Tahiti, le 26 juin 2025 – Le président du Tapura a tiré à boulets rouges sur le gouvernement, ce jeudi, à l'occasion du vote des comptes administratifs du Pays. Il a notamment dénoncé “un système clientéliste qui contourne le contrôle de l'assemblée”, en raison des écarts significatifs entre les crédits votés par les élus de Tarahoi et ceux exécutés, autrement dit réellement dépensés, par le gouvernement.
Comme chaque année à la même période, les élus de Tarahoi doivent examiner et voter les comptes administratifs du Pays pour l'année précédente, en l'occurrence pour 2024. Autrement dit, c'est le moment pour l'assemblée de jouer pleinement son rôle pour contrôler les actions du gouvernement. Car l'assemblée vote le budget du Pays, avec des recettes prévisionnelles autorisant l'exécutif à réaliser des dépenses dont le montant, la nature et l'affectation sont inscrits par “mission”. Et c'est là où le bât blesse, comme n'a pas manqué de le relever avec force le patron du Tapura, Édouard Fritch, qui, en tant qu'ancien président du Pays, a été ordonnateur du budget.
“C'est important parce que les élus doivent savoir où va l'argent du Pays. C'est leur responsabilité puisque ce sont eux qui votent le budget du Pays. Et force est de constater que les nouvelles habitudes aujourd'hui, c'est de s'asseoir sur les décisions de l'assemblée et de faire comme on veut au niveau de l'exécutif, à savoir qu'il ne respecte pas les engagements qui ont été pris par l'assemblée par rapport aux articles qui spécifient les dépenses attenantes à chaque mission. C'est un manque de respect. On marche sur l'assemblée”, s'est-il agacé au micro des médias après avoir pointé du doigt plusieurs incohérences en séance plénière. Car si le résultat de fonctionnement de près de 12 milliards de francs traduit des recettes plus élevées, notamment grâce à la TVA et aux droits d'enregistrement, il traduit aussi une absence de réalisation de certaines dépenses.
Des dépenses doublées, voire triplées
Il liste ainsi des aides à l'emploi dont le budget modifié prévoyait “6,2 milliards de crédits” alors que seulement “5,3 milliards” ont été consommés, et s'interroge sur “l'efficacité des dispositifs déployés”. Sur les organismes publics dont les subventions avaient été programmées à hauteur de 250 millions, “un petit million de francs” a été exécuté. “Où sont passés les crédits qui devaient soutenir nos organismes publics ?”, a-t-il demandé. Sur le volet de l'enseignement et plus particulièrement des bourses étudiants, Édouard Fritch s'est étonné de “l'écart préoccupant” entre les annonces du président du Pays mettant en avant leur augmentation, et le fait que “près de 700 millions de crédits alloués à cette politique publique n'ont pas été consommés”.
Pour le secteur de l'habitat, “1,138 milliard était inscrit pour une exécution nulle. Zéro”, a-t-il claqué soulignant qu'à l'inverse, “à l'OPH, vous avez explosé les compteurs”, avec 850 millions de francs prévus initialement pour “près de 2 milliards” dépensés. “Le double. Qui décide de quoi dans cette maison ? Où est la cohérence ?”, s'est encore insurgé le président du Tapura. Le “triple” même, sur la mission “publicité”, avec 114 millions de francs réalisés pour seulement 32,6 millions de francs votés par l'assemblée au départ. “À quoi sert exactement cette avalanche de dépenses en communication ?”, a assené Édouard Fritch. “Ça veut dire qu'on cache quelque chose. On crée une dépense du côté de Pouvana’a a Oopa qui n'est pas visible, ici, place Tarahoi. C'est contourner la démocratie. Je suis peut-être un peu rude mais on fait voter, et c'est la responsabilité de l'assemblée, des budgets qui ne sont pas ceux qu'exécute le gouvernement (...) c’est-à-dire qu'on dispose de l'argent du peuple, on fait ce qu'on veut et c'est grave.”
D'autant que par ailleurs, “on nous prend de plus en plus dans la poche (...) alors que compte tenu de la TVA encaissée, il y a possibilité de réduire les taxes sur les produits consommés dans l'alimentation”. Pour Édouard Fritch, “c'est de l'incompétence” et “il n'est plus question de dire c'est la faute à Fritch, c'est la faute à Flosse. Aujourd'hui, deux ans après, ils doivent prendre leurs responsabilités”.