Tahiti, le 8 mars 2024 - Formateur en informatique, Evans Bohl aspire à développer le secteur du numérique localement. Il annonce l’ouverture d’un nouveau centre de formation. Baptisé Kanēa, porté par le Cnam, il dit vouloir former à la créativité numérique. Il accueillera sa première promotion à la rentrée prochaine. Les inscriptions sont ouvertes.
Il se dit, “à la base”, formateur en informatique. Evans Bohl est en fait, à la base, passionné de mathématiques, de jeux vidéo, d’informatique. “Mon dada ? Ce sont les algorithmes et la programmation”, confirme-t-il.
Né à Tahiti en 1988 ; il a grandi sur l’île jusqu’à obtenir une première partie de licence en mathématique et informatique. La troisième année n’était pas encore dispensée en Polynésie lorsqu’il y est parvenu. Aussi, est-il parti à Bordeaux en Métropole. Là, il a suivi et réussi sa troisième et dernière année de licence. Il a enchaîné avec un premier master en synthèse d’images et réalité virtuelle, puis un second master à Limoges en modélisation géométrique et synthèse d’images avancées. Ensuite, il a décidé d’embrayer sur un doctorat. “C’était la seule voie possible pour pouvoir enseigner”, justifie celui qui dit avoir l’enseignement pour vocation depuis la classe de 6e. Il voulait être professeur de mathématiques avant de tomber “fou amoureux de l’informatique”.
La plus grande erreur
Il dit jouer aux jeux vidéo depuis tout petit. “Ma mère m’a souvent répété que sa plus grande erreur avait été de me mettre une manette entre les mains”, rapporte-t-il. Il admet y passer du temps, mais insiste : “Ce n’était pas une addiction, mais bien une passion.” Cette passion l’a mené jusqu’à la thèse. Intitulée modélisation de fruits, de leur structure interne et de leurs défauts, il a eu à inventer un algorithme pour mettre en place la récolte automatique de fruits. Evans Bohl a travaillé sur les tomates, “le fruit le plus répandu dans le monde”. Pour ce faire, il a dû créer une base de données de millions de tomates en 3D. À l’issue de sa soutenance de thèse, le 4 novembre 2015, il a joyeusement lancé à sa mère : “Ta plus grande erreur m’a finalement permis de devenir docteur.” Quelques jours plus tard, il était de retour au Fenua.
Fin 2015/début 2016 donc, Evans Bohl a commencé à enseigner la programmation dans différents établissements : à l’Université de la Polynésie française ; à l’école Poly3D de la CCISM et au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). En chemin, il a découvert le logiciel Unreal Engine. “Un coup de cœur !” Ce logiciel est considéré comme l’un – voire le – logiciel le plus puissant de création 3D en temps réel. Il est utilisé dans les jeux vidéo (en 2023 pas moins de 70% des nouveautés s'en revendiquent), dans le cinéma (Dune, la série Starwars, Avatar 2, le Dernier maître de l’air…), mais aussi dans le secteur de l’automobile et des transports, de l’architecture, de la simulation, de l’événementiel… Evans Bohl s’est formé à ce logiciel apprenant tout ce qu’il pouvait et se délectant de tout ce qu’il trouvait à son propos.
Les amateurs vainqueurs
En 2016, avec quatre autres amis, il a participé à un concours international de création de jeux vidéo organisé par Epic Games. Une soixantaine d’équipes étaient inscrites, professionnelles pour la plupart. Le concours consistait en un challenge de 48 heures. Les inscrits devaient créer un jeu sur un thème donné, à savoir : Tu ne sais pas la valeur des choses tant que tu ne les as pas perdus. “Nous n’avons pas dormi et donné le maximum. Nous étions de simples amateurs et pourtant… nous avons gagné !” Un déclic pour Evans Bohl et ses amis. Avec Moerani Flohr, infographiste 2 et 3D et Manoa Salmon, sound designer et musicien, il a fondé Happy Tiki. La team s’est depuis lancée dans l’enseignement. Elle a développé pendant trois ans une formation qui compte 660 tutoriels vidéo et 140 heures de contenu. Elle est en ligne depuis décembre 2022. “On a fait une ouverture anticipée, on l’a terminée la semaine dernière”, précise Evans Bohl. Cette formation compte près de 500 inscrits, principalement hors territoire.
