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L’Océanie se penche sur le rôle de la Chine


APIA, mercredi 25 février 2015 (Flash d’Océanie) – Le rôle grandissant de la Chine dans la région Pacifique est au centre d’un colloque qui a débuté mercredi, dans la capitale samoane.

Cette conférence, organisée dans les locaux de la jeune université nationale de Samoa, a pour objectif affiché de susciter le débat et les échanges, entre États insulaires océaniens, sur leurs relations avec Pékin et le rôle de la Chine dans toute la région, autour du thème « La Chine et le Pacifique : le point de vue de l’Océanie ».

Tuilapea Sailele Malielegaoi, Premier ministre samoan, dans son discours d’ouverture, a estimé d’emblée que ce genre de rencontres serait utile.
Selon lui, le point de vue de Pékin n’a pas suffisamment été entendu ces dernières années pour « rééquilibrer le discours parfois alarmant des médias » concernant le rôle de la Chine en Océanie, et en particulier en Polynésie et en Mélanésie.

Cette réunion universitaire de trois jours rassemble des experts et membres de la sphère académique des pays de la zone, mais aussi de nombreux diplomates, chercheurs et sociologues venus pour l’occasion de Chine.
Les débats sont censés examiner et mettre en lumière, en mode pluridisciplinaire, les enjeux sociaux, culturels, économiques, diplomatiques et géopolitiques de la présence chinoise dans la zone Pacifique, à l’horizon 2025.

Les partenaires de cet événement sont aussi le New Zealand Contemporary China Research Centre (NZCCRC, centre de recherche néo-zélandais sur la Chine contemporaine, basé à la Victoria University de Wellington), ainsi que l’Université Sun Yat-sen de Guangzhou.
Cette conférence se penchera sur des questions relatives à la contribution du gouvernement chinois aux peuples du Pacifique, son rôle dans le développement et de quelle manière cela est perçu par les pays océaniens, la Nouvelle-Zélande, l’Australie et les pays plus petits », a précisé le professeur Prof. Fui Le’apai Tu’ua Ilaoa Asofou So’o, Vice-chancelier et Président de la National University of Samoa, qui a aussi rappelé que l’arrivée des Chinois en Océanie remontait, pour les premières générations, au 19ème siècle.

« Nous avons une relation ancienne avec la Chine en tant que peuple, ce sont parmi les premiers migrants qui sont venus ici à Samoa, et maintenant ils font partie intégrante de la société samoane », a-t-il ajouté.
Li Yanduan, ambassadrice chinoise à Samoa, a pour sa part souligné le rôle « constructif » que joue son pays dans la région Pacifique.
« Les pays insulaires du Pacifique font partie intégrante et importante du monde en développement auquel la Chine, en tant que pays en développement lui-même, attache une grande importance (…) Même si la Chine et les pays insulaires du Pacifique peuvent sembler éloignés géographiquement, leurs peuples sont naturellement proches et amis depuis longtemps », a-t-elle estimé dans son discours lors de la cérémonie d’ouverture.

Mais depuis quelques années, le rôle de la Chine s’est intensifié en Océanie, aussi bien aux plans diplomatique qu’économique, à travers à la fois une aide au développement renforcée, parfois sous forme de prêts à taux préférentiels, ou bien en développant des exploitations de ressources terrestres ou sous-marines, l’activité de pêche, ou la construction d’infrastructures.
Sur le lieu même où se tient la conférence, le campus de la National Université de Samoa, les locaux du département des études marines sont en construction, sur financement du gouvernement chinois.

En toile de fond aussi : les nécessaires réajustements, en mode de concurrence d’influence, du fait de la présence dans la région Pacifique d’autres bailleurs de fonds, plus traditionnels et occidentaux, comme les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Union Européenne ou encore le Japon.

Visite officielle de Xi Jinping à Fidji

Fin novembre 2014, le Président chinois Xi Jinping effectuait une visite officielle de deux jours à Fidji, où il a réaffirmé les excellentes relations entre non seulement ce pays, mais aussi les autres pays voisins de l’Océanie, dont les dirigeants étaient venus spécialement à Suva pour le rencontrer à l’occasion d’un sommet multilatéral.
La visite chinoise à Fidji avait été précédée de quelques jours seulement par celle du Premier ministre indien Narendra Modi qui, lui aussi, avait saisi l’occasion de sa présence dans le Pacifique insulaire pour rencontrer, sur le sol fidjien, des chefs d’États et de gouvernement océaniens venus spécialement pour l’occasion.

