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Épidémie de dengue 2 : un risque "particulier"


PAPEETE, le 3 octobre 2017 - "La Polynésie française est actuellement à risque particulier d'introduction de la dengue de type 2 du fait que ce virus circule dans plusieurs îles du Pacifique, dont la Nouvelle-Calédonie", indique la Direction de la santé dans son bulletin de veille sanitaire daté du 11 au 24 septembre. Des mesures de prévention existent.

Le nombre de cas de dengue confirmés par les laboratoires s’élève à 30 (21 cas en semaine 37 et 9 cas en semaine 38), révèle le bulletin de veille sanitaire du 11 au 24 septembre. Ce sont des dengues de type 1 (DENV-1). Pendant cette période, les cas confirmés étaient localisés à Tahiti, Raiatea, Nuku Hiva et Rangiroa. Parmi les 29 cas confirmés : 41 % étaient des enfants de moins de 15 ans, 20 cas ont été sérotypés DENV-1 et 2 enfants ont été hospitalisés.

"En Polynésie Française, la dernière épidémie liée au sérotype 2 date de 1996, puis ce sérotype a ensuite circulé jusqu’en 2000. Une grande partie de la population n’est donc pas immunisée contre le virus. La réintroduction du virus au fenua pourrait entraîner une épidémie", poursuit le bulletin de veille sanitaire. "La Polynésie française est actuellement à risque particulier d'introduction de la dengue de type 2 du fait que ce virus circule dans plusieurs îles du Pacifique, dont la Nouvelle-Calédonie."

Interrogé sur le sujet, le ministre de la Santé, Jacques Raynal, nuance en insistant sur le fait qu’il n’y a pas encore d’épidémie de dengue de type 2. "Le bulletin dit seulement qu’il est toujours possible qu'il y ait une épidémie de dengue 2 dans la mesure où, depuis plusieurs années, ce virus n’est plus sur le territoire. Il est présent en Nouvelle-Calédonie, de ce fait des cas sont probables en Polynésie. Peut-être même qu’une épidémie pourrait se déclarer dans le sens où plusieurs personnes pourraient être touchées par la pathologie." Les personnes concernées en priorité sont les jeunes, nés après les années 1990, et les nouveaux arrivants qui n’auraient jamais croisé le virus avant leur arrivée sur le territoire (voir encadré la dengue et ses sérotypes).

Le bulletin de veille sanitaire ajoute, à propos de la dengue, un paragraphe de précautions à prendre pour éviter les risques de contamination avec : l’élimination des gîtes larvaires en supprimant ou protégeant toute zone de stagnation d’eau douce une fois par semaine et l’utilisation de moyens de protection individuelle : répulsifs anti-moustiques, moustiquaires...

La Direction de la santé invite enfin les personnes à consulter rapidement un médecin en cas de fièvre supérieure à 38,5°C, d’apparition brutale de douleurs musculaires et articulaires. La consultation permettra de confirmer le diagnostic et de déclencher l’ensemble des mesures de lutte contre les moustiques porteurs du virus sur le terrain.

À la question des mesures de précaution sont-elles prises pour empêcher l’apparition d’une épidémie ? Jacques Raynal répond : "Il faut des pulvérisations dans l'avion. Par ailleurs, des recommandations doivent être faites aux personnes arrivant sur le territoire et présentant des signes type dengue, symptômes grippaux, fièvre. Ces personnes doivent immédiatement consulter un médecin et être mises en situation d'isolement chez eux. Mais il serait illusoire de penser pouvoir empêcher l’entrée de virus en Polynésie française".


La dengue et ses sérotypes

Pour rappel, la dengue est une infection virale transmise par un moustique. Elle provoque un syndrome grippal. Il n’existe pas de traitement spécifique contre la dengue. La prévention repose sur des mesures efficaces de lutte anti-vectorielle (destruction du vecteur de transmission et donc du moustique) et de protection individuelle. Il existe des cas de dengue sévère, dite dengue hémorragique.

Il existe quatre sérotypes de dengue : la dengue 1, la dengue 2, la dengue 3 et la dengue 4. L’un n’étant pas plus dangereux que l’autre. Les sérotypes d’un même virus sont des parents. Ils présentent d’infimes différences, mais ces différences sont reconnues par les organismes contaminés (l’homme notamment). De ce fait, un individu réagit en présence de chaque sérotype. Mais il ne réagit qu’une seule fois, lors de la première contamination. Un individu qui a "eu" la dengue 1 est protégé à vie contre la dengue 1. Il est "immunisé". Il possède des anticorps (les cellules qui détectent et neutralisent les intrus) spécifiques au stéréotype rencontré. Cela fonctionne de la même façon pour les quatre sérotypes.

Épidémie de dengue 2 : un risque "particulier"
"Il est important de sérotyper les dengues"
Van Mai Cao-Lormeau, docteur en virologie à l’Institut Louis Malardé

Tahiti infos : quel est le sérotype en circulation actuellement en Polynésie ?
Van Mai Cao-Lormeau : "Le 1. En fait, nous étudions la circulation des sérotypes de dengue depuis les années 1940 et la régénération d’un sérotype se fait en moyenne tous les 18 à 20 ans. Après une épidémie, il faut à peu près tout ce temps pour que le nombre de gens immunisés, se réduise."

Tahiti Infos : y a-t-il des cas de dengue de type 2 en Polynésie ?
Van Mai Cao-Lormeau : "Le dernier a été identifié en 2000. La dernière épidémie de dengue de type 2 date des années 1996/1997. Il y a eu de très rares cas, anecdotiques, importés. La dengue de type 2 n’est pas sur le territoire."

Tahiti Infos : Mais le risque qu’elle arrive est grand, non ?
Van Mai Cao-Lormeau : "Toutes les conditions sont réunies pour qu’elle arrive, en effet. Elle circule dans les pays voisins, la Nouvelle-Calédonie, les Fidji, les Samoa, Nauru. Toutefois le risque est moins fort qu’il y a un an car la circulation a diminué dans ces pays. Ce qu’il faut c’est sérotyper tous les cas de dengue pour identifier les sérotypes et réagir très rapidement en cas d’apparition du type 2. La saison des pluies arrive, c’est un facteur de développement, il faut rester très vigilent."


Rédigé par Delphine Barrais le Mardi 3 Octobre 2017 à 16:54 | Lu 4162 fois