’EVT n’a engagé aucune réflexion sur son évolution statutaire depuis 2003. Incluse, entre 2008 et 2012, dans une réflexion plus générale menée par la Polynésie française sur le devenir de ses établissements publics dans le cadre de mesures d’économies budgétaires, la fermeture de l’EVT a été plusieurs fois envisagée. Si la directrice de l’EVT a pourtant affirmé aux enquêteurs de la Chambre territoriale des comptes que “de nombreux travaux ont été menés au sein de l’EVT depuis 2003” ne produisant à l’appui qu’une très courte note de portée générale rédigée par un consultant juridique, et non datée. “Quoi qu’il en soit, cette question voit son enjeu dorénavant très limité”, estime la CTC. “La perspective dominante étant désormais non pas une évolution statutaire dans un sens ou dans l’autre, mais compte tenu de l’unique recommandation formulée par la juridiction, de préparer au mieux, le cas échéant, la disparition de cet établissement public.”
Tensions et harcèlement
Le 21 août 2023, la direction de l’EVT a été destinataire d’un droit d’expression collective signé par 22 salariés dénonçant et demandant une intervention, suite à “de graves difficultés professionnelles et managériales rencontrées avec [le] directeur technique et de surcroit représentant du personnel”. Le consultant missionné par la direction avait pour objectifs de dresser un diagnostic sur la qualité de vie et condition de travail, d’identifier les risques psychosociaux, de vérifier l’existence de personnes en situation de harcèlement moral ou autre, et de formuler des recommandations, préalable à des mesures correctrices à engager par la direction. Cet audit social a conclu à l’existence de situations de harcèlement de la part du directeur technique, sans que la directrice de l’époque n’intervienne, et à la nécessité pour la directrice, nommée en août 2023, d’engager des adaptations en gestion des ressources humaines, y compris des sanctions. Une enquête a été conduite par le même consultant suite à un courrier adressé le 19 septembre 2023 par le directeur technique, cette fois-ci, alléguant qu’il subit de son côté un harcèlement. Cette enquête a conclu que les éléments constitutifs du harcèlement ne sont pas réunis.
“Malgré une situation sociale dégradée, l’enjeu de la qualité de vie et de prévention des risques psychosociaux au travail ne sont pas traités comme attendu. Le dialogue social apparaît comme restant à construire au sein de l’EVT”, constate la CTC.
“Malgré une situation sociale dégradée, l’enjeu de la qualité de vie et de prévention des risques psychosociaux au travail ne sont pas traités comme attendu. Le dialogue social apparaît comme restant à construire au sein de l’EVT”, constate la CTC.