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Il y a 80 ans, le feu du ciel s'abattait sur Pearl Harbour


Une vue aérienne partielle de l’actuel port de Pearl Harbour que les Japonais bombardèrent par surprise il y aura 80 ans le 7 décembre prochain.
Une vue aérienne partielle de l’actuel port de Pearl Harbour que les Japonais bombardèrent par surprise il y aura 80 ans le 7 décembre prochain.
Tahiti, le 3 décembre 2021 - La base américaine de Pearl Harbour est aujourd'hui un site visité quotidiennement par des milliers de touristes, dont une grande partie sont des Japonais. Il y a 80 ans, le dimanche 7 décembre 1941 au petit matin, le feu du ciel s'abattait sur ce paradis tropical. Sans aucune déclaration de guerre, les Japonais tentèrent de détruire la marine américaine dans le Pacifique. Mission partiellement accomplie grâce à l’effet de surprise et à l’habile stratégie de l’amiral Yamamoto.

Pour le grand public, à cause du titre d'un film, les Japonais qui piquèrent à bord de leurs chasseurs le firent au cri de “tora, tora, tora”. Ces mots (“tigre” en japonais) furent bien prononcés au matin du 7 décembre 1941 par un avion de reconnaissance nippon qui indiquait à ses compagnons que la voie était libre. Lorsque la première vague d'appareils fut en vue de la flotte US, c'est au cri rauque de “to, to, to” que les Japonais déchaînèrent le feu et la mort. 

Le jeune Genda Minoru commandait la première vague de 183 appareils, suivie d'une seconde de 167 avions. La surprise fut totale dans les rangs américains et le bilan terrible : 4 cuirassés coulés, 4 cuirassés endommagés, 3 croiseurs et 3 destroyers coulés, 188 avions détruits, 155 avions endommagés, 2 403 tués, 1178 blessés (les porte-avions étaient en mer). 

Du côté japonais, le bilan fut très léger : 29 avions détruits, 55 pilotes tués, 5 sous-marins de poche coulés, 9 sous-mariniers tués, 1 sous-marinier capturé (il est mort paisiblement au Brésil en 1999).

Une vue aérienne partielle de l’actuel port de Pearl Harbour que les Japonais bombardèrent par surprise il y aura 80 ans le 7 décembre prochain.
Une vue aérienne partielle de l’actuel port de Pearl Harbour que les Japonais bombardèrent par surprise il y aura 80 ans le 7 décembre prochain.

L'USS Arizona Memorial ; vous entrez là dans un site de mémoire où la sensibilité des Américains est encore à fleur de peau. Mais c’est aujourd’hui non plus par le Japon mais par la Chine qu’ils se sentent menacés.
L'USS Arizona Memorial ; vous entrez là dans un site de mémoire où la sensibilité des Américains est encore à fleur de peau. Mais c’est aujourd’hui non plus par le Japon mais par la Chine qu’ils se sentent menacés.
Pris au piège mortel
 
Roosevelt savait, depuis des semaines, que les négociations avec les Japonais, qui voulaient une Asie sous leur domination et sans présence occidentale, finiraient par capoter. Il avait jugé très possible l'attaque contre Pearl Harbour, mais il ne l'attendait pas si tôt ni sans déclaration de guerre.

Aujourd'hui, le site a été sanctuarisé. Avec beaucoup de sobriété, les Américains ont aménagé ces lieux de mémoire où tous les visiteurs se rendant à Hawaii se doivent d'aller. 

Le principal bâtiment, sur l'eau, est d'une extrême sobriété. Blanc immaculé, il semble flotter au-dessus du cuirassier USS Arizona d'où s'échappent encore des gouttes d'huile formant de petites flaques iridescentes à la surface de la rade.

Le silence dans le mémorial est poignant. Sous les pas des visiteurs reposent des centaines d'hommes pris au piège (1 177 morts sur ce seul navire). Trois jours après le naufrage de leur bateau, les derniers survivants frappaient encore désespérément contre la coque. Ils ne purent être sauvés et moururent atrocement, à quelques mètres seulement de l'air libre.

