Saint-Denis, France | AFP | lundi 29/03/2021 - "Les vagues se suivent et ne se ressemblent pas" : au service réanimation de l'hôpital de Saint-Denis, la moitié des patients Covid ont moins de 43 ans. Et deux sont des femmes enceintes. Du "jamais vu", s'alarment les soignants, épuisés.
Dans les vastes chambres entièrement vitrées, des respirateurs maintiennent en vie, parfois depuis plusieurs semaines, des malades aux visages gonflés. Une infirmière et une aide-soignante installent un trentenaire, regard vide, dans un fauteuil : "On l'a désintubé hier, c'est une belle histoire", sourit Daniel Da Silva, le chef de service.
A l'hôpital Delafontaine, situé au coeur du département le plus pauvre du pays, qui affiche aussi un taux d'incidence record, on est passé de 18 à 26 lits de réanimation sous la pression de ce qu'on appelle désormais "la troisième vague".
Samedi, deux malades ont dû être transférés vers d'autres hôpitaux franciliens, faute de lits disponibles.
Alors que les plus hauts responsables médicaux parisiens ont alerté dimanche sur le risque grandissant de "débordement" des hôpitaux, où les médecins se préparent avec une certaine "colère" à "faire le tri" entre les patients, le docteur Da Silva est plus modéré.
"Même à l'acmé de la première vague, on n'a jamais été confronté à l'impossibilité de prendre en charge un patient", affirme-t-il, estimant que la "dynamique de la situation épidémique en Ile-de-France est proche de celle du premier épisode", "un tsunami" où son hôpital avait accueilli jusqu'à 259 malades infectés par le coronavirus, contre une centaine aujourd'hui.
Pour autant, le praticien s'alarme de voir "de plus en plus de jeunes avec des formes graves, et des évolutions rapides de la maladie". "On a dû intuber et faire une césarienne en urgence à une jeune femme de 23 ans", raconte-t-il, "frappé" de voir arriver des femmes enceintes, "du jamais vu pendant la première vague".
Selon lui, l'âge des patients pose la question du "décalage" avec la cible actuelle de la campagne de vaccination, ouverte seulement aux plus de 70 ans.
"Crises d'angoisse"
"Si la pression continue à augmenter", six lits supplémentaires seront installés dans les blocs opératoires, au prix de nouvelles déprogrammations de "chirurgie non urgente". "Après, on sera au maximum", prévient le soignant.
Un conseil de Défense doit se tenir mercredi pour décider d'un éventuel durcissement des mesures sanitaires.
"J'ai conscience des ravages d'un confinement strict et, en même temps, je vois ce qu'on vit ici. Ce qui est sûr, c'est qu'avec le confinement, on a sauvé un nombre incalculable de vies", souffle le médecin qui se dit plein de "doutes et d'interrogations", au regard notamment de la situation dramatique des étudiants.
"Le sujet, maintenant, c'est surtout les ressources humaines", ajoute-t-il. "Les gens sont épuisés et le syndrome de stress post-traumatique de la première vague est loin d'être réglé. Quand les malades Covid ont réapparu, des soignants se sont mis en arrêt maladie, d'autres ont fait des crises d'angoisse".
Alice Auroux, infirmière, "ne s'attendait pas à cette troisième vague".
"On est fatigué moralement, on a l'impression qu'on ne s'en sort pas. Ca fait un an qu'on n'a pas eu de vraies vacances", souffle la jeune femme en nettoyant le cathéter d'une patiente placée dans le coma.
Certaines de ses collègues sont en arrêt de travail pour sciatique et lombalgie : "C'est dur, on doit porter, tourner les malades", explique-t-elle.
Mathilde Azzi, jeune médecin réanimateur, vient elle d'annuler ses vacances pour "doubler ses gardes".
"Ca va pouvoir se faire, mais c'est sûr qu'on va se sentir vite en difficulté", dit-elle. A ses yeux, "ce sont les patients non Covid qui vont en pâtir. Comme à la première vague, on voit déjà moins d'infarctus, certaines personnes renoncent à consulter ou sont prises en charge trop tardivement".
Derrière une des vitres, un homme de 30 ans ouvre les yeux. Mathilde Azzi lui prend la main : "Vous vous réveillez là, ça fait trois semaines que vous êtes chez nous et là vous commencez à vous améliorer."
