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Kbis, l'enfer des délais


Tahiti, le 27 mai 2021 – Véritable enfer pour les entrepreneurs polynésiens, le délai des formalités liées au Kbis pénalise les sociétés du fenua. La faute à un service du registre du commerce et des sociétés en sous-effectif chronique depuis plusieurs années. La solution d'un transfert de cette compétence de l'État vers le Pays est en discussion.

 

Une semaine pour obtenir un extrait Kbis, un mois pour immatriculer une société, cinq mois pour la modifier… Les délais de traitement du registre du commerce et des sociétés (RCS) en Polynésie française sont devenus la hantise des gérants d'entreprise. “Les enjeux sont conséquents”, confirme un comptable de la place, “sur certains dossiers, on est parfois obligé de changer les projets pour tenir compte de ces délais”. Sorte de carte d'identité d'une société, l'extrait Kbis est un document obligatoire pour toute démarche concernant l'entreprise, y compris pour permettre à un gérant d'accéder à son propre compte lors de la création de sa société…

 

La problématique n'est pas nouvelle, elle relève d'un sous-effectif du greffe gérant le RCS en Polynésie française. Mais celle-ci a encore été pointée du doigt pendant la crise Covid, retardant les démarches administratives pour bénéficier des dispositifs mis en place pour les entreprises. Le sujet a d'ailleurs été évoquée il y a deux semaines par les acteurs économiques locaux lors de leur rencontre avec le ministre des Outre-mer, avec une solution actuellement en discussion au ministère de la Justice : Le transfert de cette compétence à la Polynésie française.

 

Sous-effectif

 

En Polynésie, le RCS est rattaché au tribunal mixte de commerce. Le greffe est installé au rez-de-chaussée du palais de justice et doit gérer l'ensemble des mises à jour des sociétés et des demandes de délivrance d'actes du RCS : extraits Kbis, copies des bilans, certificats de non faillites, statuts… Tout le problème vient du sous-effectif chronique du greffe depuis de nombreuses années, confirme-t-on au palais de justice. “Idéalement, on devrait avoir dix personnes. Aujourd'hui, on en a trois.” Des demandes récurrentes sont adressées par le tribunal de première instance à la Chancellerie pour obtenir des moyens humains supplémentaires, mais le fond du problème tient à l'organisation même d'un RCS dépendant des tribunaux mixtes de commerce dans les outre-mer français. Pour autant, l'ensemble de ces territoires a réglé la question en transférant cette compétence de l'État aux collectivités elles-mêmes. A l'exception de la Polynésie française.

 

Dernier transfert en date, celui de la Nouvelle-Calédonie s'est effectué en 2014. C'est aujourd'hui la Direction des affaires économiques (DAE) qui gère le RCS sur le Caillou. Et le site de la DAE annonce aujourd'hui des prestations à faire pâlir d'envie les entrepreneurs polynésiens : “L'extrait Kbis d'une société est délivré de manière instantanée auprès de la régie du RCS. En cas de création d'une entreprise, ce délai est de 24h à 48h compte tenu du contrôle juridique et de l'enregistrement informatique nécessaires à cette formalité”. Au fenua, une note d'information du greffe en charge du RCS datée de 2019 fixait ces délais à “une semaine pour la délivrance des actes du RCS”, précisant que “ce délai pourra être supérieur pour les demandes d'extrait Kbis”, “un mois pour les formalités d'immatriculation” et "quatre à cinq mois pour les formalités de modification ou de radiation”. Ce à quoi il faut ajouter que le RCS ne peut être contacté autrement que par courrier postal. “Toute relance concernant le traitement de votre demande avant expiration de ces délais ne permettra pas au greffe de les améliorer”, précisait la note de 2019.

 

Le transfert demandé

 

“Il n'y a aucun moyen qui leur a été donné. Ils n'ont pas de moyens modernes, pas de logiciels. Et ça fait une dizaine d'années que les entreprises demandent à ce qu'il y ai une modernisation de ce service pour qu'on puisse aller vite”, expose le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), Christophe Plée. Le représentant des TPE et PME explique avoir relancé, avec le Medef, le ministre des Outre-mer sur ce sujet lors de sa visite. “Ce qui a été demandé et souhaité, c'est que ce service dépende du Pays pour qu'il puisse tenir ce registre du commerce. Et ensuite, d'après les intentions exprimées par le Pays, qu'il lance un appel d'offres pour qu'une société privée gère ces inscriptions au registre du commerce. Comme c'est fait partout en France.”

 

Le patron de la CPME affirme avoir eu confirmation que le sujet était bien en discussion au niveau de l'État. Information confirmée par la présidente du tribunal de première instance de Papeete, qui confirme avoir adressé une demande officielle de transfert de cette compétence au ministère de la Justice en 2020.


Rédigé par Antoine Samoyeau le Vendredi 28 Mai 2021 à 06:02 | Lu 5383 fois