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Heirani Salmon, une battante au quotidien


Heirani Salmon, une battante au quotidien
PAPEETE, le 16 avril 2019. Le vendredi 26 avril lors de la 6e édition de La Journée « Vahine Tu as des talents » dans les Jardins de l’APF, huit femmes polynésiennes qui se distinguent dans leurs domaines d’activités seront mises en avant. L’association Union des femmes francophones d’Océanie (Uffo) met en lumière ces femmes remarquables par leur personnalité et leur force d’engagement. Ce sont nos Poerava ou perles précieuses. Jusqu'au 26 avril, nous vous ferons découvrir chaque jour dans notre journal papier et sur notre site internet le portrait d'une des huit Poerava.

Heirani Salmon, une battante au quotidien

« La Polynésie est un paradis sur terre où manque la richesse de la différence », souligne Nathalie Salmon. « Elle doit apprendre à faire de son peuple, un seul peuple ; chacun avec ses différences. »
« La Polynésie est un paradis sur terre où manque la richesse de la différence », souligne Nathalie Salmon. « Elle doit apprendre à faire de son peuple, un seul peuple ; chacun avec ses différences. »
Handicapée depuis sa naissance, Nathalie, Heirani Salmon-Hudry a travaillé dur pour se former. Aujourd’hui, son combat continue pour décrocher un travail. . « Il n’y a pas de place pour les handicapés dans la société », regrette-t-elle.


Nathalie, Heirani Salmon-Hudry est née à Papeete en 1983 dans des conditions exceptionnellement difficiles dont elle a gardé des séquelles motrices sévères à vie. Handicapée depuis sa naissance, Heirani est néanmoins une enfant aimée d’un amour inconditionnel par sa mère. Alors que le handicap est socialement mal accepté, sa mère l’emmène partout, aussi bien aux roulottes que dans des restaurants étoilés. « Elle n’a jamais eu honte de moi », souligne Nathalie avant d’ajouter : « On peut réussir quand on est aimé ».

Une scolarité réussie
En raison de son handicap, elle n’a pu bénéficier d’un cursus scolaire comme les autres enfants malgré les tentatives de sa mère institutrice pour l’insérer dans un parcours normal. A l’époque, il n’y avait pas d’auxiliaire à la vie scolaire. C’est donc à la Fraternité Chrétienne qu’elle apprend les bases de l’école primaire.

Evasanée en Bretagne dans un centre spécialisé, elle effectue sa scolarité dans un collège ; ce qui l’oblige à suivre un rythme d’apprentissage plus intensif que ce qu’elle a connu jusque-là à Tahiti. Ce séjour d’un an lui démontre qu’elle est capable de réussir malgré son handicap. A son retour cependant, les établissements scolaires refusent de la prendre. Elle opte alors pour une scolarité via le Centre national d'enseignement à distance et obtient son brevet et son DAEU (Diplôme d'Accès aux Etudes Universitaires), l’équivalent du baccalauréat, en 2007 à l’âge de 24 ans.

Une insertion professionnelle décourageante
Après le DAEU, vient le moment de se former à un futur métier. Heirani choisit la formation de journalisme qu’elle effectue à distance durant deux ans. Lorsqu’elle cherche un emploi et entame des entretiens d’embauche une cruelle réalité s’impose alors à elle : « Tous tes diplômes sur ton CV ne valent rien si tu as un handicap ! » regrette-t-elle. Les entreprises ne l’embauchent pas malgré ses capacités et sa motivation car il y a nécessité d’aménager le poste de travail. Elle avoue volontiers que cette période de sa vie a été difficile.

Comme thérapie à cette phase douloureuse, elle recherche l’évasion totale dans l’écriture, comme lorsqu’elle, petite, elle écrivait des poèmes à l’intention des personnes qu’elle aimait. Elle se décrit en tant que personne, pour réagir vis-à-vis de ceux qui ne voient que son handicap, et nient voir la personne qu’elle est réellement. Sa mère l’incite à publier son tapuscrit et se met en quête d’un éditeur dans l’annuaire. Tout s’enchaîne rapidement. L’éditeur qui accepte de la publier est Christian Robert d’Au vent des îles. De cette collaboration auteure-éditeur naît son premier livre « Je suis née morte ».

Heirani souligne que les personnes présentant un handicap bénéficient d’une prise en charge éducative et sociale dans l’enfance et l’adolescence. Mais elle regrette qu’une fois adultes, ils sont rendus à leurs parents et abandonnés à la charge exclusive de leur famille.

Aujourd’hui la maman de Nathalie est devenue âgée. Epuisée, elle est régulièrement hospitalisée pour des problèmes de santé. Lorsque celle-ci est hospitalisée, Nathalie se retrouve toute seule à la maison et n’obtient aucun soutien des services sociaux en dépit de ses appels à l’aide. « Je peux rien faire pour toi. Il faut attendre la commission dans trois semaines », lui répond-on. Sa mère étant retraitée de la fonction publique d’Etat, Heirani n’aurait pas droit à une prise en charge « Pays ». Elle éprouve un sentiment de solitude horrible au quotidien. Heirani a peur de l’avenir : si sa mère venait à disparaitre, plus personne ne serait là pour s’occuper d’elle.

