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Indemnisations du nucléaire : le Coscen demande une nouvelle loi


Indemnisations du nucléaire : le Coscen demande une nouvelle loi
La loi Morin, relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, est jugée insatisfaisante et contestée depuis 2010 et la publication de son décret d’application. Nouvelle majorité parlementaire ; espoir de changement : le Coscen demande une nouvelle loi.
Le Conseil d’Orientation pour le Suivi des Conséquences des Essais Nucléaires, qui s’est réuni, sous la présidence du ministre de l’Environnement, mardi 4 septembre, propose de remettre dans le processus parlementaire la proposition de loi « relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais ou accidents nucléaires », soutenue par Christiane Taubira en novembre 2008. Le Coscen suggère en outre d'élargir la zone de contamination possible à l’ensemble du territoire de la Polynésie française et la liste des maladies radio-induites aux 29 affections reconnues par les Nations unies (UNSCEAR) et indemnisées par la législation américaine depuis 1988. Le Comité d'orientation souhaite également l'intégration des représentants de deuxième génération au nombre des victimes potentielles. Mais surtout, le Coscen entend remettre le principe de présomption de causalité au centre de cette nouvelle disposition législative.
Votée, cette nouvelle loi viendrait compléter et amender la loi Morin. Mais elle doit entrer dans le processus parlementaire.
Une démarche est programmée dans ce sens le 20 septembre prochain à Paris, auprès du cabinet du premier ministre, pour soutenir cette demande.
« On attend beaucoup de nos parlementaires à ce sujet, pour démontrer qu’au-delà des clivages partisans, on se retrouve sur des combats communs», souligne en outre Jacky Bryant, « Derrière cette démarche, il y a un débat démocratique que les élus doivent avoir sur ce qui se passe dans cette zone du Pacifique ». Aucune conséquence environnementale n'est en outre prise en compte par la loi Morin qui ne s'attache qu'aux questions sanitaires. En janvier dernier, le sénateur socialiste Richard Tuheiava a cependant obtenu l'examen de sa proposition de loi "relative au suivi des conséquences environnementales des essais nucléaires français en Polynésie française", qui a été votée par le Sénat.

Le décret Morin qui nie la loi

Le décret d’application de la loi Morin, paru au Journal officiel du 13 juin 2010, dévoile la « liste Morin » largement décriée pour son caractère incomplet : 14 cancers des personnels civils et militaires employés sur les sites d’essais, complété de 3 cancers féminins (sein, ovaire, utérus) et du cancer de la thyroïde, limité aux seuls enfants au moment de l’exposition. Cette liste a été complétée par décret en mai 2012, du cancer du sein chez l’homme, ainsi que de trois nouvelles pathologies (lymphomes, myélomes et myélodysplasies).

D'autre part, les « zones géographiques » retenues par le décret du 11 juin 2010, pour les 41 essais aériens entre 1966 et 1974, concernent quatre îles ou atolls et quelques communes de Tahiti. La loi Morin inclut Moruroa et Fangataufa dans la zone géographique concernée pour la période allant du 2 juillet 1966 au 31 décembre 1998. Elle ajoute « certaines zones de l’atoll de Hao » pour la même période et « certaines zones de l’île de Tahiti » pour la période allant du 19 juillet au 31 décembre 1974. La loi élargit la zone géographique « à des zones exposées de Polynésie française inscrites dans un secteur angulaire » pour la période allant du 2 juillet 1966 au 31 décembre 1974, notamment les îles Gambier et les atolls de Tureia, Pukarua et Reao. En mai 2012, l’exposition à la radioactivité a été reconnue par décret sur l’ensemble du territoire de l’atoll de Hao et de l’île de Tahiti, dans les mêmes conditions que précédemment.

Surtout, ce même décret de 2010 relativise la présomption de causalité, base de la loi, en affirmant qu'elle «bénéficie au demandeur lorsqu’il souffre de l’une des maladies prévue dans la liste », mais en précisant que ce principe peut être écarté si le « risque attribuable aux essais nucléaires peut être considéré comme négligeable ».

Autant de dispositions qui donnent lieu à d'amples tergiversations favorisées par une méthode d'étude des dossiers au cas par cas et finalement à fort peu de cas d'indemnisation, lorsque la loi laisse le soin au ministère de la Défense de décider qui peut l'être, ou pas. De surcroit, la méthodologie mise en place pour juger le dossier médical des victimes et déterminer sa relation avec les essais nucléaires bloque sur la question de la preuve : la radioactivité reçue par un corps, si elle laisse des traces, ne laisse pas de signature, alors 40 ans après...

Réunion du Coscen, mardi 4 septembre au ministère de l'Environnement.
Réunion du Coscen, mardi 4 septembre au ministère de l'Environnement.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 4 Septembre 2012 à 15:56 | Lu 1208 fois