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Face à la désertification médicale, un village recrute ses propres médecins


DOMATS, 13 février 2014 (AFP) - "Aujourd'hui je n'ai plus de place", répond à chaque appel Sandrine Dubois, l'infirmière du centre de santé de Domats (Yonne), très sollicité depuis son ouverture en octobre par la commune pour lutter contre la désertification médicale.

La salle d'attente ne désemplit pas, en effet, dans le préfabriqué où défilent provisoirement les patients, au coeur de ce village de moins de 900 âmes, entre l'école et l'église.

Après le départ de son médecin il y a un peu plus de trois ans, Domats, situé à 25 km de Sens et à la limite de l'Ile-de-France, peinait à recruter un successeur en libéral.

La municipalité a alors décidé de créer son propre centre de santé avec du personnel médical salarié - deux médecins, une infirmière et une secrétaire médicale.

Le docteur Françoise Ottenwaelter, après avoir exercé durant 25 ans en libéral, a été séduite par le projet, voyant dans le salariat "une bonne solution" pour sa fin de carrière.

"Ma crainte était de ne pas travailler suffisamment, Domats étant un village entouré de petits villages. Mais pour l'instant, ça a l'air d'aller", dit-elle en jetant un oeil à son agenda.

"On marche au-delà de nos espérances, se réjouit l'infirmière. C'est allé crescendo, avec d'abord une quinzaine de visites par jour, puis rapidement on est monté à 26 consultations par médecin. Maintenant on tourne à plein."

A ce rythme, le point d'équilibre financier devrait être trouvé au bout de deux ans de fonctionnement, se félicite le premier-adjoint au maire et directeur du centre, Dominique Bredeville.

"Ne pas laisser mourir les petits villages"

Une patiente, Madeleine Pont, 66 ans, relève que sans ce pôle médical, en cas d'urgence, il faudrait aller "carrément à Paris en milieu hospitalier", à plus d'une centaine de kilomètres.

"Il ne faut pas laisser mourir les petits villages", plaide cette retraitée.

Un couple de septuagénaires habitant Courtenay (Loiret), est "vite venu s'inscrire" à Domats quand ils ont appris que leur médecin cessait son activité. "Pour venir ici, on fait 17 km mais quand on arrive en retraite, on a besoin d'un médecin assez souvent", explique la vieille dame.

"Dans le temps, les médecins avaient un successeur. Aujourd'hui, ils ont des clients à la pelle et ils ne se déplacent plus à domicile", fustige son mari.

Il en appelle "aux pouvoirs publics" pour trouver des remplaçants, mais pour la ministre de la Santé, Marisol Touraine, venue récemment en Bourgogne, "le temps où il y avait un médecin dans chaque village est derrière nous". Selon elle, l'avenir réside dans les "pôles de santé", dont le nombre doit passer de 370 à 600 en 2014.

Appel aux dons

Diverses mesures ont été mises en place ces dernières années pour inciter les jeunes médecins à s'installer dans des zones délaissées. L'objectif du gouvernement est de garantir l'accès aux soins d'urgence en moins de 30 minutes d'ici 2015.

A Domats, outre des subventions et un investissement de 415.000 euros pour le centre de santé, un appel aux dons auprès des habitants a permis de récolter 76.000 euros.

Parmi les donateurs, le jeune gérant de la supérette locale, Houcine Kalifi, qui observe, depuis sa boutique, qu'"il y a toujours la queue au centre".

Un client, Philippe de Revière, 45 ans, constate que le pôle médical "fait vivre le village". "Et ça désengorge les urgences de tout ce qui relève des bobos", souligne cet infirmier de profession.

"Je n'ai rencontré personne contre ce projet", ajoute-t-il, même s'il y a eu "quelques interrogations lors des conseils municipaux sur le mode de rémunération du personnel, et une peur de voir les impôts locaux augmenter".

En salariant deux médecins, la commune a pris "un risque mesuré" au plan financier, estime le premier adjoint, Dominique Bredeville, précisant que la municipalité s'est engagée auprès de la population à "ne pas mettre en péril" ses finances.

Rédigé par () le Jeudi 13 Février 2014 à 06:55 | Lu 401 fois