En parallèle, Evans Bohl s’est fait un nom à l’international. Il a commencé en ouvrant en 2018 une chaîne YouTube, en français d’abord puis en anglais. Les cours anglophones ont été vus en 2023 par plus d’un million de personnes. Il séduit des internautes partout dans le monde, États-Unis, Canada, Maghreb, Europe…Il est sollicité pour faire partie de jury dans certaines écoles. En 2020, juste avant le Covid, le vice-président d’Epic Games l’a contacté en personne. “Il m’a dit apprécier ce que je faisais, ma manière d’enseigner et m’a demandé comment Epic Games pouvait m’aider.”
Unreal authorized instructor
Epic Games, anciennement Epic MegaGames (aussi connu sous le nom Epic), est un studio américain de développement et un distributeur de jeux vidéo basé en Caroline-du-Nord et fondé en 1991. Il a sorti son premier jeu vidéo en 3D en 1998. Il emploie à ce jour plus de 5 000 personnes. Il y a une semaine, Disney a annoncé soutenir le studio à hauteur d’1,5 milliard de dollars. Epic Games soutient financièrement Evans Bohl et son équipe depuis 2020.
En 2022, Evans Bohl a été sélectionné par Epic Games parmi la centaine de formateurs reconnus à travers le monde. Il est officiellement Unreal authorized instructor. Ils sont à présent près de 300 formateurs reconnus. Evans Bohl, lui, pourrait dans les années à venir devenir conseiller en éducation pour le Pacifique.
En juillet 2023, il a été contacté par le directeur du Cnam pour monter un cursus et ouvrir une formation dédiée aux métiers de la créativité numérique (film d’animation, production virtuelle, expérience immersive, jeux vidéo). “Pour cela, j’ai eu carte blanche”, se réjouit le formateur.
Kanēa ou comment développer le secteur du numérique en Polynésie
La formation portée par le Cnam durera trois ans. Elle sera sanctionnée par un diplôme reconnu par l’État. Les inscriptions seront officiellement ouvertes d’ici à la fin de la semaine ou le début de la semaine suivante. Une vidéo explicative est en cours de réalisation. La marraine de la première promotion sera Erroline Giboulot, une Polynésienne qui travaille chez Focus Entertainment.
Les cours seront dispensés en présentiel selon une pédagogie innovante basée plutôt sur le lancement de projets professionnalisant. “On envisage 5 à 10 heures de théorie par semaine, pas plus.” Autour d’Evans Bohl se trouve cinq professionnels pour assurer les cours. L’objectif est de développer le secteur du numérique au niveau local, d’insérer les inscrits dans des entreprises du Fenua (agences de communication, chaînes télévisées, agences immobilières, cabinets d’architectes, etc.) mais aussi de leur ouvrir les portes dans des studios à l’étranger. Evans Bohl promet de faire jouer son réseau pour cela. Il affirme qu’un certain nombre de studios recherche de nouveaux collaborateurs. Adeptes du modèle “follow the sun” qui joue sur l’avantage des fuseaux horaires, ces studios considèrent en effet la Polynésie avec intérêt.
D’ici un an, Evans Bohl espère pouvoir faire certifier l’école par Epic Games. Dans l’attente, il insiste en interpellant les professionnels du territoire : “Il faut montrer son travail en ligne, être actif, commenter, réagir. Et surtout, il faut oser contacter et appeler n’importe quel professionnel du monde entier !” Selon lui le paradigme a changé. Avant, il fallait un réseau bien réel pour s’en sortir. Aujourd’hui “on peut contacter n’importe qui et n’importe où via le numérique”. Il cite les propos d’un homme, conseiller du Premier ministre du Canada qui un jour, de passage au Fenua, lui a répondu : “Demande et tu recevras.”