Elle estime que la Nouvelle-Calédonie est beaucoup plus en avance sur la prise en charge du handicap. En Polynésie, les moyens de transport sont inadaptés aux handicapés. Par exemple, il n’y a pas de taxis adaptés. Dès qu’elle doit sortir, sa mère est obligée de la porter, elle et son fauteuil électrique. Par ailleurs, se déplacer en fauteuil électrique en ville est impossible, ne serait-ce qu’en raison de la hauteur des trottoirs.

« Le recensement de 2007 a fait état de 11 000 handicapés. Que fait-on pour ce pan de la société ? » interpelle-t-elle. Selon elle, le handicap n’est pas une priorité pour les pouvoirs publics. Même si la prise en charge médicamenteuse et paramédicale est correcte, Heirani se sent isolée car il n’y a pas d’insertion professionnelle possible : « La société dit : reste chez toi. Elle t’enferme dans le cercle du handicap et t’empêche de sortir » souligne-t-elle. « Il n’y a pas de place pour les handicapés dans la société. C’est tout ce que la société t’impose qui est dur à vivre, pas le handicap. »

Si Nathalie trouvait un emploi, elle embaucherait quelqu’un pour l’emmener au travail, lui apporter son déjeuner et la ramener chez elle. Le travail des handicapés favorise la création de petits emplois pouvant convenir à des mères ou pères au foyer qui disposeront ainsi d’un complément de revenus. Elle imagine la création d’un service de transport réservé aux handicapés et payé par les handicapés qui travaillent.

Un second livre est-il en préparation ? Elle répond avoir perdu l’inspiration face aux différents problèmes rencontrés depuis la publication de son premier livre. En effet, elle a dû renoncer à ses droits d’auteur pour conserver son allocation d’adulte handicapée, la CPS ayant pris en compte ses revenus extérieurs (ceux du livre et de ses articles en freelance). Alors que ce premier livre représentait pour elle une première victoire sur son handicap, avec plein de projets, cette situation l’a ramenée à son triste sort « d’handicapée ». « Pourquoi travailler si l’on ne peut pas toucher les fruits de son labeur ? », demande-t-elle.


Découvrez les vahine qui ont du talent le 26 avril

Heirani Salmon, une battante au quotidien
PAPEETE, le 12 avril 2019. L’association UFFO- Polynésie organise le vendredi 26 avril la 6e édition de la Journée « Vahine, Tu as des talents". A cette occasion, les "Poerava" de l’année 2019 seront distinguées.

La Journée « Vahine tu as des talents », organisée par l’association Union des femmes francophones d’Océanie (Uffo), aura lieu le vendredi 26 avril dans les Jardins de l’Assemblée de la Polynésie française de 8 à 16 heures. L'Uffo a pour objectif de promouvoir l’autonomisation des femmes polynésiennes en les encourageant dans leurs initiatives économiques, sources d’indépendance financière et de réalisation personnelle. L'évènement du vendredi 26 avril est donc une journée d’entraide, de partage d’expériences et d’information. La journée s’adresse d’abord à des femmes qui se lancent et ont besoin d’acquérir de la notoriété, d’être encouragées par l’exemple d’autres. « Notre association poursuivra l’accompagnement de certaines exposantes par des journées de formation-sensibilisation aux aspects de gestion, de communication et commercialisation, et de développement personnel, ainsi qu’une formation à la couture », explique l'association, qui propose gratuitement ses services et son organisation aux femmes qui auront répondu à son initiative.

Les exposantes ont accepté en échange de faire des démonstrations, de parler de leurs activités aux visiteurs. Pendant la matinée des séances de coaching en groupe seront proposées. Pas moins de 70 femmes seront présentes et présenteront des activités variées bouquets de fleurs et couronnes (fleurs naturelles et tissus), produits éco-responsables, tressage de niau - kumuhei, mono'i, huiles de coco parfumées, vêtements pour animaux, chutney, bonbons cocos, fruits découpés, yaourts, sirops…

Heirani Salmon, une battante au quotidien
A l'occasion de cette journée, l’Union des femmes francophones d’Océanie a également décidé de mettre en avant huit femmes polynésiennes qui se distinguent dans leurs domaines d’activités. "Ces femmes remarquables par leur personnalité et leur force d’engagement sont nos Poerava ou perles précieuses", explique l'association. Ces femmes sont : Carole Atem (Enseignement supérieur et Recherche), Maïlee Faugerat (Entreprenariat et Direction d’entreprise), Marie-Hélène Villierme (Art photographique et du documentaire), Vahine Fierro (Sports de haut niveau), Moea Pereyre (Enseignement et promotion du développement durable), Noelyn Faussane (Promotion du développement durable et entreprenariat), Thilda Harehoe (Enseignement et Engagement social) et Heirani-Nathalie Salmon (Ecriture et communication).
Une mini-tombola est organisée par l’Association UFFO-Polynésie pour financer les dépenses de la Journée.

Rédigé par Mélanie Thomas le Mardi 16 Avril 2019 à 02:00 | Lu 11421 fois