L'intérieur du mémorial de l'USS Arizona ; sous les pieds des visiteurs, 1 177 morts, la plupart des jeunes marins coincés dans la coque du cuirassier. On les entendit la frapper pendant plusieurs jours sans pouvoir leur porter secours. Ils moururent étouffés.
L'intérieur du mémorial de l'USS Arizona ; sous les pieds des visiteurs, 1 177 morts, la plupart des jeunes marins coincés dans la coque du cuirassier. On les entendit la frapper pendant plusieurs jours sans pouvoir leur porter secours. Ils moururent étouffés.
La ferveur des Américains
 
Aujourd'hui, ce sont des vagues impressionnantes de visiteurs qui déferlent sur Pearl Harbour. Il n'y a, en réalité, pas grand-chose à voir, mais peut-être beaucoup à ressentir. La douleur des Américains n'est pas feinte, car ces morts pris par surprise furent les premiers de dizaines et de dizaines de milliers de boys, qui rendirent l'âme à Midway, à Guadalcanal, à Hiwo Jima et jusqu'en Normandie et en Allemagne…

Depuis, la rade de Pearl Harbour n'a fait que prendre de l'importance. Jour et nuit, il y a du mouvement, sur et sous l'eau, dans les airs aussi. Le redéploiement des forces américaines à l'ouest se fait aujourd'hui sur Guam, et Hawaii reste à mi-chemin entre la grande base aux portes de l'Asie et les côtes continentales. Autant dire que la position stratégique d’Honolulu est toujours aussi importante pour la flotte US. 

La ferveur des visiteurs américains est d'autant plus sensible à Pearl Harbour que le Bien et le Mal étaient clairement identifiés fin décembre 1941. 

Depuis, il y a eu la Corée, le Vietnam, le Laos, le Cambodge, la Somalie, l'Irak, l'Afghanistan, le 11-Septembre… Parfois, on sent que le gendarme du monde perd un peu la boussole au milieu du trafic qu'il veut gérer. Pearl Harbour reste, à ce titre, un point d'ancrage solide… Sous la bannière étoilée, le Bien continue légitimement à combattre le Mal. “In God they trust”…

"Une date à jamais frappée d'infamie"


Les six porte-avions que les Japonais engagèrent pour aller bombarder Hawaii.


 

Yamamoto ne survécut que 16 mois

L’amiral Isoroku Yamamoto conduisit l’expédition sur Pearl Harbour, avec six porte-avions. Une opération extrêmement risquée, mais qui fut pour les Japonais une incontestable réussite.
L’amiral Isoroku Yamamoto conduisit l’expédition sur Pearl Harbour, avec six porte-avions. Une opération extrêmement risquée, mais qui fut pour les Japonais une incontestable réussite.
C’est l’amiral Isoroku Yamamoto qui dirigea l’attaque contre le port de Pearl Harbour en 1941. On a parfois beaucoup glosé sur le demi-échec des Japonais qui ne coulèrent aucun des porte-avions américains (ils étaient tous en mer), mais à l’époque, la cible prioritaire pour la marine japonaise était constituée par les puissants cuirassiers et à ce titre, Pearl Harbour fut une réussite aux yeux des Nippons.
Né le 4 avril 1884, Isoroku Sadayoshi était le fils d’un samouraï. En 1916, il fut adopté par la famille Yamamoto et changea alors de nom. Il se maria en 1918 avec Reiko Misashi dont il eut quatre enfants, deux filles et deux fils.
 
Opposé à l’Allemagne nazie
 
Attiré par une carrière militaire, il entra dès 1901 à l’académie navale de Etajima (Hiroshima). Il mêla action de terrain et études au point de suivre son cursus aux États-Unis, à Harvard, de 1919 à 1921. Commandant d’un porte-avion (Akagi) en 1928, il y décrocha en 1933 le titre de vice-amiral. En 1936, il fut nommé vice-ministre de la marine tout en gérant le département de l’aéronautique navale. Yamamoto, très tôt, avait compris l’importance que les porte-avions allaient acquérir. Peu porté sur les conflits, il s’opposa à la guerre contre la Chine (invasion de la Mandchourie en 1931) et désapprouva l’alliance du Japon avec l’Allemagne nazie.
Détesté par beaucoup de militaires nippons favorables à la guerre, il fut nommé amiral le 15 novembre 1945. A cette époque, il tenta de faire comprendre à ses supérieurs que si le Japon pouvait surprendre les États-Unis dans une guerre éclair (dont Pearl Harbour fut l’illustration), au bout de six mois, la situation s’inverserait et le Japon perdrait la guerre. Il ne fut pas entendu et les Japonais connurent dès juin 1942 à Midway, une première défaite (ils perdirent en une journée quatre porte-avions).
La décision d’attaquer les États-Unis prise, c’est Yamamoto qui organisa l’attaque sur Pearl Harbour, un grand succès pour les Nippons. Mais Yamamoto, qui espérait voir les Américains démotivés entrer en négociation déchanta très vite, lâchant cette phrase fameuse à ses officiers : “Messieurs nous avons réveillé un géant endormi qui va avoir des raisons de se battre”.
 
