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Entraves au passage sur la route Traversière : le dernier round ?


Depuis 2008, l'accès au lac de Vaihiria est devenu quasi impossible en raison du blocage de la route traversière. A moins de passer par la côte Est et la vallée de la Papenoo.
Depuis 2008, l'accès au lac de Vaihiria est devenu quasi impossible en raison du blocage de la route traversière. A moins de passer par la côte Est et la vallée de la Papenoo.
PAPEETE, le 14 janvier 2015. Depuis quelques années, les plaintes pour blocage de la route Traversière, dans sa partie vers Mataiea se sont accumulées. Après une première audience pénale, en septembre 2014, pour entraves à la libre circulation sur cette voie conduisant au coeur de Tahiti, ce mardi, le tribunal correctionnel de Papeete évoquait d'autres épisodes (de l'année 2011) durant lesquels plusieurs membres de la famille Bennett avaient bloqué le passage en utilisant parfois la force.

Ce pourrait être un dossier judiciaire presque pour rien dans la mesureune procédure d'expropriation, en bonne et due forme par voie de déclaration d'utilité publique entamée par le Pays depuis des années est en passe d'aboutir, dès la fin de ce mois de janvier. Néanmoins, la famille de Timi Bennett (père, mère et fils) et deux autres prévenus habitants le PK 47,5 côté montagne à Maitaiea, comparaissaient ce mardi pour avoir entravé la libre circulation à diverses reprises au cours de l'année 2011. Trois faits sont visés ceux du 28 mars 2011, du 8 juin 2011 et du 23 août 2011. Seules ces trois affaires ont été retenues par la justice, mais les plaintes sont bien plus nombreuses. "L'instruction menée portait sur de multiples plaintes mais nous avons sélectionné les trois les plus importantes" indique la présidente du tribunal.

A la barre, le dialogue s'entame assez mal entre le tribunal et les prévenus. Il est fait référence à un compte-rendu de réunion de 1990 où un représentant de la famille Bennett, censé représenter tous les indivisaires avait accepté le passage des véhicules de Marama Nui ou leurs sous-traitants afin de pouvoir accéder aux ouvrages hydroélectriques en amont. Mais cette "convention" n'a que peu de valeur légale, admet le tribunal ; elle n'a été conclue que par une partie des indivisaires de la vallée et avant l'installation à Mataiea, au début des années 2000 de la famille de Timi Bennett. Laquelle indique que les engagements pris alors par Marama Nui d'installer grillage et portail à cadenas n'ont jamais été respectés.
La présidente du tribunal avançant dans le dossier, en dépit des vigoureuses dénégations des prévenus à la barre, pose alors la question centrale de ce dossier. La même qui fut posée lors d'un premier procès en septembre dernier. "Est-ce que cette voie –qu'elle soit privée ou non- était-elle ouverte à tous, oui ou non ? C'est la question qu'on doit se poser et à laquelle on doit répondre" résume la juge. Mais après deux ans d'instruction, l'audition de nombreux témoins ou riverains, des responsables locaux du cadastre ou du bureau des affaires foncières, force est de constater que la réponse ne s'impose pas avec limpidité.

Le tribunal fait état d'une ordonnance de 1932 au temps des Etablissements français d'Océanie (EFO) où étaient déclarés publics non seulement la route de ceinture de Tahiti, mais également tous les chemins vicinaux desservant les vallées et même les sentiers reliant ces vallées. Dans la mesure où il n'y a pas eu, comme en France métropolitaine, de transfert aux départements de ces voies secondaires, cette réglementation "d'Ancien régime" serait encore valable. Ce que réfute Me James Lau, avocat de la défense expliquant que ce texte est désormais non conforme à la Constitution et qui oppose le caractère inaliénable de la propriété privée. D'autant qu'un arrêt de la Cour d'appel de Papeete en 2011 a justement reconnu que ce chemin est une voie privée ! "Les Bennett ont subi beaucoup de choses dont deux gardes à vue et des violences policières. Tout ça pour défendre leur propriété privée" explique encore l'avocat de la famille de Timi Bennett.

Sur la vingtaine de plaignants, dont nombre de riverains situés en aval de cette route traversière, cités comme partie civile dans ce dossier, ils sont une douzaine à être venus à l'audience ce mardi. Quelques-uns prennent la parole à la barre. On leur a bloqué le passage, ils ont été insultés et indiquent qu'avant 2006 et l'arrivée de cette famille, ils pouvaient aller librement jusqu'au lac Vaihiria… Les plus anciens précisent qu'il y avait, avant les installations hydroélectriques (en 1984), un sentier tortueux au lieu de la route desservant les terres du fond de la vallée. Tous demandent à pouvoir passer librement, sans risquer d'être insulté, frappé ou racketté d'une quelconque somme d'argent pour parcourir ces 400 mètres qui posent problème. Le procureur de la République estime pour sa part que les faits d'entrave sont parfaitement établis et demande en répression des "peines de dissuasion suffisantes, car il est temps d'en finir". Il réclame ainsi une peine de un an de prison ferme et 200 000 Fcfp d'amende à l'égard du père Timi Bennett ; un an avec sursis et 100 000 Fcfp d'amende pour les autres prévenus. A l'audience de septembre 2014, le procureur avait réclamé, pour d'autres faits similaires d'entrave à la libre circulation et extorsion de fonds, des peines de six mois de prison avec sursis et 100 000 Fcfp d'amende. La décision du tribunal qui s'est laissé le temps de la réflexion sera rendue en mars prochain.

Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 14 Janvier 2015 à 16:42 | Lu 1928 fois