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Etat d’urgence à Nauru avant les élections


Sprent Dabwido
Sprent Dabwido
YAREN, mardi 28 mai 2013 (Flash d’Océanie) – Sprent Dabwido, Président de Nauru, a déclaré ce week-end l’état d’urgence, invoquant le blocage des institutions sur fond de crise politique qui paralyse le Parlement depuis plusieurs semaines.
Cette déclaration intervient dans la foulée d’une nouvelle annonce de dissolution du Parlement, incapable de se réunir valablement en raison d’un boycott de la majorité, et de l’annonce d’une nouvelle date pour des élections législative, désormais prévues pour avoir lieu le 8 juin 2013, deux semaines avant une date précédemment annoncée, mais contestée par l’opposition.
Dans l’intérim, le Président Dabwido a estimé que la « sécurité économique » de cet État était en jeu et qu’il importait de la préserver.
Cet état d’urgence lui permet notamment d’assurer, à titre urgent, le paiement des fonds nécessaires au bon fonctionnement de l’appareil d’État, y compris les salaires des fonctionnaires, a précisé le chef de l’État dans un discours à la nation.
Une précédente tentative similaire de préparer le terrain pour des élections générales, le 22 juin 2013, s’était heurtée à un refus du chef de l’Assemblée, Godfrey Thoma.
Ce dernier estimait que la dissolution n’avait pas fait l’objet d’un débat préalable.
L’affaire avait été portée devant la justice.
Pour ces élections, le Président a aussi procédé à une modification qu’il juge déterminante : la création d’une nouvelle circonscription, portant ainsi le nombre de députés au sein de la Chambre délibérante à 19, contre 18 jusqu’ici.
Objectif affiché par M. Dabwido : sortir des situations de blocage crées par l’existence de deux camps, majorité et opposition, chacun fort d’exactement la moitié du total des sièges (9 chacun).
La dissolution du Parlement a été annoncée jeudi 23 mai 2013.
Une semaine avant, l’opposition avait tenté de faire passer aux voix une motion de censure à l’encontre du Président et en son absence pour case de déplacement à l’étranger.

Mi-avril 2013, Sprent Dabwido avait dû renoncer à un projet d’élections anticipées, afin de mettre fin au blocage des institutions.
Il estimait alors devoir respecter un verdict rendu par la justice.
Mi-mars 2013, la Cour Suprême de Nauru avait déjà déclaré nulle et non avenue la dissolution prononcée quelques jours auparavant par le Président de l’Assemblée, alors Ludwig Scotty, qui entendait ainsi tracer la voie de législatives anticipées.
Une première décision de justice avait été prononcée début mars 2013, dans la même affaire, qui intimait déjà au Parlement et à son Président de reprendre leurs débats.
Mais M. Scotty avait passé outre et même annoncé pour le 6 avril 2013 la date de législatives anticipées.
La Cour Suprême de Nauru, saisie en urgence après l’annonce du Président du Parlement, vendredi 1er mars 2013, de dissoudre l’assemblée, avait donné raison à l’opposition en estimant que cette décision était anticonstitutionnelle.
La dernière décision en date de la Cour Suprême intervient aussi à la demande d’un groupe de députés de l’opposition nauruane, qui ont une fois de plus obtenu gain de cause.

