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Emballages alimentaires: le recyclage avance lentement, le plastique s'accroche


Paris, France | AFP | mercredi 16/12/2020 - Cinq ans après la COP 21, une touillette en plastique dans le café peut susciter un sentiment de culpabilité. Mais des œufs durs en barquette de polystyrène sous film plastique sont encore disponibles en rayon, alors qu'ils pourraient être emballés dans... leur coquille.

L'industrie agroalimentaire française occupait en 2019 le premier rang de l'empreinte carbone de la France par activité, devant le secteur pétrolier, selon le Commissariat général du développement durable. Loin devant la construction ou les transports pourtant montrés du doigt. 

En cause, ses importations, mais surtout ses emballages, premiers utilisateurs du plastique produit dans le monde. En France, 45,5% de la consommation de matières plastiques sert à fabriquer des emballages, indique "l'Atlas du plastique" de la fondation Heinrich Boll.

Au sein de Danone, Coca Cola ou du géant de la brique de lait Tetra Pak, le taux de recyclage des emballages est pourtant en nette progression depuis la COP 21.

Mais ce verdissement implique des changements structurels coûteux sur les chaînes de fabrication. Greenpeace vient encore de placer Coca-Cola, PepsiCo et Nestlé dans le trio de tête des "plus grands pollueurs au monde en matière de déchets plastiques".

En France, après avoir mis dix ans à inclure 30% de plastique recyclé dans ses bouteilles, CCEP, l'embouteilleur de Coca-Cola en Europe, prévoit de parvenir "à 50% d'ici deux ans" et à 100% en 2030. 

En Suède, Norvège et Hollande, Coca est "déjà à 100%", précise à l'AFP Arnaud Rolland, directeur RSE de CCEP en France.

"Certains pays vont plus vite, car ils ont (...) des systèmes de collecte plus efficaces" qu'en France, dit-il. 

L'emballage représentant 43% des émissions carbone de CCEP, le groupe a investi dans une usine près de Dijon qui recycle 48.000 tonnes de plastique par an, 1,5 milliard de bouteilles. Le groupe table sur une neutralité carbone en 2040.

Incinération plutôt que recyclage

Les industriels se plaignent de l'absence de filière de recyclage pour plusieurs molécules: polystyrène, films en polyéthylène (PE) et polypropylène (PP). 

Ainsi même triés dans le bac jaune, les pots de yaourt, blisters de jambon blanc, sacs de chips ou de salade partent le plus souvent à l'incinération: seulement 5% ont été recyclés en 2019, d'après Citeo, spécialisé dans le recyclage des emballages ménagers, contre 61% des bouteilles et flacons, 57% des briques, 85% du verre, 48% de l'aluminium et 100% de l'acier des canettes ou boîtes de conserve.

En conséquence, la recherche porte ses efforts sur l'amélioration de la conception des emballages. Des start-up se lancent dans la toile de coton enduite de cire, réutilisable. Un labo de Montpellier développe une barquette en plastique biodégradable.

Pour Coca-Cola, CCEP vient d'investir dans deux sociétés aux Pays-Bas qui font du recyclage chimique par décomposition des molécules primaires. 

Danone, qui a annoncé 2 milliards d'euros pour répondre aux enjeux climatiques, a passé la plupart de ses bouteilles d'Evian et Volvic en 100% recyclé et prévoit en 2025 de n'utiliser aucun plastique vierge pour ses eaux. 

Danone et Nestlé travaillent avec une start-up auvergnate, Carbiolice, qui rend le plastique compostable grâce à l'ajout d'une enzyme, à condition qu'il soit d'origine végétale.

La start-up, détenue par Limagrain et la Banque publique d'investissement (BPI), vient d'obtenir une certification européenne "garantissant que ses emballages seront compostables, même dans des composteurs de jardin", indique à l'AFP sa présidente Nadia Auclair.

Dans les briques, 70% sont recyclées: la partie en carton. Pour recycler la fine couche d'aluminium et plastique ("polyal") qui protège les aliments de l'air et de la lumière, Tetra Pak, leader mondial du secteur, parie sur le plastique végétal. Il mise aussi sur "un partenariat avec Veolia pour bâtir une usine en France" qui devrait recycler d'ici 2025 les 49 milliards de briques vendues en Europe, indique à l'AFP Chakib Kara, directeur général du groupe pour la France et le Benelux.

Mais avec la pandémie, l'emballage plastique a fait son retour dans la distribution alimentaire, au détriment du vrac, par besoin sanitaire de protection des aliments, constatent les professionnels.

Selon une étude OpinionWay du 3 novembre, de février à septembre, le nombre de Français réclamant des emballages totalement recyclables a baissé. En mai, une photo d'œufs durs écalés vendus dans une barquette de polystyrène recouverte d'un film plastique a suscité l'ironie sur les réseaux sociaux.

le Mercredi 16 Décembre 2020 à 05:55 | Lu 469 fois