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Jean-Paul Forest : "Tout point de vue est culturel"


PAPEETE, le 12 avril 2019 - L'artiste plasticien Jean-Paul Forest est invité à intervenir dans un cours de licence de géographie à l'université ce lundi 15 avril. Les étudiants découvriront que la lecture d'un paysage n'est pas "une science exacte", elle est fonction d'une époque et d'une culture.

Jean-Paul Forest est un artiste plasticien. Il interroge l'immensité à travers les multitudes de galets des plages et des rivières. Il est fasciné depuis toujours pas la vallée de Papenoo. "Elle est comme une éprouvette" dit-il. Elle se transforme suite à l'action de l'homme mais aussi de la nature. La végétation change, le cours de la rivière, les reliefs. "On entend les rochers tomber", dit-il.

Sa démarche artistique, en lien avec la vallée, a évolué. Il a d'abord prélevé des galets qu'il a emportés dans son atelier. "Les galets sont des entités, des êtres inanimés, ce sont en quelque sorte des corps qui racontent une histoire, leur histoire." Et, ensemble, celle de la vallée.

Dans son atelier, l'artiste a réparé, cousu, fait parler ces fragments. Jusqu'à ce que la vallée soit bouleversée, rapidement et irrémédiablement. Au milieu des années 1990, il est intervenu sur site. Il continue à interroger notre rapport à la vallée en particulier, à l'environnement et la Terre en général.

Il a répondu à l'invitation d'Anthony Tchékémian, maître de conférences en géographie et urbanisme à l'université de la Polynésie française pour "donner une autre conception de l'utilisation de l'image du paysage, pas documentaire mais subjective". Lire également l'encadré : Anthony Tchékémian : "Ce que l'on voit n'existe pas".

Un paysage se lit en fonction d'une époque et d'une culture. L'homme regarde avec ses codes. "Par exemple, j'ai connu la vallée de la Papenoo vierge ou presque, les traces de l'homme était anciennes et discrètes. Une route la traverse aujourd'hui. Pour ceux qui découvrent la vallée maintenant, cette route est disons 'normale'." La route fait partie du paysage.

Autre exemple, un agent au service du tourisme et un consultant chargé de faire un état des lieux d'une zone retiendront-ils les mêmes éléments du paysage? Le décriront-ils de la même façon?

Lire un paysage, c'est l'interpréter. C'est faire un arrêt sur image dans le temps. Tel est le message qui sera livré ce lundi aux étudiants de Licence en géographie et histoire.

Maître de conférences en géographie et urbanisme, Anthony Tchékémian fait appel à l'artiste Jean-Paul Forest pour l'un de ses cours.
Maître de conférences en géographie et urbanisme, Anthony Tchékémian fait appel à l'artiste Jean-Paul Forest pour l'un de ses cours.
Anthony Tchékémian : "Ce que l'on voit n'existe pas"

Maître de conférences en géographie et urbanisme, Anthony Tchékémian fait appel à l'artiste Jean-Paul Forest dans le cadre de son cours intitulé « Représenter le monde : les images de la Terre », dispensé aux étudiants inscrits en première année de Licence géographie et histoire. L'objectif ? "Comprendre l'apport de l'art dans notre perception et définition des paysages (de campagne certes, mais aussi des paysages urbains, industriels, etc.)."

Il explique : "En cours, nous "voyons" que le paysage désigne à la fois l’objet visible, les éléments constitutifs de cet objet dont certains sont invisibles et la perception qui peut être faite de cet objet, ainsi que les envies que nous formalisons à son sujet. Ce qui signifie que le paysage peut-être idéalisé, rêvé... La dimension subjective peut embarrasser les étudiants, comme les scientifiques."

Anthony Tchékémian ajoute : "l’étude de la subjectivité permet, par exemple, de comprendre si c’est le paysage qui fait l’art ou l’art qui fait le paysage. Puis, elle nous permet d’attester qu’il n’y a pas d’objectivité totale, car l’appréciation diffère selon les observateurs. Chaque individu a son vécu, ses références, ses schémas culturels acquis... sans oublier l’influence des rêves".

"De plus, l’appartenance, l’appropriation, la convoitise confèrent au paysage une valeur patrimoniale appréciée bien différemment par le regard esthétique du touriste et par le regard pratique, mais aussi charnel, notamment du Polynésien, dont la relation avec les éléments du paysage est faite de connivences dans la familiarité des lieux, jusqu’à l’encrage, le tatouage d’éléments de nature sur le corps...En fonction des individus, les perceptions ne sont jamais les mêmes ; le paysage a donc une valeur différente selon la personne qui l’utilise, qui le vit, qui le façonne."


Pratique

Le cours "Représenter le monde" aura lieu le lundi 15 avril de 10h30 à 12h en salle G2-1.

Contacts

Anthony Tchékémian, maître de conférences en Géographie et Urbanisme : [email protected]



Rédigé par Delphine Barrais le Vendredi 12 Avril 2019 à 11:30 | Lu 1661 fois