Objectif affiché de cette opération de charme : renforcer les relations non seulement avec cet archipel, dont la diplomatie est désormais décomplexée vis-à-vis des grands partenaires traditionnels riverains (Australie et Nouvelle-Zélande), mais aussi avec tous les petits États insulaires de la zone.
Le but ultime est aussi, pour des puissances comme l’Inde et la Chine, de pérenniser une présence dans une zone autrefois considérée comme le pré carré des voisins australiens et néo-zélandais.

Reconnaissance fidjienne envers Pékin

À Fidji, cette semaine, à l’occasion des célébrations du nouvel an chinois marquant l’entrée dans l’année de la chèvre, le Premier ministre fidjien Franck Bainimarama a une nouvelle fois tenu à publiquement remercier Pékin pour son soutien, après son putsch de décembre 2006, alors que la plupart des partenaires occidentaux de cet archipel lui avaient tourné le dos.
Fidji avait aussi été exclu d’organisations telles que le Forum des Îles du Pacifique et du Commonwealth.
Évoquant l’année 2015 comme étant aussi celle du quarantième anniversaires de l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays, le désormais Premier ministre élu (au terme d’élections démocratiques le 17 septembre 2014) a estimé que « Fidji n’oubliera jamais le soutien de Pékin » en ces temps difficiles.
« La Chine est restée de notre côté parce qu’elle a reconnu que ce que nous faisions, en tant que nation, c’était pour le bénéfice à long terme du peuple Fidjien (…) Et la Chine a énormément contribué au développement et à l’amélioration de nos infrastructures, y compris de nos routes, de nos logements publics, de nos projets hydroélectriques, solaires et de nos hôpitaux », a-t-il lancé.
Selon M. Bainimarama, le volume annuel d’échanges commerciaux entre Fidji et la Chine s’est aussi significativement accru pour atteindre l’équivalent de 340 millions de dollars US, avec un taux de croissance estimé de quelque douze pour cent l’an.
Le nombre de visiteurs chinois ayant choisi la destination Fidji a aussi été multiplié par sept au cours des six dernières années, passant de 4.000 to 28.000, a-t-il ajouté tout en rendant un hommage appuyé à la communauté chinoise de Fidji, établie de longue date depuis plusieurs générations et qui s’est depuis largement intégrée et métissée.
à la cathédrale catholique de Suva, le week-end dernier, une messe spéciale a été dite par l’Archevêque de Suva, Peter Loy Chong, lui-même descendant de Chinois de Fidji.

La Chine, puissance océanienne déjà bien établie

Pour la Chine, la visite officielle de trois jours à Fidji du Président Xi Jinping a servi à conforter des relations déjà florissantes avec Suva, en particulier au cours de la période post-putsch allant de décembre 2006 à septembre 2014.

Au bénéfice des sanctions imposées par le bloc occidental (avec en première ligne l’Australie et la Nouvelle-Zélande) après le coup d’État de décembre 2006, la présence chinoise à Fidji a connu un sensible développement.
S’exprimant sur ces avancées, l’ambassadeur chinois en poste à Suva, Huang Yong, évoquait récemment « l’importance » de Fidji, mais aussi que ce pays ait été, en son temps, le premier de la zone Pacifique insulaire à établir des relations diplomatiques avec Pékin.
« Nos deux pays ont approfondi une coopération pragmatique dans les domaines politique, économique, commercial (…) ouvrant ainsi la voie à une nouvelle opportunité historique de développement de nos relations bilatérales », a-t-il commenté.
Ces dernières années, sur financement chinois, ce sont ainsi des hôpitaux, des logements, des centrales hydroélectriques, des routes, qui sont sortis de terre dans cet archipel.
L’Université régionale du Pacifique Sud, basée à Suva, accueille aussi sur son campus, depuis plusieurs années, un institut Confucius chargé de promouvoir la culture et la langue chinoises.
« La visite de M. Xi vient amplement démontrer la haute importance que la Chine accorde au développement de ses relations avec les nations insulaires du Pacifique. Le but de ce voyage est de tracer ensemble l’avenir des liens entre la Chine et le Pacifique et de promouvoir une coopération pratique, ainsi que des échanges amicaux (…) C’est un événement majeur d’une importance stratégique significative dans l’histoire des relations bilatérales de la Chine avec les pays insulaires du Pacifique. Il va très certainement porter les relations bilatérales à un autre niveau », a-t-il ajouté concernant ce aura été le premier déplacement d’un Chef d’État chinois dans cette partie du monde.

