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La CEDH autorise la France à expulser un condamné pour terrorisme vers l'Algérie


Strasbourg, France | AFP | lundi 29/04/2019 - La Cour européenne des droits de l'homme a autorisé lundi Paris à expulser vers l'Algérie un homme condamné pour terrorisme en France, une "première" pour la CEDH jusqu'à présent réticente à donner son feu vert en raison des risques de torture.

"C'est la première fois que la Cour" rend un arrêt autorisant "l'expulsion d'une personne condamnée pour terrorisme vers l'Algérie", souligne une source interne à la CEDH.
Jusqu'à présent, la Cour était très réticente à donner un blanc-seing en matière d'expulsion vers l'Algérie, invoquant le risque de recours des services antiterroristes à la torture à l'encontre des condamnés pour terrorisme.
En février 2018, la juridiction strasbourgeoise avait condamné Paris pour l'expulsion vers l'Algérie d'un homme condamné pour terrorisme en dépit des "risques réels de traitements inhumains", rappelle sur Twitter Nicolas Hervieu, universitaire et spécialiste reconnu de la CEDH, pour qui l'arrêt rendu lundi "infirme donc ce récent précédent".
 

- "Spectaculaire revirement" -

 
Cet enseignant à Sciences Po n'hésite pas à parler d'un "spectaculaire revirement" de part de la Cour "qui juge désormais que la France peut expulser un Algérien" auparavant condamné pour terrorisme car elle estime qu'il ne risque pas de "traitements inhumains (et) dégradants en Algérie"
Il ne s'agit pas à proprement parler d'un "revirement de la jurisprudence de la Cour", tempère une source à la CEDH, précisant que la juridiction a modifié son appréciation parce que "la situation en Algérie a changé" ces dernières années: Alger a "modifié ses pratiques" et introduit des "réformes constitutionnelles", ce qui rend désormais les expulsions possibles, fait-on valoir.
En avril 2018, la CEDH avait déjà autorisé l'expulsion vers l'Algérie d'un imam marseillais controversé. Mais dans ce cas-là, la personne "n'avait pas été condamnée pour terrorisme", ce qui fait donc de l'arrêt rendu lundi "une première", insiste-t-on à la CEDH.
Rendu à l'unanimité des sept juges, il note très clairement qu'il "n'existe pas de motifs sérieux et avérés" de penser que le requérant, un Algérien de 34 ans condamné en France en 2015 à 6 ans de prison pour "participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte terroriste" et à une interdiction définitive du territoire français, serait soumis à des "traitements inhumains" dans son pays.
"Plusieurs juridictions des (47) Etats membres du Conseil de l'Europe (dont la France, NDLR), après un examen approfondi de la situation générale en Algérie (...), ont récemment conclu à l'absence de risques de violation de l'article 3 de la Convention" européenne des droits de l'homme (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants) en cas d'expulsion, insistent les juges européens.
Et "la plupart des rapports disponibles sur l'Algérie ne font plus état, pour les années 2017 et 2018, d'allégations de torture à l'encontre des personnes liées au terrorisme", relèvent-ils.
 

- Procédure d'urgence -

 
Le requérant, présenté par la Cour comme A.M., avait été condamné par le tribunal correctionnel de Paris pour avoir fourni à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) des lunettes de vision nocturne ainsi que de l'argent. Il entendait également rejoindre l'organisation.
En février 2018, la préfecture de la Loire avait délivré un arrêté d'expulsion vers l'Algérie à l'encontre du trentenaire, qu'il avait vainement contesté en justice, avant de saisir en urgence la CEDH.
Cette dernière avait alors demandé à Paris de suspendre l'expulsion tant que la procédure devant la Cour strasbourgeoise n'était pas achevée.
Un temps placé en rétention administrative, A.M. se trouvait depuis le 10 septembre 2018 assigné à résidence.
"Rien n'atteste (...) que les autorités algériennes", qui n'ont jamais demandé à Paris son extradition, "montrent un intérêt particulier pour le requérant (...) qui ne fait l'objet d'aucune poursuite judiciaire en Algérie", souligne la Cour.
A.M. dispose de trois mois pour faire appel de cet arrêt. "La logique voudrait que les autorités françaises" ne l'expulsent pas avant l'expiration de ce délai, l'arrêt n'étant pas encore définitif", indique-t-on à la CEDH.

le Lundi 29 Avril 2019 à 02:01 | Lu 335 fois