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L’instituteur trafiquant demande sa réintégration


Tahiti, le 20 octobre 2020 - Condamné à trois ans d’emprisonnement pour trafic d’ice dans l’affaire Sarah Nui 1, l’instituteur et entraîneur de futsal Jacob Tutavae, révoqué de la fonction publique depuis, demande sa réintégration. Il considère cette sanction comme "disproportionnée", les faits en cause étant "isolés". Une vision des choses pas vraiment partagée par le rapporteur public du tribunal administratif de Papeete.

Instituteur titulaire depuis 2008, il était affecté depuis 2016 à l’école To’atā. Le professeur des écoles aurait pu miser sur une vie tranquille avec une carrière professionnelle sur de bons rails. Elle va pourtant basculer dans le trafic de drogues et la perte de son statut d’enseignant.
 
Une carrière "exemplaire" qui déraille en quelque mois

En septembre 2018, Jacob Tutavae est arrêté et placé en détention provisoire dans l’attente d’un procès, celui du premier volet de l’affaire Sarah Nui. Condamné en octobre 2019 à trois ans d’emprisonnement pour détention, transport, offre et cession illicites de stupéfiants, participation à une association de malfaiteurs, le tribunal ne manquait pas de relever que les faits étaient "d'autant plus graves au regard de sa profession" compte tenu de sa participation active à un trafic d’ice. Un trafic dans lequel il joua un rôle central en servant d’intermédiaire entre janvier 2017 et août 2018. Une profession ternie et une école traumatisée mais surtout une affaire grave qui obligeait l’administration à sanctionner l’intéressé. Fin décembre 2019, il est révoqué de la fonction publique par le Vice-Recteur. Ce dernier considérait que le tableau avait été suffisamment noirci. Les faits portent ainsi atteinte à l’exigence d’exemplarité et d’irréprochabilité qui incombe aux enseignants, des faits largement incompatibles avec son maintien dans ses fonctions.
 
Des faits ayant un "caractère isolé"
 
L’ex-instit et nouveau détenu ne se résout pourtant pas à l’idée que l’administration ait sifflé la fin de la récré. Il estime que la sanction est "disproportionnée par rapport aux faits qui lui sont reprochés" et demande au tribunal administratif sa réintégration. Une demande appuyée par le fait qu’il a eu une "carrière exemplaire", qu’il n’a "jamais fait l’objet de sanctions disciplinaires" et que "les faits en cause ont un caractère isolé". De surcroit, les fautes commises l’auraient été en dehors du service, sans aucune incidence sur l’exercice de ses fonctions. Pour le rapporteur public, le maître a été un mauvais élève, les faits ont porté atteinte à la réputation de l’administration et  sont incompatibles avec l’exercice des fonctions. Un exercice bref de récitation du droit qui s’est transformé en correction.
 
"Aucun doute" sur la sanction pour le rapporteur public
 
Après avoir rappelé "les obligations qui pèsent sur les enseignants aussi bien vis-à-vis des élèves placés sous leur autorité que du service public dont ils doivent préserver la réputation", le coup de règle a été cinglant et direct. "Ici, la proportionnalité de la sanction ne fait à nos yeux aucun doute". Une sanction "tout à fait proportionnée à la gravité des faits en cause" dont le court rappel aura clôturé la leçon. "La participation active de l’intéressé à un trafic d’ice pendant plus d’un an et demi (…) dans le but de contribuer à mettre en place l’organisation matérielle permettant l’écoulement de la méthamphétamine sur le sol polynésien (…) ne peut être regardée, de par son ampleur et sa durée que comme un fait isolé" contrairement à ce l’enseignant, absent de l’audience, soutient. Le bon carnet scolaire de l’instituteur jusqu’à cette arrestation n’a pas non plus d’importance aux yeux de la magistrate qui continuera à taper sur les doigts. Même commis en dehors du service et sans sanction disciplinaire auparavant, "ces faits apparaissent incompatibles avec la fonction d’enseignant et de nature de porter atteinte à la fonction et à l’image de l’Éducation nationale". Si ces conclusions sont suivies, l’enseignant restera au piquet de l’administration à perpétuité. Délibéré le 10 novembre prochain.
 

Rédigé par Sébastien Petit le Mardi 20 Octobre 2020 à 23:02 | Lu 6794 fois