Tahiti Infos

En Indonésie, la boxe pour sortir de la toxicomanie


Le champion de boxe indonésien Jundullah Muhammad Fauzan a gagné son combat le plus dur. Accro pendant près d'une décennie à la méthamphétamine, il s'en est sorti grâce à un centre de désintoxication sur l'île de Java qu'il fréquente toujours aujourd'hui: pour y boxer.

Ce centre unique en son genre propose des sessions alliant boxe et conseils pour aider les toxicomanes à s'en sortir. C'est ce mélange particulier, estime Fauzan, qui l'a aidé à décrocher de la drogue de synthèse hautement addictive qui lui minait la santé.

"Rester sobre est une épreuve difficile. Je ne veux pas avoir trop d'espoirs, mais la boxe m'a sans aucun doute aidé dans ma vie", confie Fauzan à l'AFP.

A 29 ans, il est considéré comme un exemple à suivre dans le centre désintoxication Pine House, à Bandung, ville de l'ouest de Java.

Ce lieu est devenu un refuge pour d'innombrables toxicomanes en Indonésie, pays d'Asie du Sud-Est où la dépendance à la drogue est régulièrement sanctionnée par des peines de prison ou une mort prématurée.

L'an passé, l'Agence indonésienne anti-drogue a recensé 4,2 millions de consommateurs de produits stupéfiants dans cet archipel de 255 millions d'habitants. Ils sont pour l'essentiel concentrés dans l'ouest de la province de Java, dont Bandung est la capitale.

 

- Les fondateurs: cinq anciens toxicomanes -

 

C'est le manque de centres de désintoxication dans cette région qui a conduit cinq anciens toxicomanes à ouvrir Pine House. Leur idée était de responsabiliser les consommateurs de produits stupéfiants et les personnes atteintes du virus du sida, à travers un mélange de sports et de conseils d'experts.

Les fondateurs ont commencé par ouvrir des centres de désintoxication en proposant du football, avant d'étendre les activités à la boxe en 2013, explique l'un d'eux, Ginan Koesmayadi.

Pine House a rapidement attiré des amateurs de ce sport de combat grâce au recrutement d'entraîneurs expérimentés et à l'installation d'équipements adaptés (sacs de frappe, cordes à sauter...) dans ce lieu simple situé dans le centre-ville et en plein air.

Entre les séances d'entraînement, les amateurs de boxe rencontrent des conseillers pour discuter de leur dossier médical et des progrès effectués pour éliminer leur dépendance à la drogue.

Amatrice de boxe, Eva Dewi Rahmadiani vient s'entraîner plusieurs fois par semaines à Pine House. Elle est contente de se sentir de nouveau forte, après avoir souffert pendant des années de la dépendance à la drogue et du virus HIV.

Au début, raconte-t-elle, les sessions paraissaient brutales. Mais avec le temps, l'envie de drogue a disparu. Elle a ressenti une nouvelle vitalité, en dépit des effets du traitement antirétroviral. "Ça me rend plus heureuse. Ça élève mon esprit et ça me rappelle que la vie n'est pas finie", confie à l'AFP cette jeune mère de famille.

 

- 'Le courage de rêver' -

 

A Pine House, explique Koesmayadi, les accros à la drogue sont tout simplement soulagés de trouver un lieu où ils ne sont pas persécutés, une rareté en Indonésie, où les drogués se plaignent souvent d'être harcelés par la police et exclus de leur communauté.

"La stigmatisation plonge les consommateurs de drogue dans le désespoir, et leur santé finit par se dégrader", dit-il.

Des ONG critiquent la politique du gouvernement pour combattre la drogue, estimant que la désintoxication est quasi ignorée par les autorités qui privilégient l'intervention de la religion dans le pays musulman le plus peuplé au monde et l'application de la législation anti-drogue, l'une des plus sévères au monde. La détention d'infimes quantités de stupéfiants est passible de la peine de mort.

A Pine House, d'autres boxeurs viennent suivre la trace de Fauzan, à la recherche d'une nouvelle vie loin de la drogue, du désespoir et d'une menace constante d'incarcération.

C'est le cas de Resnu Sundava, qui buvait depuis l'âge de 10 ans, prenait de la drogue à l'adolescence et se bagarrait régulièrement. A la fin de ses études secondaires, sa dépendance aux stupéfiants était devenue incontrôlable, et sa famille et ses amis lui ont tourné le dos.

Il a franchi le seuil de Pine House en 2015 et sa situation s'est depuis lors remarquablement améliorée: à 22 ans, ce membre d'un club de boxe est récemment devenu boxeur professionnel et a participé à des tournois en Indonésie et au Timor Oriental.

Maintenant, dit-il à l'AFP, "j'ai de nouveau le courage de rêver. Je veux être champion du monde".

avec AFP


Rédigé par RB le Jeudi 9 Juin 2016 à 05:51 | Lu 870 fois