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Erreur médicale : le docteur S. condamné pour homicide involontaire


Erreur médicale : le docteur S. condamné pour homicide involontaire
PAPEETE, le 7 juillet - Sa patiente de 23 ans était morte après une opération bénigne : la pose d'un anneau gastrique. S'il avait plaidé l'aléa thérapeutique, le tribunal a décidé qu'il était bien responsable de sa mort et l'a condamné à un an de prison avec sursis. Une condamnation très rare en Polynésie.

On se souvient de ce procès qui avait fait sensation par sa rareté et à cause du statut presque sacré des médecins en Polynésie : en mai dernier, le docteur S., ancien chirurgien à la clinique Cardella, était jugé pour homicide involontaire. On l'accusait d'une erreur médiale datant de 2008 qui avait conduit à la mort d'une patiente de 23 ans à la suite de la pose d'un anneau gastrique pour l'aider à régler son problème de surpoids.

Le délibéré est tombé aujourd'hui : le docteur S. est condamné à un an de prison avec sursis. Le procès pour les intérêts civils est fixé au 16 septembre 2015. Le procureur avait demandé une courte peine avec sursis et une amende, tandis que la défense plaidait l'acquittement.

APRÈS SON OPÉRATION ELLE N'AVAIT PLUS QUE 50% DE CHANCE DE SURVIVRE

L'opération avait eu lieu en 2008. Le médecin, considéré par ses équipes comme autoritaire et incapable d'écouter les conseils, opérait une jeune femme de 23 ans, Maiana, qui pesait 125 kilos. Elle devait se faire poser un anneau gastrique, une procédure que sa mère avait effectuée avec succès et qui avait réglé son propre problème. C'était d'ailleurs une opération de routine pour le chirurgien, qui a assuré lors du procès en avoir déjà effectué "des milliers, voire des dizaines de milliers".

Pour poser cet anneau sans ouvrir le patient, il faut libérer de l'espace dans l'abdomen. La procédure est de créer une poche de gaz à l'aide d'une longue seringue nommée aiguille de Palmer. C'est avec cette aiguille que le docteur S. transperça par erreur le duodénum de Maiana, au tout début de l'intestin grêle, après avoir dû s'y reprendre à plusieurs fois. Dès l'erreur, Maiana, endormie sur la table d'opération, est entrée en état de choc. Quand elle s'est réveillée, il n'y a plus aucune procédure médicale qui pouvait la sauver : son sort était entre les mains du destin, avec une chance sur deux de s'en tirer.

Et malheureusement, c'est le pire qui arriva. Après 4 jours où les équipes du CHPF assistés par le docteur S. ont tenté de la stabiliser, où leur attitude est considérée comme exemplaires par les rapports d'experts, la jeune femme est morte d'une pancréatite aigue nécrotico-hémorragique.

L'avocat de la famille de Maiana a réussi à convaincre les juges de l'erreur médicale grâce à une pièce qui avait été apportée au dossier par le docteur S. lui-même. Dans cet article médical, des chiffres très inquiétants : "Les taux de complication se répartissent comme suit : une tentative (de placement de l'aiguille de Palmer dans la cavité péritonéale), de 0,8% à 16,3% ; 2 tentatives, de 16,31% à 37,5% ; 3 tentatives de 44,4% à 64% ; et plus de trois tentatives, de 84,6% à 100%".

Ce sont donc les multiples tentatives pour insérer l'aiguille de Palmer qui constituent l'erreur médicale, il aurait fallu abandonner la procédure bien plus rapidement. Le bâtonnier Antz qui représentait les victimes avait enfoncé le clou avec une preuve difficile à contrecarrer : la déclaration du chirurgien, "j'ai piqué à plusieurs reprises dans différentes directions".

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mardi 7 Juillet 2015 à 11:11 | Lu 5895 fois