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Jean-Louis Baglan, le nouveau vice-recteur prône l'ouverture


Jean-Louis Baglan, le nouveau vice-recteur de Polynésie française.
Jean-Louis Baglan, le nouveau vice-recteur de Polynésie française.
PAPEETE, le 19 février 2015. Arrivé en Polynésie française dimanche dernier, en poste dans son fauteuil de vice-recteur depuis lundi, Jean-Louis Baglan est pour l'instant dans l'observation des problématiques d'enseignement sur le territoire. Il déclare vouloir travailler en partenariat avec le ministère local de l'Education, en priorité pour l'avancement des élèves.
Interview :

Vous connaissez le contexte local où l'éducation fait intervenir à la fois les services de l'Etat du vice-rectorat mais également le ministère local et sa direction de l'enseignement. Comment avez-vous l'intention de travailler ?

Jean-Louis Baglan : Sur le plan personnel je suis plutôt quelqu'un qui est décrit comme étant un homme de dialogue. La diplomatie fait partie de ce dialogue, en même temps je suis le représentant de l'Etat et je suis là aussi pour faire valoir le regard de l'Etat sur la gestion des fonds publics. On m'a dit avant ma prise de poste, j'ai eu quelques informations, que les relations avaient été tendues à certains moments. Moi j'arrive aujourd'hui avec un état d'esprit d'ouverture, et je constate aussi que cet esprit d'ouverture je le rencontre aussi chez la ministre actuelle, donc je considère que pour le moment les conditions sont requises pour un travail partenarial bénéfique avant tout pour les élèves. Car évidemment c'est ce qui nous intéresse, je pense que tout le monde est conscient du niveau faible des élèves et des inégalités dans les résultats.

Alors comment combattre ces inégalités et faire évoluer le niveau scolaire ?

Le fait déjà de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'opposition et donc de difficultés en terme d'organisation entre l'Etat et le ministère de la Polynésie est de nature pour moi à aider beaucoup les choses. Quand on ne perd pas d'énergie sur ces sujets cela nous permet de dépenser notre énergie sur les intérêts premiers qui sont ceux des élèves. Pour moi c'est un point essentiel. Il faut que chacun reconnaisse ses prérogatives mais il faut aussi qu'on travaille ensemble sur des objectifs partagés. Mon premier regard est que les objectifs que j'ai en tant que représentant de l'Etat et la mission qu'on m'a confiée ont un écho dans les objectifs que se donne la ministre. Il reste bien sûr la mise en œuvre de ces objectifs, mais j'arrive !

Le niveau scolaire, il est pointé du doigt particulièrement au primaire. Au collège aussi le taux de réussite au brevet a beaucoup baissé l'an dernier. Quelle est votre analyse à ce sujet ?

Ce que vous dîtes là est juste, mais je tenais les mêmes propos quand j'étais dans le département du Rhône. La loi sur la refondation de l'école voulue par le président de la République vise à retravailler l'école primaire parce que l'école est profondément inégalitaire et qu'elle profite moins aux élèves qui sont le plus loin de la réussite alors que c'est à eux qu'elle devrait profiter en premier. Donner sa chance à tout le monde quel que soit son milieu d'origine. Donc c'est quelque chose qui existe aussi en métropole. Est-ce que c'est plus exacerbé ici qu'ailleurs, on me dit que oui. C'est vrai que j'ai regardé les résultats des évaluations en CM2 –qui n'existent plus en métropole depuis trois ans- ils sont faibles en français et en mathématiques. Quand on regarde les résultats du brevet (10 points de moins que l'année précédente) les moyennes à l'écrit sont faibles. Même si l'an dernier, et il faut avoir cela en regard des résultats, c'était la première année que l'on a fait passer des épreuves standardisées de métropole.

On entend parler depuis quelque temps de passerelles entre vice-rectorat et direction de l'enseignement du Pays, de glissement de certains emplois d'un côté à l'autre. De quoi s'agit-il précisément?

Il faut éviter de faire des doublons entre le ministère de l'Education polynésienne et le vice-rectorat. Comme il y a des compétences partagées on peut s'interroger s'il n'y pas des énergies qui pourrait être évitées de dépenser.

Il y a surtout une nouveauté qui s'impose, c'est ce qu'on appelle le mouvement déconcentré des enseignants. Ce mouvement était géré jusqu'à maintenant par le niveau national, mais des décrets, pris en janvier, ramènent cette gestion au niveau du vice-rectorat. C'est un chantier énorme. On va gérer la carrière des enseignants ici alors qu'elle était gérée jusqu'à maintenant au niveau national. Il faut mettre en place ce décret qui s'impose, il est non discutable, il est là. Derrière, il faut qu'il y ait une mutualisation des emplois. Il faut se mettre autour d'une table pour savoir de quels services on parle, se dire combien ça pourrait concerner d'emplois (globalement une douzaine de personnes), c'est l'objet de discussions que l'on en a en ce moment. La ministre est ouverte, il faut que l'on puisse très simplement voir ensemble quelles sont les tâches à partager. Ce qui est sûr, c'est que moi je dois faire absolument ce mouvement déconcentré et que pour le moment je n'ai pas les emplois. Il faut s'inscrire dans un plan négocié par étapes et qui respecte l'autonomie de la Polynésie. Pour moi ce décret ne contredit pas l'autonomie, bien au contraire, mais il faut qu'on en discute.



