Pari, Indonésie | AFP | mardi 13/03/2023 - Assis près d'un brise-lame, Mustagfirin contemple la mer depuis la petite île indonésienne de Pari. C'est sur cette modeste langue de terre que se trouve sa maison, mais pour combien de temps encore?
Son vieux rafiot l'attend à deux pas, ancré près du rivage. Là, des statues qui avaient autrefois les pieds dans le sable ont les orteils rongés par l'eau salée. Et son niveau ne cesse de monter.
"Je suis vraiment attristé et terrifié par le fait que dans dix ou vingt ans, l'île de Pari pourrait disparaître", se désole auprès de l'AFP le pêcheur de 52 ans.
Des experts pensent que la quasi-totalité des 42 hectares de Pari, située à une quarantaine de kilomètres au nord de la capitale indonésienne Jakarta, pourrait être engloutie d'ici 2050.
Ses habitants veulent riposter et ont traduit en justice le mois dernier le géant cimentier suisse Holcim, qu'ils tiennent pour responsable de pertes et dégâts liés au réchauffement climatique en raison de ses émissions de CO2.
Cette affaire pourrait devenir une étape importante pour les plaignants du monde entier opposés aux grands industriels et à leurs importantes émissions de gaz à effet de serre.
Les litiges contre gouvernements et sociétés polluantes se multiplient ces dernières années, mais il s'agit du premier intenté par des Indonésiens à l'encontre d'une entreprise étrangère.
C'est aussi la première fois qu'un groupe suisse est poursuivi.
"Gagner ce procès pourrait inciter d'autres insulaires frappés par le changement climatique à réclamer justice", dit Puspa Dewy, militante de l'ONG indonésienne de protection de l'environnement Walhi.
"Où allons-nous vivre ?"
Sur l'île tropicale, des affiches et des graffitis appelant à "sauver Pari" au nom de la "justice climatique" sont apparus.
Des habitants affirment que les inondations provoquées par de grandes marées, montant jusqu'à 1 mètre 30, se multiplient depuis 2019, abîmant les maisons.
De deux fois par an, ces marées se comptent par plus d'une dizaine dernièrement, disent-ils.
Selon l'ONG Swiss Church Aid (HEKS), qui soutient les insulaires, Pari a perdu 11% de son territoire en 11 ans.
"Où allons-nous vivre? Mes ancêtres, mes parents, mes enfants et même mes petits-enfants sont tous nés ici", se lamente Mustagfirin qui, comme beaucoup d'autres Indonésiens, ne porte qu'un seul nom.
Il est l'un des quatre plaignants de l'île dans le recours déposé à Zoug, en Suisse, où se trouve le siège de Holcim.
Asmania, mère de trois enfants, a perdu sa ferme d'algues dans des inondations et s'inquiète pour son mari, qui affronte la mer hostile pour des prises de plus en plus petites.
"S'il vous plaît, arrêtez de ne penser qu'à l'argent", implore la femme de 39 ans.
La HEKS estime que la plainte pourrait n'être jugée par la plus haute cour suisse que dans quatre ans.
Les insulaires demandent 3.600 francs suisses (3.680 euros) chacun, comme dommages et pour financer des mesures de protection telles que la plantation de mangroves.
Puspa Dewy explique qu'Holcim est visé car personne ne s'est encore opposé à un géant du ciment, secteur responsable de 8% des émissions mondiales de CO2, selon l'université de Princeton.
Des représentants des insulaires ont rencontré Holcim l'an dernier sans que la médiation n'aboutisse, conduisant au dépôt d'une plainte.
Le cimentier, qui a vendu ses activités indonésiennes à une société locale en 2019, a critiqué la démarche à son encontre même s'il se dit auprès de l'AFP mobilisé contre le changement climatique.
"Nous ne croyons pas que les procès centrés sur une seule entreprise soient un mécanisme efficace pour aborder la complexité globale de l'action climatique."
"Sauvez-nous"
Pari et ses 1.500 âmes dépendent étroitement de la pêche et des touristes qui veulent échapper au smog de Jakarta pour le week-end.
Mais les fortes marées entraînent de plus en plus d'annulations de réservations.
"Quand il y a une inondation, nous perdons nos revenus. Cela s'ajoute à notre souffrance", déplore Edi Mulyono, qui a rejoint l'action en justice.
"Si Holcim prend ses responsabilités, d'autres grandes entreprises vont commencer à se dire qu'elles ne sont pas les seules à vivre sur cette terre", veut croire l'homme de 37 ans.
Plus loin sur la plage, la moto d'Arif Pujianto a perdu son lustre, ternie par le sel. Sa maison en bois, elle, est en train de pourrir.
"Maintenant, je vis dans l'inquiétude, j'ai peur que pendant mon sommeil, l'eau monte soudainement", confie-t-il en montrant une vidéo de sa femme dans leur cuisine inondée.
Pour protéger leurs foyers, les habitants de Pari n'ont que de fragiles remparts en pierre à opposer à l'impitoyable océan.
Une fois par mois, ils vont planter des mangroves de l'autre côté de Pari, dans une tentative désespérée de ralentir l'érosion de leur chère île.
Et de supplier. "S'il vous plaît, réduisez vos émissions pour nous sauver".