Il se dit, “à la base”, formateur en informatique. Evans Bohl est en fait, à la base, passionné de mathématiques, de jeux vidéo, d’informatique. “Mon dada ? Ce sont les algorithmes et la programmation”, confirme-t-il.
Né à Tahiti en 1988 ; il a grandi sur l’île jusqu’à obtenir une première partie de licence en mathématique et informatique. La troisième année n’était pas encore dispensée en Polynésie lorsqu’il y est parvenu. Aussi, est-il parti à Bordeaux en Métropole. Là, il a suivi et réussi sa troisième et dernière année de licence. Il a enchaîné avec un premier master en synthèse d’images et réalité virtuelle, puis un second master à Limoges en modélisation géométrique et synthèse d’images avancées. Ensuite, il a décidé d’embrayer sur un doctorat. “C’était la seule voie possible pour pouvoir enseigner”, justifie celui qui dit avoir l’enseignement pour vocation depuis la classe de 6e. Il voulait être professeur de mathématiques avant de tomber “fou amoureux de l’informatique”.
La plus grande erreur
Il dit jouer aux jeux vidéo depuis tout petit. “Ma mère m’a souvent répété que sa plus grande erreur avait été de me mettre une manette entre les mains”, rapporte-t-il. Il admet y passer du temps, mais insiste : “Ce n’était pas une addiction, mais bien une passion.” Cette passion l’a mené jusqu’à la thèse. Intitulée modélisation de fruits, de leur structure interne et de leurs défauts, il a eu à inventer un algorithme pour mettre en place la récolte automatique de fruits. Evans Bohl a travaillé sur les tomates, “le fruit le plus répandu dans le monde”. Pour ce faire, il a dû créer une base de données de millions de tomates en 3D. À l’issue de sa soutenance de thèse, le 4 novembre 2015, il a joyeusement lancé à sa mère : “Ta plus grande erreur m’a finalement permis de devenir docteur.” Quelques jours plus tard, il était de retour au Fenua.
Fin 2015/début 2016 donc, Evans Bohl a commencé à enseigner la programmation dans différents établissements : à l’Université de la Polynésie française ; à l’école Poly3D de la CCISM et au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). En chemin, il a découvert le logiciel Unreal Engine. “Un coup de cœur !” Ce logiciel est considéré comme l’un – voire le – logiciel le plus puissant de création 3D en temps réel. Il est utilisé dans les jeux vidéo (en 2023 pas moins de 70% des nouveautés s'en revendiquent), dans le cinéma (Dune, la série Starwars, Avatar 2, le Dernier maître de l’air…), mais aussi dans le secteur de l’automobile et des transports, de l’architecture, de la simulation, de l’événementiel… Evans Bohl s’est formé à ce logiciel apprenant tout ce qu’il pouvait et se délectant de tout ce qu’il trouvait à son propos.
Les amateurs vainqueurs
En 2016, avec quatre autres amis, il a participé à un concours international de création de jeux vidéo organisé par Epic Games. Une soixantaine d’équipes étaient inscrites, professionnelles pour la plupart. Le concours consistait en un challenge de 48 heures. Les inscrits devaient créer un jeu sur un thème donné, à savoir : Tu ne sais pas la valeur des choses tant que tu ne les as pas perdus. “Nous n’avons pas dormi et donné le maximum. Nous étions de simples amateurs et pourtant… nous avons gagné !” Un déclic pour Evans Bohl et ses amis. Avec Moerani Flohr, infographiste 2 et 3D et Manoa Salmon, sound designer et musicien, il a fondé Happy Tiki. La team s’est depuis lancée dans l’enseignement. Elle a développé pendant trois ans une formation qui compte 660 tutoriels vidéo et 140 heures de contenu. Elle est en ligne depuis décembre 2022. “On a fait une ouverture anticipée, on l’a terminée la semaine dernière”, précise Evans Bohl. Cette formation compte près de 500 inscrits, principalement hors territoire.
