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En Australie, l'école tente de sauver les langues aborigènes


En Australie, l'école tente de sauver les langues aborigènes
SYDNEY, 21 déc 2012 (AFP) - Noeleen Lumby est une exception en Australie: aux élèves de sa classe, elle enseigne l'une des quelque 250 langues aborigènes, dont beaucoup se sont déja éteintes, apportant sa pierre au mouvement en cours pour sauver ce patrimoine immatériel.

Avec passion, elle observe les collégiens, pianotant sur leur ordinateur ou leur tablette, en utilisant ce dialecte.

Les langues des Aborigènes, peuple autochtone d'Australie largement marginalisé, sont absentes des programmes scolaires. Selon les spécialistes, cette population possèdait à l'origine entre 250 et 270 langues, mais moins de 70 sont aujourd'hui encore parlées couramment et moins encore sont transmises aux jeunes générations.

"De moins en moins d'enfants apprennent la langue de leurs parents. Ils apprennent une sorte d'anglais-aborigène", explique John Hobson, professeur à l'Université de Sydney, précisant que l'Australie n'était pas loin de détenir le triste record du monde en nombre de langues vernaculaires disparues.

Dans son collège, à l'ouest de Sydney, Noeleen Lumby demande à ses élèves de répéter le nom aborigène d'animaux, employés depuis des temps immémoriaux par le peuple, Wiradjuri.

Alors qu'elle montre des jouets et des peluches représentant quelques uns des animaux emblématiques de l'Australie, comme le kangourou, l'émeu ou le cacatoès, les collégiens, dont la plupart ont des origines asiatiques, commencent à maîtriser des rudiments de cet idiome d'Océanie.

"J'aime ça parce qu'on apprend de nouvelles choses. C'est important que les enfants apprennent en même temps la langue et la culture", a déclaré à l'AFP, Tien Nguyen, âgée de 12 ans.

Le collège St. John's Park ne compte qu'une poignée d'enfants aborigènes parmi ses 1.110 élèves mais la grande satisfaction de Noeleen Lumby est d'entendre certains d'entre eux s'adresser parfois à elle dans la langue aborigène.

Très peu d'établissements enseignent ces matières, mais elles suscitent toutefois un engouement nouveau.

L'isolement de nombre de communautés indigènes, le manque de supports pédagogiques et de locuteurs-enseignants constituent cependant de sérieux obstacles.

John Hobson, qui a mis sur pied en 2006 un cour de master pour apprendre à des étudiants aborigènes comment enseigner leur propre langue, indique que la plupart d'entre eux conçoivent eux-même leurs supports de cours.

L'élan commence à porter ses fruits. Ainsi, certaines langues, que l'on considérait jadis comme éteintes, sont aujourd'hui qualifiées simplement de "dormantes".

"J'aime vraiment l'idée que des gens puissent ressusciter des langues et leur redonner un usage courant", déclare-t-il.

A ses yeux, l'enseignement qu'il a élaboré, unique en son genre, est un "programme bouche-trou" pour que des enseignants soient en mesure de répondre à la demande d'apprentissage en langues aborigènes.

"La question sous-jacente est que le peuple aborigène veut vraiment sauver ses langues de l'oubli. De plus en plus de gens se demandent comment redonner vie à ce patrimoine", ajoute-t-il.

Jodi Edwards, l'une des étudiantes de John Hobson, est convaincue de la justesse de ce combat.

"Votre langue constitue une part de votre âme, une part de ce que vous êtes. Et ne pas la maîtriser équivaut à avoir un bras en moins", a-t-elle fait valoir.

Rédigé par Par Madeleine COOREY le Vendredi 21 Décembre 2012 à 05:56 | Lu 781 fois