Il a 30 ans, et aucun antécédent. "Lui, il faut qu'il s'en sorte", lance une infirmière à sa collègue. Avant d'ajouter : "J'ai appris à ne plus trop espérer".
Dans les vastes chambres entièrement vitrées, des respirateurs maintiennent en vie, parfois depuis plusieurs semaines, des malades aux visages gonflés. Une infirmière et une aide-soignante installent un trentenaire, regard vide, dans un fauteuil : "On l'a désintubé hier, c'est une belle histoire", sourit Daniel Da Silva, le chef de service.
A l'hôpital Delafontaine, situé au coeur du département le plus pauvre du pays, qui affiche aussi un taux d'incidence record, on est passé de 18 à 26 lits de réanimation sous la pression de ce qu'on appelle désormais "la troisième vague".
Samedi, deux malades ont dû être transférés vers d'autres hôpitaux franciliens, faute de lits disponibles.
Alors que les plus hauts responsables médicaux parisiens ont alerté dimanche sur le risque grandissant de "débordement" des hôpitaux, où les médecins se préparent avec une certaine "colère" à "faire le tri" entre les patients, le docteur Da Silva est plus modéré.
"Même à l'acmé de la première vague, on n'a jamais été confronté à l'impossibilité de prendre en charge un patient", affirme-t-il, estimant que la "dynamique de la situation épidémique en Ile-de-France est proche de celle du premier épisode", "un tsunami" où son hôpital avait accueilli jusqu'à 259 malades infectés par le coronavirus, contre une centaine aujourd'hui.
Pour autant, le praticien s'alarme de voir "de plus en plus de jeunes avec des formes graves, et des évolutions rapides de la maladie". "On a dû intuber et faire une césarienne en urgence à une jeune femme de 23 ans", raconte-t-il, "frappé" de voir arriver des femmes enceintes, "du jamais vu pendant la première vague".
Selon lui, l'âge des patients pose la question du "décalage" avec la cible actuelle de la campagne de vaccination, ouverte seulement aux plus de 70 ans.
"Crises d'angoisse"
"Si la pression continue à augmenter", six lits supplémentaires seront installés dans les blocs opératoires, au prix de nouvelles déprogrammations de "chirurgie non urgente". "Après, on sera au maximum", prévient le soignant.
Un conseil de Défense doit se tenir mercredi pour décider d'un éventuel durcissement des mesures sanitaires.
"J'ai conscience des ravages d'un confinement strict et, en même temps, je vois ce qu'on vit ici. Ce qui est sûr, c'est qu'avec le confinement, on a sauvé un nombre incalculable de vies", souffle le médecin qui se dit plein de "doutes et d'interrogations", au regard notamment de la situation dramatique des étudiants.
"Le sujet, maintenant, c'est surtout les ressources humaines", ajoute-t-il. "Les gens sont épuisés et le syndrome de stress post-traumatique de la première vague est loin d'être réglé. Quand les malades Covid ont réapparu, des soignants se sont mis en arrêt maladie, d'autres ont fait des crises d'angoisse".
Alice Auroux, infirmière, "ne s'attendait pas à cette troisième vague".
"On est fatigué moralement, on a l'impression qu'on ne s'en sort pas. Ca fait un an qu'on n'a pas eu de vraies vacances", souffle la jeune femme en nettoyant le cathéter d'une patiente placée dans le coma.
Certaines de ses collègues sont en arrêt de travail pour sciatique et lombalgie : "C'est dur, on doit porter, tourner les malades", explique-t-elle.
Mathilde Azzi, jeune médecin réanimateur, vient elle d'annuler ses vacances pour "doubler ses gardes".
"Ca va pouvoir se faire, mais c'est sûr qu'on va se sentir vite en difficulté", dit-elle. A ses yeux, "ce sont les patients non Covid qui vont en pâtir. Comme à la première vague, on voit déjà moins d'infarctus, certaines personnes renoncent à consulter ou sont prises en charge trop tardivement".
Derrière une des vitres, un homme de 30 ans ouvre les yeux. Mathilde Azzi lui prend la main : "Vous vous réveillez là, ça fait trois semaines que vous êtes chez nous et là vous commencez à vous améliorer."
Il a 30 ans, et aucun antécédent. "Lui, il faut qu'il s'en sorte", lance une infirmière à sa collègue. Avant d'ajouter : "J'ai appris à ne plus trop espérer".