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En Mongolie, les places en maternelle sont tirées au sort


Oulan-Bator, Mongolie | AFP | vendredi 29/09/2017 - En Mongolie, le boom des naissances fait déborder les maternelles et affole les enseignants. A tel point que des parents doivent remporter un tirage au sort pour pouvoir scolariser leurs enfants dans le public, ou s'en remettre à de coûteuses écoles privées, s'ils en ont les moyens.
Dans la capitale Oulan Bator, les places sont en effet attribuées au hasard grâce à un système de loterie en ligne. Et malheur aux perdants.
"On pensait gagner au tirage au sort et on s'apprêtait à acheter les fournitures scolaires à mon fils", témoigne Sukhbaatariin Boldbaatar, un jeune papa de 27 ans. "Mais on a reçu un texto nous disant qu'il n'était pas pris. Sur le moment, je me suis demandé comment l'avenir d'un enfant de 2 ans pouvait être déterminé juste par le hasard."
Son fils faisait partie des 22.000 bambins ayant participé à la loterie: seuls 12.600 ont finalement été sélectionnés. Les autres doivent rester à la maison ou être scolarisés dans des écoles privées, inaccessibles pour les familles modestes comme celle de Boldbaatar qui est actuellement au chômage.
Car les maternelles publiques d'Oulan Bator n'ont de place que pour accueillir la moitié des 146.000 enfants âgés de 2 à 5 ans que compte la capitale, selon le bureau municipal de l'éducation.
Un problème qui s'explique selon les experts par un manque de planification sur le long terme.
La majorité des écoles publiques ont été construites durant l'ère communiste. Et très peu après la transition démocratique de 1990. Résultat: les salles de classe sont aujourd'hui pleines à craquer, les enseignants surmenés et les ressources utilisées à leur maximum. 
 

- 60 par classe -

 
Lassés de devoir faire cours dans ces conditions extrêmes, les professeurs des écoles étaient en grève les 21 et 26 septembre.
"On a dû s'habituer à travailler avec plus de 60 enfants par classe", raconte à l'AFP Tsergiin Bayalag, enseignant à la maternelle numéro 122 d'Oulan Bator.
L'établissement compte actuellement quelque 660 élèves, soit le double de sa capacité théorique.
"La charge de travail supplémentaire n'affecte pas que les professeurs. Les cuisiniers aussi doivent préparer deux fois plus de repas. Je veux que le gouvernement verse un salaire décent aux enseignants", déclare Bayalag.
La promiscuité dans les classes favorise aussi la diffusion de microbes et de la grippe et les hôpitaux ont du mal à gérer l'afflux constant de tout jeunes patients.
Face à cette situation, les parents aisés ne s'enquiquinent même plus à participer au tirage au sort et inscrivent directement leur progéniture dans le privé. Les plus modestes gardent leurs enfants à la maison, la maternelle n'étant pas obligatoire en Mongolie.
Le taux de natalité a explosé en dix ans en Mongolie, passant de 18,4 naissances pour 1.000 habitants en 2006 et à 25,4 pour 1.000 en 2016, selon les statistiques gouvernementales - il est ainsi plus de deux fois supérieur à celui de la France. Ce bond s'explique en partie par le fait que la génération née lors d'un précédent baby boom dans les années 80 est désormais en âge de procréer.
 

- 'Des mesures insuffisantes' -

 
Et à Oulan Bator, où vit déjà la moitié des 3 millions de Mongols, l'afflux depuis les campagnes d'ex-bergers nomades sans emploi accentue le problème.
Pour Batkhuyagiin Batjargal, directeur exécutif de l'association Alliance mongole pour l'éducation, la crise est surtout le résultat de la politique gouvernementale.
"Il y a eu suffisamment de signes avant-coureurs, mais les mesures prises ont été insuffisantes", souligne-t-il.
Les naissances ont explosé lors de l'Année "du cochon d'or" en 2007, les enfants nés durant cette période étant censés connaître la prospérité, selon le calendrier mongol. Mais peu a été fait depuis pour faire face à l'afflux prévisible de nouveaux élèves.
La municipalité d'Oulan Bator construit certes de nouvelles écoles dans les quartiers déshérités. Mais la Mongolie est percluse de dettes, ce qui limite fortement les dépenses publiques.
Les écoles primaires, elles, ne font pas l'objet d'un tirage au sort car la Constitution du pays garantit l'éducation gratuite pour tous les enfants à partir de l'âge de 6 ans. Mais elles sont tout aussi bondées que les maternelles. 
A l'Ecole primaire numéro 65, Lkhagvasurengiin Oyunchimeg a 44 élèves dans sa classe, mais aucune salle n'y est disponible pour donner ses cours de rattrapage.
"Parfois, avec les enfants, on s'installe dans les couloirs", explique-t-elle. "Mais ce n'est pas un endroit adapté pour étudier et ils sont facilement distraits."

le Vendredi 29 Septembre 2017 à 04:11 | Lu 370 fois