"N'attendez pas qu'il soit trop tard. N'attendez pas que notre île coule et que nous disparaissions".
Son vieux rafiot l'attend à deux pas, ancré près du rivage. Là, des statues qui avaient autrefois les pieds dans le sable ont les orteils rongés par l'eau salée. Et son niveau ne cesse de monter.
"Je suis vraiment attristé et terrifié par le fait que dans dix ou vingt ans, l'île de Pari pourrait disparaître", se désole auprès de l'AFP le pêcheur de 52 ans.
Des experts pensent que la quasi-totalité des 42 hectares de Pari, située à une quarantaine de kilomètres au nord de la capitale indonésienne Jakarta, pourrait être engloutie d'ici 2050.
Ses habitants veulent riposter et ont traduit en justice le mois dernier le géant cimentier suisse Holcim, qu'ils tiennent pour responsable de pertes et dégâts liés au réchauffement climatique en raison de ses émissions de CO2.
Cette affaire pourrait devenir une étape importante pour les plaignants du monde entier opposés aux grands industriels et à leurs importantes émissions de gaz à effet de serre.
Les litiges contre gouvernements et sociétés polluantes se multiplient ces dernières années, mais il s'agit du premier intenté par des Indonésiens à l'encontre d'une entreprise étrangère.
C'est aussi la première fois qu'un groupe suisse est poursuivi.
"Gagner ce procès pourrait inciter d'autres insulaires frappés par le changement climatique à réclamer justice", dit Puspa Dewy, militante de l'ONG indonésienne de protection de l'environnement Walhi.
"Où allons-nous vivre ?"
Sur l'île tropicale, des affiches et des graffitis appelant à "sauver Pari" au nom de la "justice climatique" sont apparus.
Des habitants affirment que les inondations provoquées par de grandes marées, montant jusqu'à 1 mètre 30, se multiplient depuis 2019, abîmant les maisons.
De deux fois par an, ces marées se comptent par plus d'une dizaine dernièrement, disent-ils.
Selon l'ONG Swiss Church Aid (HEKS), qui soutient les insulaires, Pari a perdu 11% de son territoire en 11 ans.
"Où allons-nous vivre? Mes ancêtres, mes parents, mes enfants et même mes petits-enfants sont tous nés ici", se lamente Mustagfirin qui, comme beaucoup d'autres Indonésiens, ne porte qu'un seul nom.
Il est l'un des quatre plaignants de l'île dans le recours déposé à Zoug, en Suisse, où se trouve le siège de Holcim.
Asmania, mère de trois enfants, a perdu sa ferme d'algues dans des inondations et s'inquiète pour son mari, qui affronte la mer hostile pour des prises de plus en plus petites.
"S'il vous plaît, arrêtez de ne penser qu'à l'argent", implore la femme de 39 ans.
La HEKS estime que la plainte pourrait n'être jugée par la plus haute cour suisse que dans quatre ans.
Les insulaires demandent 3.600 francs suisses (3.680 euros) chacun, comme dommages et pour financer des mesures de protection telles que la plantation de mangroves.
Puspa Dewy explique qu'Holcim est visé car personne ne s'est encore opposé à un géant du ciment, secteur responsable de 8% des émissions mondiales de CO2, selon l'université de Princeton.
Des représentants des insulaires ont rencontré Holcim l'an dernier sans que la médiation n'aboutisse, conduisant au dépôt d'une plainte.
Le cimentier, qui a vendu ses activités indonésiennes à une société locale en 2019, a critiqué la démarche à son encontre même s'il se dit auprès de l'AFP mobilisé contre le changement climatique.
"Nous ne croyons pas que les procès centrés sur une seule entreprise soient un mécanisme efficace pour aborder la complexité globale de l'action climatique."
"Sauvez-nous"
Pari et ses 1.500 âmes dépendent étroitement de la pêche et des touristes qui veulent échapper au smog de Jakarta pour le week-end.
Mais les fortes marées entraînent de plus en plus d'annulations de réservations.
"Quand il y a une inondation, nous perdons nos revenus. Cela s'ajoute à notre souffrance", déplore Edi Mulyono, qui a rejoint l'action en justice.
"Si Holcim prend ses responsabilités, d'autres grandes entreprises vont commencer à se dire qu'elles ne sont pas les seules à vivre sur cette terre", veut croire l'homme de 37 ans.
Plus loin sur la plage, la moto d'Arif Pujianto a perdu son lustre, ternie par le sel. Sa maison en bois, elle, est en train de pourrir.
"Maintenant, je vis dans l'inquiétude, j'ai peur que pendant mon sommeil, l'eau monte soudainement", confie-t-il en montrant une vidéo de sa femme dans leur cuisine inondée.
Pour protéger leurs foyers, les habitants de Pari n'ont que de fragiles remparts en pierre à opposer à l'impitoyable océan.
Une fois par mois, ils vont planter des mangroves de l'autre côté de Pari, dans une tentative désespérée de ralentir l'érosion de leur chère île.
Et de supplier. "S'il vous plaît, réduisez vos émissions pour nous sauver".
"N'attendez pas qu'il soit trop tard. N'attendez pas que notre île coule et que nous disparaissions".