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"Il y a taper et baffer, c'est différent", pas pour le juge


Tahiti, le 30 décembre 2019 - Au tribunal correctionnel lundi après-midi, les juges ont examiné deux affaires de violences conjugales en comparution immédiate. Les deux accusés ont terminé la journée en prison.

Aux comparutions immédiates du tribunal de Papeete hier, deux affaires de violences conjugales. Dans la première, le prévenu a demandé un délai pour préparer sa défense. Les juges devaient donc statuer sur ce qu'il serait fait de lui en attendant son procès.
 
Deux détails importants : le mari violent est en état de récidive légale... Mais il est aussi la seule source de revenus pour sa femme et ses quatre enfants. Pour se décider, les juges ont donc dû examiner sa personnalité et les grandes lignes de l'affaire.
 
Le prévenu et sa femme sont en couple depuis 14 ans, mariés depuis 9. Ils ont quatre enfants en bas âge. Mais leur couple connaît de nombreuses disputes, qui concernent soit une plainte pour viol déposée par la femme en 2004 (contre un tiers qui n'a rien à voir avec cette affaire), soit la mauvaise gestion de l'argent du couple par la vahine, responsable des finances.
 
Et ces disputes se finissent souvent par des gifles du mari, une armoire à glaces. Des faits récurrents selon les auditions de sa femme, qui n'était pas à l'audience. Le mari brutal a déjà été condamné trois fois pour ces violences conjugales. Quand le juge lui demande de confirmer qu'il frappe sa femme, il pinaille : “Je ne l'ai pas tapée. Il y a taper et baffer, c'est différent” explique-t-il au magistrat.
 
Le procureur comme l'avocate de la défense ont demandé à ce que le prévenu soit placé sous contrôle judiciaire afin de pouvoir conserver son travail, pour subvenir aux besoins de sa famille. Il a par ailleurs toujours respecté ses obligations judiciaires. Par exemple il n'habite plus au domicile conjugal et n'a pas repris contact avec sa femme depuis plusieurs semaines... Peu sensibles à la nuance entre taper et baffer, les juges ont vu les choses d’un autre œil. Ils ont choisi de l'envoyer en détention provisoire à Nuutania, l’état de récidive légale du prévenu n’ayant pas joué en sa faveur. L’homme violent dormira donc en prison jusqu'à son procès le 20 janvier prochain.

Sa femme le quitté, il ne l'accepte pas

La deuxième affaire était tout aussi triste. Le prévenu est un ancien voleur au casier très chargé. 22 condamnations à son actif, pour vols jusqu'à 2013 puis uniquement pour violences depuis, généralement sous l'emprise de l'alcool et du paka.
 
L’homme était en couple depuis dix ans. Il n'a pas de travail stable et depuis qu'il est sorti de prison pour la dernière fois en 2017, sa conjointe l'a quitté, mais il n'arrive pas à accepter cette décision. Il est d'ailleurs poursuivi dans une autre affaire pour l'avoir frappée avec un balai ni'au. Au point que la juge des affaires familiales a prononcé la protection judiciaire de la victime : son ex n'a plus le droit de la contacter ou de se rendre à son domicile. Une interdiction qu'il enfreint très régulièrement, surtout quand il a bu.
 
Il était jugé pour trois de ces infractions commises ces derniers mois. Lors de la dernière, il s'est même endormi, ivre, sur le ciment de la maison de son ex. Les gendarmes l'ont donc cueilli en flagrant délit. Il était aussi jugé pour une altercation avec la sœur de la victime commise le 15 décembre. Il l'a agressée en lui jetant une bouteille de bière vide à la tête et des pots de plante.
 
Son avocate a tenté de demander la relaxe, arguant qu'il n'avait pas été bien informé de l'ordonnance de protection. Mais la victime était équipée du téléphone grave danger, qu'elle a dû utiliser de nombreuses fois pour arriver à faire fuir son ex. Il a aussi été rappelé à l'ordre par les gendarmes en septembre dernier. Sa seule justification auprès du juge –"Je l'aime"– n’a pas fait mouche. Sa victme, présente à l’audience, lui a répondu: "il croit que je l'aime encore parce que je descends le voir, mais c'est juste pour lui dire d'arrêter de venir chez moi. Je ne l'aime plus, il faut qu'il arrête de harceler ma famille."
 
Le prévenu a été condamné à 18 mois de prison dont 6 avec sursis, deux ans de mise à l'épreuve et obligation de soins pour gérer ses accès de violence et ses addictions. Un séjour à l'ombre qui l'aidera sans doute à se remettre de son chagrin d'amour...

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Lundi 30 Décembre 2019 à 17:51 | Lu 5637 fois