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Faa’a se défend après sa mise en examen pour la décharge de Mumuvai


Tahiti, le 20 mai 2025 – Mise en examen la semaine dernière des chefs d’infraction de pollution et d’exploitation sans autorisation de sa décharge de Mumuvai, la commune de Faa’a a réagi publiquement mardi par le truchement de son maire, Oscar Temaru, et des avocats qui assurent désormais la défense de la commune dans cette procédure pénale.
 
C’est un volet pénal ouvert depuis onze ans et qui vient de connaître un important rebondissement, la semaine dernière. La commune de Faa’a s’est vu notifier, jeudi dernier, sa mise en examen pour deux chefs d’infraction dans le cadre d’une information judiciaire ouverte pour pollution et exploitation sans autorisation du dépotoir municipal de Mumuvai, au mépris de la règlementation qui s’impose aux installations classées pour la protection de l’environnement (IPCE).
 
Mardi matin, assisté de ses deux avocats, Me David Koubbi et Me Jean-Baptiste Laplace, du cabinet parisien 28 octobre, le tāvana Oscar Temaru a pris l’initiative d’inviter la presse pour faire un point sur les éléments de défense de Faa’a dans ce dossier. D’emblée, Me Koubbi a pris la parole pour contextualiser cette affaire qui s’est “dégonflée”, selon lui. Car, sur les sept chefs d’infraction possibles qui auraient pu donner lieu à une mise en examen avant l’audition de jeudi dernier avec le juge d’instruction, seuls deux ont été retenus alors que la procédure vise seulement la commune de Faa’a en tant que personne morale et non son maire, Oscar Temaru.
 
Et pour les chefs d’infraction retenus, si l’avocat claironne que “nous saurons répondre, le moment venu, si ce dossier devait toucher la barre d’un tribunal correctionnel”, ces deux motifs “nous semblent particulièrement limités”, a-t-il dit.
 
Pour ce qui est des soupçons de pollution, c’est sur l’ampleur du phénomène qu’il souhaite apporter des précisions de nature à le relativiser : “Évidemment, le mot est grave ; mais ce n’est pas une pollution de l’air, ni des nappes phréatiques et pas non plus une pollution du lagon”. L’avocat affirme cela sur le fondement d’un rapport d’expertise commandé par le juge d’instruction et dont les constations techniques ont été faites courant 2019 et durant la saison des pluies de 2020. Cette étude avait notamment constaté la présence de lixiviats qui s’écoulent vers la rivière Piafau. “On est sur une pollution limitée à la sortie d’une buse et à une date précise qui est celle du 6 mars 2020 et plus depuis”, a-t-il minimisé.

Une absence de papier qui bloque

Le maire de Faa'a, Oscar Temaru, mardi en compagnie de ses avocats Me David Koubbi et Me Jean-Baptiste Laplace.
Le maire de Faa'a, Oscar Temaru, mardi en compagnie de ses avocats Me David Koubbi et Me Jean-Baptiste Laplace.
Concernant l’exploitation de la décharge de Mumuvai sans autorisation alors que ce site tombe sous le coup de la règlementation IPCE, “c’est une difficulté qui ne peut pas être réglée sans le concours des autorités publiques, du Pays et de l’État”, défend l’avocat. La commune de Faa’a exploite en effet ce site depuis les années 1970 sur le fondement d’une autorisation verbale donnée par les propriétaires d’alors, la famille Mai, à Francis Sanford, le premier maire de la commune en 1965. Rien n’a changé depuis. Les ayants droit liés à ce foncier indivis sont aujourd’hui pléthore alors que chaque année, on estime qu’il y a 25 000 tonnes de déchets de toute sorte enfouis sous cette terre. Et la règlementation étant ce qu’elle est, en dépit de plusieurs tentatives de régularisation, “la commune de Faa’a a besoin de pouvoir justifier, au regard des règles administratives, de la titularité de la terre ou d’un droit de l’utiliser. Et cela peut se faire de manière amiable par l’acquisition de cette terre ou par expropriation”, après avoir reconnu à Mumuvai le statut de site d’intérêt publicAvant d’instruire la moindre demande de classement, la Direction de l’environnement bute sur ce manque de pièce. Sans une intervention des autorités de l’État et du Pays, l’affaire est sans issue, estime l’avocat.
 
Pour autant, rappelle Me Koubbi, “ce n’est pas une occupation illégale, comme si les services de la commune de Faa’a venaient à squatter une terre depuis l’année dernière. L’instruction dure depuis onze ans, la décharge est sur site depuis les années 1960 avec l’autorisation des familles propriétaires. Tout le monde sait que les services techniques, sous l’impulsion politique d’Oscar Temaru, font de leur mieux pour être à la pointe des technologies et de la doctrine de traitement et d’enfouissement des déchets. Dans ce contexte-là, il me semble qu’il y a des choses à dire pour la défense de la commune de Faa’a”.
 
D’autant que, rappelle-t-il, la décharge de Mumuvai est largement utilisée par des établissements publics. De toute sorte : “On y a vu Météo-France, les services du Pays, la gendarmerie… Il y a une balance à l’entrée de la décharge, on a des tonnages, des dates, des rapports photographiques. Donc il faut décider : soit elle est illégale et dans ce cas, personne ne l’utilise, soit ce site est utile et il faut faire ce qu’il faut pour régulariser le plus rapidement possible le fonctionnement de cette décharge de Mumuvai, qui est contrôlée, contrairement à d’autres sites du Fenua.”

Un espoir dans le GIP

​Ce n’est pas le premier projet de recyclage et valorisation des déchets présenté pour valoriser le gisement de Mumuvai. Le dernier en date est porté par Christopher Kozely, sous l’étiquette GIP. “Mais pas le GIP que tout le monde connaît ; c’est le Green Island Project.” Il a été présenté mardi en marge du point presse sur la mise en examen de la commune de Faa’a. “Les déchets ne sont pas un poids, ni un coût. Ce devrait être quelque chose qui s’autofinance” : le consul des États-Unis en Polynésie française a reçu il y a 15 jours des “ingénieurs” qui “ont une solution technique et d’ingénierie financière qui permettra de mettre en place une installation qui s’autofinance et qui permettra d’alléger les charges aux administrés des communes”. La solution qu’il présente, et que Faa’a semble avoir adoubée, a été évoquée de manière très laconique sans aucune précision technique. Mais selon l’homme d’affaires, elle pourrait permettre la production de fioul et même de kérosène d’aviation issu de source durable, le SAF. Les porteurs de ce projet prévoient de revenir en Polynésie pour définir la meilleure solution de traitement des déchets avant d’investir moyennent un accord avec la commune de Faa’a. “L’idée est de récupérer un maximum de déchets et d’ajouter une production supplémentaire via une usine de production d’algues en bio-digestion.”

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 20 Mai 2025 à 18:19 | Lu 1878 fois