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Enquête sur la "taupe" de Sarkozy: des magistrats du PNF dans le viseur de Dupond-Moretti


Paris, France | AFP | vendredi 18/09/2020 - Trois magistrats du parquet national financier dans le viseur d'Eric Dupond-Moretti : le garde des Sceaux a lancé vendredi une enquête administrative quelques jours après un rapport qui a globalement dédouané le PNF pour ses investigations sur l'éventuelle "taupe" de Nicolas Sarkozy dans l'affaire des "écoutes".

L'enquête, confiée à l'inspection générale de la justice, vise les deux magistrats qui étaient chargés du dossier, et leur responsable hiérarchique, l'ancienne cheffe du PNF Eliane Houlette - qui avait refusé d'être auditionnée par l'inspection.

L'analyse du rapport de l'inspection générale, rendu public mardi, montre que "des faits relevés seraient susceptibles d'être regardés comme des manquements au devoir de diligence, de rigueur professionnelle et de loyauté", estime la Chancellerie dans un communiqué.

Le PNF avait été mis en cause pour avoir épluché les relevés téléphoniques détaillés ("fadettes") de ténors du barreau - dont Eric Dupond-Moretti, depuis devenu garde des Sceaux - pour tenter de trouver qui aurait pu informer l'ancien Président et son avocat Thierry Herzog qu'ils étaient sur écoute, dans une affaire de corruption qui leur vaut un procès prévu à la fin de l'année.

M. Dupond-Moretti, encore avocat, s'était alors emporté contre des "méthodes de barbouzes" et avait déposé une plainte notamment pour "atteinte à la vie privée", avant de la retirer le soir de sa nomination comme garde des Sceaux début juillet.

Dans son rapport, l'inspection avait globalement dédouané le PNF, notant le souci permanent des enquêteurs de ne pas "exposer excessivement la vie privée et le secret professionnel des titulaires des lignes exploitées".

Mais il avait aussi critiqué la durée de cette enquête : six ans de 2014 à 2019, dont trois ans sans aucune investigation. Il avait, par ailleurs, relevé "un manque de rigueur" dans le traitement de la procédure et une "remontée hiérarchique de l'information lacunaire", au vu de la sensibilité de l'affaire principale mettant en cause un ancien président de la République, et "portant sur une suspicion de fuites au sein du monde judiciaire".

"Ce rapport montre bien que l'enquête est restée dans les clous de la loi. Il montre des problèmes organisationnels mais ne mentionne à aucun moment de faute disciplinaires", déclare à l'AFP Cécile Mamelin, du syndicat USM (Union syndicale des magistrats), majoritaire, parlant de "volonté de faire tomber des têtes".

"Dysfonctionnements"

Le jour de la remise de ce rapport, Eric Dupond-Moretti s'était montré virulent à l'Assemblée, lors des questions au gouvernement : "On peut lire dans ce rapport un certain nombre de choses très intéressantes: le défaut de gouvernance (...) mais aussi un suivi interne distendu (...) un manque de rigueur dans le traitement de la procédure, une remontée de l'information lacunaire... Bref, peut-être un certain nombre de dysfonctionnements", avait-il dit.

"Si des manquements sont susceptibles d'être qualifiés de faute disciplinaire, je n'hésiterai pas à saisir les instances compétentes", avait assuré le ministre, critiquant notamment, sans la nommer, le refus de Mme Houlette de répondre aux questions de l'Inspection.

L’inspection générale de la justice est maintenant chargée de déterminer s'il y a eu des manquements professionnels. Mais elle ne prononce pas de sanction. Elle remet un rapport à la Chancellerie, qui décide si ces manquements sont caractérisés. Si c'est le cas, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) est saisi, donne un avis et propose une sanction s'il estime qu'il y a eu faute disciplinaire. C'est le garde des Sceaux qui prononce, ou pas, cette sanction.

"Le conflit d'intérêt est manifeste et disqualifie le ministre pour prendre une décision dans cette affaire", a réagi vendredi auprès de l'AFP Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature (SM), aussi "surprise de la rapidité, voire la précipitation" à ouvrir cette enquête, trois jours après la publication du rapport.

L'ampleur des investigations et leur durée de l'enquête pour identifier la "taupe", révélées par le Point en juin, avait provoqué un vif émoi parmi les avocats et la classe politique.

le Vendredi 18 Septembre 2020 à 09:17 | Lu 1007 fois