Développement des outils numériques

C'était l'une des priorités de l'ex vice-recteur Pascal Charvet. Le développement des outils numériques reste une méthode adaptée au vaste territoire de la Polynésie. "Il y a eu déjà un gros travail que je m'emploie à accélérer. Déjà pour établir des ressources pédagogiques. Il restera ensuite à se dire aussi pour que ces ressources soient utilisées, il faut aussi le matériel adéquat. C'est l'objet de négociations : la ministre en est pleinement consciente, ceci étant, les écoles ne sont pas de sa responsabilité. Cela veut dire un dialogue avec les maires. Il y a naturellement des questions financières derrière qui ne sont pas simples. Mais c'est une question essentielle. Il faut que l'on trouve des moyens pédagogiques qui permettent aux enseignants d'être moins isolés et d'être équipés de la même manière quel que soit le lieu où ils sont".

Le bilinguisme, une bonne chose

"Je pense sincèrement, il nous faudra en tirer un bilan, mais philosophiquement j'y suis attaché. Je pense que c'est une bonne chose : la culture polynésienne existe, elle est forte et reconnue dans le monde. Le bilinguisme permet aussi d'améliorer le niveau général, il n'est pas opposable".
Sur le fait que la langue tahitienne ne soit plus qu'optionnelle en arrivant au collège, le nouveau vice-recteur indique : "il faut que ce soit une ambition, après la réalisation dépend de l'étendue des moyens, on le sait. Mais vous savez, on met en place et c'est un chantier important, la continuité éducative entre l'école et le collège avec un cycle commun CM1/CM2/6e. Cela veut dire qu'il y a plus que jamais une nécessité de continuité entre l'école et le collège. On sait bien que c'est une fracture importante. Là on a des programmes de cycle. Donc on ne peut pas imaginer que l'on met en place le bilinguisme à l'école et puis que d'un coup, au milieu du cycle, ça s'arrête ! "

Le réseau REP + : des procédures à mettre en place

Limités pour l'instant à trois zones particulières à Faa'a, Papara et les Tuamotu Gambier, les réseaux Rep + devront se mettre en place à la rentrée d'août 2015. Pour l'instant une expérience pilote existe sur Faa'a. Mais avant d'aller plus avant, le vice-recteur veut évaluer les résultats de ce dispositif. "L'accent doit d'abord être mis sur la pédagogie, ce n'est pas que l'attribution de moyens. Il faut d'abord que l'on puisse prouver qu'à travers des moyens on améliore les choses. Je trouve personnellement que c'est une bonne chose de commencer par trois Rep + et de déjà les mettre en œuvre. Avant de se dire : il en faut le plus possible, il faut se dire qu'allons-nous faire de ces réseaux? Cette question là est à bâtir cette année. Il y a trois réseaux, il faut mettre en place des conventions, des contrats de réseau écoles/collège, il faut faire travailler ensemble les corps d'inspection du premier et du second degré, donner des objectifs évaluables avec des dialogues de gestion. Il y a du travail à faire et un diagnostic à faire au départ".

Des pôles d'excellence à développer

"L'idée qu'il faut mettre en place des pôles d'excellence pour pouvoir servir d'attrait pour les élèves, je la partage complètement. Il y a actuellement une préparation pour Sciences Po qui est faite avec les IEP de province : après il faut faire la preuve que ces dispositifs ambitieux ont une réalité ambitieuse pour les élèves. Est-ce que c'est Sciences Po la priorité ? Je ne suis pas en mesure de le dire pour l'instant. Mon premier regard montre qu'il y a un coût important. Enfin il y a des élèves qui suivent ces préparations, il faut aussi que cela se traduise par des admissions dans les IEP.
Par ailleurs il semble qu'il y ait beaucoup plus de compétences dans les mathématiques chez les Polynésiens. Par exemple, j'appuie un projet qui serait l'installation de classes préparatoires scientifiques. L'idée est de faire profiter de ces classes préparatoires aux élèves qui en sont le plus loin sur le plan de leur culture sociale. On sait pertinemment que les élèves les plus favorisés n'ont pas forcément besoin de classes préparatoires ici, ils en trouveront ailleurs. Je pense que les classes préparatoires scientifiques et techniques seront les plus adaptées
".

Rédigé par Mireille Loubet le Jeudi 19 Février 2015 à 16:06 | Lu 1781 fois