16 avions P-38 en embuscade
 
Après Hawaii, Yamamoto s’attaqua au plus de cibles alliées possibles, hollandaises, britanniques et américaines dans le Pacifique, assurant à son pays des ressources essentielles en caoutchouc et en pétrole. 
Mais le vent de l’histoire tourna petit à petit et alors que la puissance industrielle des États-Unis leur permettait de remplacer le matériel perdu, les Japonais, eux, s’essoufflèrent beaucoup plus vite. Ainsi en 1943, perdirent-ils, entre autres, la position clé qu’était Guadalcanal aux Salomon. 
Après cette débâcle, Yamamoto décida d’entreprendre une vaste tournée pour remotiver ses troupes, sans savoir que les Américains avaient percé le code utilisé par les Japonais pour communiquer. Ils surent donc parfaitement à quelle heure, quel jour, l’amiral devait passer de Rabaul, en Nouvelle-Guinée, à Ballale sur une île proche de Bougainville. 
Le matin du 18 avril 1943, une escadrille aérienne de seize Lockheed P-38 Lightning surprit la formation de Yamamoto, forte de huit appareils sont six Zéros. L’avion de Yamamoto fut abattu. Les Japonais retrouvèrent son corps dans la jungle de Bougainville. Il tenait son sabre de samouraï à la main. Il avait reçu deux balles, une dans l’épaule, une autre ayant traversé sa joue en ressortant par l’œil droit. Yamamoto fut incinéré à Buin en Papouasie Nouvelle-Guinée, ses cendres reposant aujourd’hui au cimetière public de Tama à Tokyo et au temple Chuko-Hi à Nagaoka, près de ses ancêtres.

Bon à savoir

Au Memorial
Un impératif, arriver tôt. Les visites se font en trois temps : vous prenez votre ticket ; 150 numéros sont appelés dans le grand théâtre pour visionner un film de 23 minutes sur l'attaque, puis les 150 touristes sont conduits en bateau au Mémorial, dans la rade, au-dessus de l'USS Arizona. À raison de trente séances et trente navettes par jour, cela fait 4 500 tickets, pas plus. Les premiers arrivés sont les premiers servis. En haute saison, il n'est pas rare d'attendre plus de deux heures, voire trois…
 
Sécurité
On ne va pas vous expliquer que les Américains ont été encore plus traumatisés par le 11-Septembre que par Pearl Harbour. La parano est forte, les sacs sont interdits et on ne rigole pas. Vous avez droit à une caméra ou un appareil photo à la main. Un vestiaire privé gardera vos affaires, mais ne vous chargez pas pour rien, c'est parfaitement inutile.
 
À voir aussi
Dans le même espace, vous pourrez visiter le USS Bowfin Submarine Museum and Park (sous-marin en parfait état) et le cuirassier USS Missouri BB-63. C’était le navire amiral  de la troisième flotte américaine  ; sur son pont furent signés les actes de capitulation du Japon  le 2 septembre 1945  dans la baie de Tokyo.
 
À observer
Les hordes de Japonais silencieux, soit recueillis, soit indifférents (mystère). Ils demeurent imperturbables et constituent souvent plus de 50% des visiteurs. Que pensent-ils ? Si vous maîtrisez des bribes de Japonais, ce sera le moment de vous lancer.
 
À faire
La boutique de souvenirs est remplie de ringardises, mais il y a quand même quelques bons livres sur Pearl Harbour (notamment des bouquins avec de très beaux clichés). Ne sautez donc pas cette étape.
 
Timing
Prévoyez, en arrivant tôt le matin, moins d'une demi-journée (la visite en elle-même est assez rapide). N'envisagez pas de vous restaurer sur place, le snack ne vaut pas tripette. Au retour sur Waikiki, stoppez donc au Hard Rock. C'est sur le chemin. Bière et ribbs : c'est votre journée “ricaine” oui ou non ?

Rédigé par Daniel Pardon le Jeudi 2 Décembre 2021 à 15:02 | Lu 3164 fois