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Féminicides: les députés unanimes pour le bracelet anti-rapprochement


121 féminicides ont eu lieu en 2018, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur.
121 féminicides ont eu lieu en 2018, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur.
Paris, France | AFP | jeudi 10/10/2019 - Vers la mise en place en France du bracelet anti-rapprochement pour les conjoints violents, comme en Espagne: les députés unanimes ont soutenu jeudi cette mesure portée par LR, qui a pris de vitesse la majorité en plein Grenelle des violences conjugales.

La proposition de loi d'Aurélien Pradié "me paraît essentielle, elle recueille le plein soutien du gouvernement", a indiqué la ministre de la Justice Nicole Belloubet en ouverture dans l'hémicycle jeudi. "Il nous faut impérativement stopper cette spirale dramatique" des féminicides.
Les députés débattaient encore dans la soirée d'une poignée d'amendements, alors que l'ensemble du texte sera soumis à un scrutin public mardi, avant d'être transmis au Sénat en procédure accélérée.
Le bracelet anti-rapprochement (BAR) permet de géolocaliser et maintenir à distance les conjoints et ex-conjoints violents par le déclenchement d'un signal, avec un périmètre d'éloignement fixé par un juge. Il existe dans plusieurs pays européens, notamment en Espagne depuis dix ans, où les féminicides ont baissé de manière significative.
Le Parlement français avait déjà voté à plusieurs reprises le principe d'expérimentations de ce dispositif, sans jamais les mettre en oeuvre.
Cette fois, le bracelet doit être autorisé aussi bien au pénal qu'au civil, avec la nécessité d'obtenir le consentement des deux conjoints, dont l'auteur des violences, pour éviter tout risque d'inconstitutionnalité.
Au pénal, le conjoint ou ex-conjoint violent aura intérêt à l'accepter pour éviter la détention préventive ou bénéficier d'un aménagement de peine s'il est déjà condamné. Au civil, en cas de refus du bracelet, le juge aux affaires familiales (JAF) pourra en aviser immédiatement le procureur de la République.
 

- "Décompte glaçant" -

 
La séance a commencé avec gravité dans la matinée au Palais Bourbon. "Une, deux, trois..." jusqu'à 117: Aurélien Pradié a égrené durant deux minutes le nombre de femmes tuées par leurs conjoints ou leurs ex depuis début 2019.
"Je sais ce que ce décompte peut avoir de glaçant mais il devait résonner ici dans cette Assemblée pour ne pas nous habituer", a souligné l'élu du Lot. 
121 féminicides ont eu lieu en 2018, selon le ministère de l'Intérieur.
L'ensemble des groupes ont assuré qu'ils allaient voter mardi le texte Pradié, à "condition de donner des moyens suffisants à la justice", a martelé le communiste Stéphane Peu.
Côté LREM, Guillaume Vuilletet planchait sur une proposition de même nature, mais "ça n'a pas d'importance, nous voulons agir de façon urgente et consensuelle", a-t-il expliqué.
A la tribune, la comédienne Eva Darlan assistait aux débats. C'est une des figures "remarquables" du féminisme et de la lutte contre les violences conjugales, a salué Clémentine Autain (LFI), sous les applaudissements de l'hémicycle.
Le texte, dont la plupart des articles ont été adoptés par une série de votes unanimes, prévoit en outre de donner une limite de six jours au juge aux Affaires familiales (JAF) saisi d'une ordonnance de protection pour mettre à l'abri une personne violentée.
Il vise aussi à élargir et généraliser l'utilisation des téléphones grave danger. Ces appareils, munis d'une unique touche pour appeler en urgence les secours, sont encore sous-utilisés.
Pour cette loi, Aurélien Pradié a habilement profité de la "niche" LR, journée réservée à un groupe politique pour présenter des textes.
Il a devancé la majorité en plein Grenelle des violences conjugales, suscitant un certain embarras chez les "marcheurs", alors que les groupes de travail du Grenelle doivent rendre leurs propositions le 28 octobre. 
Comme prévu, la secrétaire d'Etat à l'Egalité femmes-hommes n'était pas présente dans l'hémicycle. "Où est-elle ? Je m'en inquiète", a lancé  Clémentine Autain, critiquant le "féminisme de communication" de Marlène Schiappa. "Son absence est indéfendable", a abondé Fabien Di Filippo (LR).
Marlène Schiappa "joue un rôle d'acteur majeur sur une politique éminemment interministérielle" et "si elle n'est pas présente, c'est parce que l'ensemble des dispositions relèvent exclusivement de la Chancellerie", a rétorqué Nicole Belloubet.
Lors d'un déplacement mercredi à Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais), Marlène Schiappa a d'ailleurs évoqué le budget prévu pour la mise en place du bracelet: 5,6 millions d'euros au départ, puis 1,8 million, chaque année, pour son fonctionnement.

le Mardi 15 Octobre 2019 à 06:05 | Lu 214 fois