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L'appel du 17-Juillet pour relancer la plainte à La Haye


Tahiti, le 12 mars 2021 - En réaction à la publication du livre Toxique, le Tavini Huiraatira lance un appel à la mobilisation générale "contre les 193 crimes commis par l’Etat français", le 17 juillet prochain. Une manifestation qui sera aussi l’occasion de recueillir les plaintes de victimes du nucléaire pour appuyer sa communication pour crime contre l’humanité déposée devant la Cour pénal internationale de La Haye.

"Quand un peuple ne défend plus ses libertés et ses droits, il devient mûr pour l’esclavage". C’est par cette citation de Jean-Jacques Rousseau que le leader indépendantiste Oscar Temaru a entamé sa conférence de presse, vendredi. En écho aux dernières révélations faites par le livre-enquête Toxique : Enquête sur les essais nucléaires français en Polynésie, paru mercredi, le Tavini Huiraativa annonce la préparation d’un grand rassemblement "dans la paix et la dignité" pour la date anniversaire de l’essai Centaure. Ce sera le 17 juillet 2021 "au stade Pater" a déclaré Oscar Temaru vendredi, "pour ne pas que cette date tombe dans l’oubli"

L’ouvrage Toxique de Sébastien Philippe et Tomas Statius donne les conclusions de deux ans d’enquête sur les conséquences des essais nucléaires en Polynésie française. À l’appui des 2 000 documents militaires déclassifiés, de centaines d’heures de calculs par ordinateur, cette enquête démontre l’ampleur des retombées radioactives qui ont frappé la Polynésie durant la période des essais nucléaires et montre comment les autorités françaises ont dissimulé l’impact réel de ces retombées sur la santé des Polynésiens. Cette enquête modélise notamment la trajectoire du nuage radioactif de l’essai atmosphérique Centaure, le 17 juillet 1974. Un tir raté, compliqué par une météo défavorable, dont le nuage a balayé la Polynésie jusqu’à Tahiti et semble-t-il exposé 110 000 Polynésiens à des retombées radioactives.

Pour cette première, "il faudrait qu’il y ait 100 000 personnes dans la rue", rêve le leader indépendantiste pour le rassemblement anniversaire du 17 juillet. Une date qu'Oscar Temaru souhaite inscrite dans les annales à l’instar du 2-Juillet, l'anniversaire du premier essai atmosphérique réalisé sous l’égide du Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP), en 1966.

Raviver la plainte à La Haye

Mais en marge de ce rassemblement, le parti souverainiste souhaite surtout convaincre le plus grand nombre de victimes polynésiennes du nucléaire de déposer en masse, auprès de la Cour Pénale internationale, une plainte pour crimes contre l’humanité "pour que l’Etat français ne soit plus juge et partie dans ce combat". Un réseau de référents, destiné à accompagner ces futurs plaignants dans leurs démarches, est d’ailleurs en cours de constitution.

Le parti souverainiste entend en effet tirer profit de cet événement du 17 juillet pour relancer la communication déposée en octobre 2018 devant la Cour pénale internationale de La Haye (CPI). La procédure, souvent présentée comme une plainte contre la France, vise en réalité, pour crime contre l’humanité, les présidents français en exercice durant la période des essais nucléaires. Valéry Giscard d’Estaing, dernier survivant, est cependant décédé en décembre 2020. "La plainte est portée par l’Etat et sa continuation", balaye Michel Villar pour soutenir une procédure qui, selon toute vraisemblance, est au point mort. Mais pas sans issue, selon lui. Le conseiller pour les affaires internationales du Tavini assure d'abord que la communication n’a pas été rejetée : "Il y a eu accusé de réception officiel."

Ce dossier est en fait confronté à une haie d’obstacles à La Haye, au nombre desquels celui de la date d’entrée en compétence de la Cour pénale internationale, en 1998 deux ans après le dernier essai nucléaire en Polynésie. Pour contourner l'inconvénient, Michel Villar estime que le dépôt à la CPI de plusieurs plaintes de victimes reconnues et indemnisées sous l’égide de la loi Morin est susceptible de relancer l’instruction de la communication pour crime contre l’humanité du parti souverainiste. Selon le conseiller, alors que les faits dénoncés sont antérieurs à la compétence de la cour de La Haye, les conséquences des essais nucléaire, toujours d’actualité, doivent permettre à la cour d’agir. "On va recueillir un maximum de plaintes ayant pour objet des demandes d’indemnisation, explique-t-il. Elles seront portées à la connaissance de la cour. Ce sera aussi l’occasion de permettre à ces personnes de dire qu’ils ont conscience que les essais nucléaires ont apporté un certain nombre de souffrances et qu’il faut les corriger."

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 12 Mars 2021 à 18:05 | Lu 3091 fois