Tout comme le Premier ministre indien, Le Président chinois a utilisé Fidji comme plateforme pour rencontrer à Nadi une grande parties des dirigeants océaniens, comme ceux des îles Cook, des États Fédérés de Micronésie, de Samoa, de Papouasie-Nouvelle-Guinée, de Vanuatu, des îles Cook, de Tonga et de Niue.

« Super-ambassades » américaine et chinoise à Suva

Dans la capitale fidjienne, Suva, les États-Unis ont inauguré en juin 2011 une « super-ambassade » à vocation régionale, en réponse apparente à un projet similaire, mais chinois, inauguré quelques mois plus tôt en grande pompe par Pékin.
Depuis la prise de pouvoir de Franck Bainimarama par un putsch en décembre 2006, les relations entre Suva et Pékin ont connu une embellie sans précédent, alors que celles avec les anciens alliés occidentaux, et en premier lieu l’Australie et la Nouvelle-Zélande, se sont détériorées avant que d’entrer dans une phase de restauration ces derniers mois.

Zone de front en plein Pacifique

Pour dire au revoir à Huang Yong, l’ambassadeur chinois en poste à Suva (qui a quitté Fidji jeudi 15 janvier 2015), le gouvernement local a mis les petits plats dans les grands : réception organisée en son honneur par le Président fidjien en personne, Ratu Epeli Nailatikau, qui, le 12 janvier 2015, a décoré le diplomate en partance de la médaille d’Officier Honoraire dans l’Ordre de Fidji.
Le chef de l’État fidjien a notamment salué le travail de ce diplomate de Pékin dans le processus de renforcement des relations entre les deux pays, au cours de son mandant de trois ans et demi.
Dans le même ton, une autre réception a été donnée par le ministre fidjien des affaires étrangères, Ratu Inoke Kubuabola, en l’honneur de ce diplomate, là encore pour souligner son rôle, ces dernières années, dans le rapprochement entre Suva et Pékin.
Il a cité comme point culminant de ces démonstrations de proximité la récente visite à Fidji du Président chinois Xi Jinping.
« En tant que nation, la Chine a démontré qu’elle était un vrai ami de Fidji, lorsque presque tout le reste du monde nous avait fermé la porte. La Chine est restée ferme et nous a soutenus, montrant ainsi une profonde compréhension de notre situation et aussi un grand respect pour Fidji en tant que nation souveraine qui essaie de se reconstruire », a notamment déclaré le chef de la diplomatie fidjienne.
Les domaines de coopération entre Suva et Pékin se sont multipliés au cours des dernières années, allant des aides aux infrastructures (stades, routes, ponts, centrales hydroélectriques) aux échanges commerciaux en passant par la culture ou encore l’armée et, ces dernières semaines, une amorce de coopération policière.

Fidji reconnu comme leader régional

« Rien n’est plus symbolique du nouveau statut de notre nation au sein de la communauté mondiale que cette opportunité de recevoir à la fois le Premier ministre indien et le Président chinois », déclarait M. Bainimarama à ses ambassadeurs et chefs de missions, réunis en conférence peu avant ces visites de hauts dirigeants.

« Il y a sans nul doute une dimension stratégique à ces visites : l’Inde et la Chine sont des puissances mondiales émergentes qui veulent aussi renforcer leur présence dans le Pacifique. Mais leurs dirigeants viennent aussi ici parce qu’ils considèrent Fidji comme un pays important (…) Ils nous reconnaissent en tant que leader dans la région, une nation insulaire de premier plan qui joue aussi un rôle grandissant sur la scène mondiale et qui a aussi accompli des réformes substantielles au plan constitutionnel, juridique et politique, qui ont été applaudies, saluées et acceptées internationalement », a-t-il ajouté face à ses compatriotes diplomates.

pad



Rédigé par PAD le Mercredi 25 Février 2015 à 08:33 | Lu 992 fois