Le dossier du camp de détention pour immigrants clandestins

Depuis début février 2013, le gouvernement de Nauru dirigé par Sprent Dabwido est confronté à une nouvelle crise caractérisée par une hémorragie de ministres : le dernier en date à quitter l’exécutif, fin février 2013, était le troisième en l’espace de quelques jours.
L’homme du perchoir avait déclaré que cette « dissolution » prendrait effet sept jours après l’annonce, à savoir le 8 mars 2013, sauf si le Parlement parvient entre-temps à adopter une autre motion, de type censure contre le gouvernement actuel.
Mais dans la foulée, M. Scotty avait aussi ajourné les débats sine die, rendant ainsi le vote de toute motion impossible.
En annonçant cette « dissolution », M. Scotty avait invoqué la conduite de certains députés d’opposition, en se gardant de faire référence à la notion de paralysie des institutions, qu’évoquent toutefois les députés d’opposition, en particulier concernant le très sensible dossier du fonctionnement d’un camp pour demandeurs d’asile immigrants clandestins interceptés au large des côtes Ouest de l’Australie.
Ce camp, réactivé en septembre 2012 à la demande de Canberra, accueille depuis sa réouverture plus de cinq cent individus, dans des conditions contestées par les associations de défense des droits humains ainsi que le Haut-commissariat des Nations-Unies aux Réfugiés.
Depuis la réouverture de ce camp, mais aussi de celui de l’île de Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée, là aussi à la demande de l’Australie), les clandestins déportés ont multiplié les actes de protestation, de grèves de la faim, d’automutilation, voire même de tentatives de suicides, afin de s’élever contre les conditions de vie dans ces « centres de traitement », ainsi que contre le fait qu’aucune durée limitée limite n’est fixée pour leur séjour insulaire.
Ian Rintoul, responsable de l’une des ONG (RAC, Refugee Action Coalition) particulièrement impliquée dans ce dossier des camps extraterritoriaux de Nauru et de Manus, estimait début mars 2013 que la situation actuelle, au plan politique local, était plutôt faite pour « arranger » le gouvernement australien, dans la mesure où les dysfonctionnements permettent aussi de ne pas traiter de manière diligente les nombreuses demandes d’accès aux réfugiés formulées par les ONG et l’ONU.
M. Rintoul cite notamment le cas de Kieren Keke, l’un des ministres démissionnaires, qui occupait le poste de ministre des affaires étrangères à Nauru et qui a choisi de claquer la porte alors qu’il était justement engagé dans la poursuite de négociations avec Canberra sur cet épineux dossier.
Dans le cadre de l’accord signé entre l’Australie et Nauru, concernant ce camp, la gestion de ces installations et le maintien de l’ordre sont du ressort de la juridiction locale et ne tombent par conséquent pas sous le coup des lois australiennes.
Même au plan intérieur politique australien, le parti des Verts, sous la houlette de la Sénatrice Sarah Hanson Young, mettait en garde début avril 2013 le gouvernement fédéral australien de la travailliste Julia Gillard contre l’éventuelle tentation de se servir de la situation politique à Nauru comme excuse pour faire traîner le traitement des dossiers de demandeurs d’asiles envoyés à Nauru.
« Le traitement des dossiers de demande d’asile de ces gens doit commencer dès maintenant. Et si cela ne peut être fait par les autorités locales, alors ces gens doivent être ramenés sur le sol australien. C’est aussi simple que ça », a-t-elle lancé.

Instabilité politique : un Président seul à vouloir modifier la Constitution

Lors de crises similaires dans le passé, le Président avait eu recours à des élections anticipées, afin de tenter de faire ressortir des majorités plus claires.
Ces dernières années, la vie politique de Nauru a été particulièrement agitée et marquée par une valse des Présidents, le plus souvent provoquée par le vote de motions de censure.

M. Dabwido, depuis son arrivée au pouvoir le 15 novembre 2011, s’est fait l’avocat d’une cause particulière : toiletter la Constitution dans sa forme actuelle, avec comme priorité une recherche de solutions à une instabilité chronique, en partie causée par l’absence de véritables majorités (réduite à leur plus simple expression, d’un siège, neuf contre huit, au sein de l’Assemblée).
Un projet avait été évoqué en vue, a minima, d’augmenter d’au moins un siège le nombre de représentants élus (pour creuser les écarts), de créer aussi un poste de Médiateur de la République (ombudsman) chargé de faire appliquer un code de conduite des dirigeants.
Mais le dossier n’avait jamais vraiment avancé depuis.

Au terme d’un précédent épisode de turbulences politiques préélectorales, fin 2011, M. Dabwido avait remplacé mi-novembre 2011 le Président éphémère Freddie Pitcher, victime d’une motion de censure-surprise six jours après avoir succédé à Marcus Stephen.
M. Stephen, au pouvoir depuis 2007, mais menacé d’une motion de censure, avait auparavant préféré démissionner, sur fonds d’accusations de corruption sur des transactions relatives à la vente du phosphate.
L’exploitation du phosphate a fait les beaux jours de Nauru durant la plus grande partie du vingtième siècle, avant de laisser place à une quasi-faillite à partir des années 1990.

pad

Rédigé par PAD le Mardi 28 Mai 2013 à 06:41 | Lu 577 fois