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L'hôpital descend dans la rue pour réclamer un traitement de choc


Paris, France | AFP | jeudi 14/11/2019 - "Soignants épuisés, patients en danger": des milliers de médecins, aides-soignants, infirmiers, doyens et étudiants manifestaient jeudi un peu partout en France, pour réclamer davantage de moyens et d'effectifs, pendant que le gouvernement peaufine un "plan de soutien" très attendu.

L'appel à une "grande manifestation", lancé il y a un mois par le nouveau collectif Inter-Hôpitaux, a fait le plein de soutiens. A commencer par le collectif Inter-Urgences, à l'origine d'un mouvement social inédit, débuté en mars à Paris et qui s'est étendu à tout le pays, avec encore 268 établissements touchés en début de semaine.
Augmentation des salaires, hausse des effectifs, réouverture des lits supprimés... les revendications n'ont pas changé, visibles jeudi sur les pancartes comme "Sauvons notre hôpital, donnez-nous les moyens", "Soignant épuisé, patient en danger", "SOS hôpital public en danger", "Je fais pas d'argent je soigne les gens", ....
Ils étaient plusieurs milliers à Paris, plusieurs centaines à Lyon, 300 à Toulouse ou Bordeaux, 220 à Lille, une centaine à Marseille..., selon les journalistes de l'AFP.
"On fait tout le temps des heures supplémentaires, tout le monde est épuisé, il y a beaucoup d'arrêts maladie", a affirmé Laurence Crest, 56 ans, aide-soignante à l'hôpital de Rangueil (Toulouse).
"On veut un service public de qualité, il est en train de se dégrader à vitesse grand V", a de son côté relevé Nathalie Sabot, infirmière de 39 ans au Samu de Lyon.
"Il est urgent d'agir", "l'hôpital est mort, réanimez-le", "hôpital public en urgence vitale": la gravité des slogans sur les banderoles tranchait avec l'ambiance festive et bon enfant du cortège parisien. Philippe Martinez, le numéro un de la CGT, s'est dit "convaincu que le gouvernement ne donnera(it) pas les moyens". "Quand c'est Bercy qui décide, en général la bourse est très petite".
La commission des Affaires sociales du Sénat a reçu Antoine Pelissolo, chef du service de psychiatrie de l'hôpital Henri-Mondor (Créteil, Val-de-Marne) et membre du collectif Inter-Hôpitaux, ainsi que deux membres du collectif Inter-Urgences, a indiqué en séance son président, Alain Milon (LR).
Une assemblée générale est prévue à l'hôpital Cochin après la manifestation, pour décider de rejoindre, ou pas, la mobilisation du 5 décembre contre la réforme des retraites. Une autre est programmée à la Pitié-Salpêtrière pour décider de la suite du mouvement.
Les professionnels "ont raison de pointer les très grandes difficultés" de l'hôpital public, a estimé Sibeth Ndiaye sur France Inter, la porte-parole du gouvernement évoquant un "déficit d'investissement" et "d'attractivité des professions médicales".
 

- 'Des arbitrages difficiles ' -

 
Fait rare, tous les syndicats de la fonction publique hospitalière se sont ralliés à la mobilisation, en particulier la CGT, FO et la CFDT, qui peinent tant à s'accorder sur d'autres sujets au niveau national.
Les étudiants en médecine, avec la bénédiction des doyens, ont décrété une "journée sans activités dans toutes les facultés".
Les internes sont pour leur part consultés par leur intersyndicale (Isni) sur une possible grève "totale et illimitée à partir du mardi 10 décembre", les généralistes en devenir de l'Isnar-IMG apportant eux leur "soutien" à la mobilisation.
L'inquiétude est remontée jusqu'aux pontes des commissions médicales d'établissements (CME), qui évoquent un "état d'urgence républicaine".
Agnès Buzyn a promis fin octobre un "plan de soutien" qui mettra l'accent sur "un meilleur investissement courant" et "la revalorisation des salaires, notamment en début de carrière".
Mais la ministre de la Santé a déjà échoué par deux fois à sortir de ce conflit: ni la prime mensuelle de 100 euros versée depuis juillet, ni le plan de "refondation" annoncé en septembre n'ont suffi à apaiser les tensions.
Les manifestants visent désormais plus haut: le cortège parisien doit rallier les Invalides, en espérant que leurs représentants seront reçus à Matignon.
En plein examen du budget 2020 de la Sécu au Sénat, les débats se polarisent sur la hausse des dépenses de santé, pour l'heure limitée à 2,1% à l'hôpital, quand les grévistes réclament le double.
"Des discussions sont en cours" sur le sujet, mais "elles nécessitent des arbitrages difficiles", a reconnu Mme Buzyn.
En face, le ministère de l'Economie a déjà fait savoir qu'une reprise, même partielle, de la dette colossale des hôpitaux publics (30 milliards d'euros) "n'est pas une option envisagée".
Et Bruno Le Maire a prévenu que, "si l'on dépense de l'argent pour l'hôpital", il faudra "trouv(er) des économies en face".
Pour ouvrir le verrou de Bercy, la clé viendra d'Emmanuel Macron, qui estimait fin octobre qu'il allait "falloir qu'on remette des moyens, parce qu'il faut qu'on réponde à la souffrance des personnels de santé".

le Jeudi 14 Novembre 2019 à 05:52 | Lu 190 fois