En parallèle, Evans Bohl s’est fait un nom à l’international. Il a commencé en ouvrant en 2018 une chaîne YouTube, en français d’abord puis en anglais. Les cours anglophones ont été vus en 2023 par plus d’un million de personnes. Il séduit des internautes partout dans le monde, États-Unis, Canada, Maghreb, Europe…Il est sollicité pour faire partie de jury dans certaines écoles. En 2020, juste avant le Covid, le vice-président d’Epic Games l’a contacté en personne. “Il m’a dit apprécier ce que je faisais, ma manière d’enseigner et m’a demandé comment Epic Games pouvait m’aider.”
Unreal authorized instructor
Epic Games, anciennement Epic MegaGames (aussi connu sous le nom Epic), est un studio américain de développement et un distributeur de jeux vidéo basé en Caroline-du-Nord et fondé en 1991. Il a sorti son premier jeu vidéo en 3D en 1998. Il emploie à ce jour plus de 5 000 personnes. Il y a une semaine, Disney a annoncé soutenir le studio à hauteur d’1,5 milliard de dollars. Epic Games soutient financièrement Evans Bohl et son équipe depuis 2020.
En 2022, Evans Bohl a été sélectionné par Epic Games parmi la centaine de formateurs reconnus à travers le monde. Il est officiellement Unreal authorized instructor. Ils sont à présent près de 300 formateurs reconnus. Evans Bohl, lui, pourrait dans les années à venir devenir conseiller en éducation pour le Pacifique.
En juillet 2023, il a été contacté par le directeur du Cnam pour monter un cursus et ouvrir une formation dédiée aux métiers de la créativité numérique (film d’animation, production virtuelle, expérience immersive, jeux vidéo). “Pour cela, j’ai eu carte blanche”, se réjouit le formateur.
Kanēa ou comment développer le secteur du numérique en Polynésie
La formation portée par le Cnam durera trois ans. Elle sera sanctionnée par un diplôme reconnu par l’État. Les inscriptions seront officiellement ouvertes d’ici à la fin de la semaine ou le début de la semaine suivante. Une vidéo explicative est en cours de réalisation. La marraine de la première promotion sera Erroline Giboulot, une Polynésienne qui travaille chez Focus Entertainment.
Les cours seront dispensés en présentiel selon une pédagogie innovante basée plutôt sur le lancement de projets professionnalisant. “On envisage 5 à 10 heures de théorie par semaine, pas plus.” Autour d’Evans Bohl se trouve cinq professionnels pour assurer les cours. L’objectif est de développer le secteur du numérique au niveau local, d’insérer les inscrits dans des entreprises du Fenua (agences de communication, chaînes télévisées, agences immobilières, cabinets d’architectes, etc.) mais aussi de leur ouvrir les portes dans des studios à l’étranger. Evans Bohl promet de faire jouer son réseau pour cela. Il affirme qu’un certain nombre de studios recherche de nouveaux collaborateurs. Adeptes du modèle “follow the sun” qui joue sur l’avantage des fuseaux horaires, ces studios considèrent en effet la Polynésie avec intérêt.
D’ici un an, Evans Bohl espère pouvoir faire certifier l’école par Epic Games. Dans l’attente, il insiste en interpellant les professionnels du territoire : “Il faut montrer son travail en ligne, être actif, commenter, réagir. Et surtout, il faut oser contacter et appeler n’importe quel professionnel du monde entier !” Selon lui le paradigme a changé. Avant, il fallait un réseau bien réel pour s’en sortir. Aujourd’hui “on peut contacter n’importe qui et n’importe où via le numérique”. Il cite les propos d’un homme, conseiller du Premier ministre du Canada qui un jour, de passage au Fenua, lui a répondu : “Demande et tu recevras.”