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Espagne : le parlement catalan déclenche le duel avec Madrid


Barcelone, Espagne | AFP | mercredi 06/09/2017 - Le Parlement de Catalogne, dominé par les indépendantistes, s'apprêtait mercredi à voter une loi organisant un référendum d'autodétermination interdit, un "coup de force" selon Madrid, qui prépare tout un arsenal juridique pour empêcher ce scrutin. 

A peine trois semaines après les attentats des 17 et 18 août qui ont fait 16 morts et plus de 120 blessés en Catalogne, l'Espagne affronte une de ses pires crises politiques en quarante ans.
Vers 13h00 (11h00 GMT) les 72 députés séparatistes ont mis l'examen de ce texte à l'ordre du jour, tandis que 60 élus de l'opposition se prononçaient contre et trois s'abstenaient, après de fortes tensions et même des cris.
"C'est un coup de force contraire à la démocratie", a immédiatement réagi à Madrid la vice-présidente du gouvernement Soraya Saenz de Santamaria, si mécontente qu'elle a semblé manquer d'air. 
Les personnes "qui sont aux commandes du Parlement (catalan) et du gouvernement de Catalogne se rapprochent davantage des régimes dictatoriaux que d'une démocratie", a-t-elle ajouté, annonçant la saisine de la Cour constitutionnelle pour tenter de bloquer les débats et le vote de la loi. 
Au parlement catalan, l'opposition aux séparatistes a dénoncé le fait qu'un texte aussi fondamental soit examiné en "urgence", avec des débats écourtés, sans possibilité de recours devant l'organe chargé de contrôler la légalité des lois avant leur adoption. 
Les débats sur le fond et le vote final étaient attendus en fin d'après-midi.
En présentant cette loi, la majorité indépendantiste ignore une interdiction déjà énoncée par la Cour constitutionnelle. 
Le référendum doit ensuite être officiellement convoqué par un décret de l'exécutif de Catalogne, qui à son tour désobéirait ainsi à la justice.  
Les séparatistes veulent consulter les Catalans pour déterminer si leur région de 7,5 millions d'habitants - 16% de la population espagnole - doit devenir "un Etat indépendant sous forme de République" et quitter le Royaume d'Espagne, quarante ans après le retour complet de ce pays à la démocratie.
Si les indépendantistes remportaient le référendum, ce territoire grand comme la Belgique et pesant 20% du PIB espagnol chercherait à se séparer de l'Espagne, mais sans consentement mutuel.
 

- Sentiment d'injustice -

 
La Catalogne, traversée depuis des dizaines d'années par des courants rejetant l'autorité de la Couronne et de Madrid, vit depuis le début de la décennie une poussée de fièvre sécessionniste, en partie alimentée par la crise mais aussi le sentiment d'être maltraitée par l'Etat central.
Le détonateur a été l'annulation partielle en 2010 par la Cour constitutionnelle espagnole, à la demande de la droite, du "Statut d'autonomie de la Catalogne" qui conférait depuis 2006 des compétences élargies à cette région du nord-est et la qualifiait dans son préambule de "nation".
Aujourd'hui, la légitimité de la Cour est contestée par les indépendantistes, la plupart de ses magistrats ayant été désignés depuis 2012 par des majorités conservatrices au Parlement ou par le gouvernement conservateur.
Après avoir remporté les élections régionales en septembre 2015, les séparatistes ont promis de chercher à mener vers l'indépendance cette région ayant une langue et une culture propres.
 

- Lavage de cerveau -

 
Deux ans ont encore filé, sans véritable évolution du camp de Mariano Rajoy, accusé d'immobilisme : une première année sans gouvernement central en raison du blocage du Parlement, une deuxième avec des propositions de "dialogue" et d'investissements, mais sans céder sur l'essentiel, l'exigence d'un référendum.
"J'espère qu'ils nous laisseront voter", disait mercredi à Barcelone Ramon Sanmartin, un ingénieur à la retraite de 67 ans, venu observer le défilé de "gens importants" devant le parlement catalan. 
Le camp du "non" dénonce lui un lavage de cerveau effectué par les séparatistes sur la population et son "intolérance".
Le gouvernement de Mariano Rajoy est prêt à agir "avec rapidité mais sans précipitation" pour bloquer le scrutin. 
Toutes les mesures sont envisagées, y compris la suspension de leurs fonctions de dirigeants catalans. 
Dès mardi, la Cour des comptes a en outre annoncé qu'elle laissait jusqu'au 25 septembre à des dirigeants catalans ayant organisé une autre consultation interdite, en 2014, pour verser une caution de plus de cinq millions d'euros dans le cadre d'une procédure visant à obtenir le remboursement des deniers publics alors engagés.
Une partie de l'opinion publique régionale, divisée à parts presque égales, est aujourd'hui lasse de ce débat. Plus de 70% des Catalans souhaitent une consultation qui réglerait la question. 
L'UE observe et a fait savoir qu'elle ne reconnaîtrait pas un tel Etat catalan. Mais avant le 1er octobre, bien des surprises sont possibles, le gouvernement central ayant promis que le vote n'aurait pas lieu... sans vraiment dévoiler son plan.

le Mercredi 6 Septembre 2017 à 05:28 | Lu 128 fois