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EDITO - ​En parler de son vivant


L’extension de la loi nationale sur l’aide à mourir à la Polynésie française a été actée, en toute discrétion, le week-end dernier à Paris.
 
Une extension qui pose une question principale. Cette décision pouvait-elle être étendue aux territoires du Pacifique comme la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française sans consultation préalable des élus locaux alors que la compétence santé y est exercée en pleine, ou presque, autonomie sur ces territoires ?
 
Le gouvernement central en a décidé ainsi, sous l’égide de l’égalité devant les lois de la République, comme pour le mariage homosexuel avant lui ou encore le droit à l’interruption volontaire de grossesse, désormais inscrit dans le marbre de la Constitution.
 
Et puis, ne votons-nous pas pour des députés censés défendre leur territoire devant la nation à Paris ? N’avons-nous pas des sénateurs, élus par leurs pairs, pour faire entendre cette même voix ?
 
Encore faudrait-il savoir quelle voix ils défendent.
 
Plus que sensible au Fenua, le sujet en est presque devenu tabu. Un paradoxe dans un débat où tout le monde s’accorde pour que, au quotidien, économiquement, mentalement, sanitairement, spirituellement, chacun s’emploie à tout essayer pour le mieux-vivre, mais où la question du mieux-mourir est systématiquement glissée sous le tapis de la bigoterie surannée.
 
Dans le monde, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, l'Espagne, le Portugal, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Colombie et l’Équateur pratiquent déjà l’aide à mourir. Sont-ce pour autant des populations de monstres qui consentent à voir leurs proches partir, de leur propre décision, comme on piquerait son chien trop vieux ?
 
Les religions, pourtant premières pourvoyeuses de suicides assistés au regard des nombreux conflits armés qu’elles déclenchent depuis des siècles pour imposer un dieu plutôt qu’un autre, s’arc-boutent sur la défense de la vie. Une belle ironie de l’histoire.
 
Mais la défense de la mort, le choix de sa mort, n’est pas à négliger. Comme on peut, en toute conscience, choisir de léguer son corps à la science. Comme on peut, en toute conscience, choisir de donner ses organes après son décès, on peut choisir de mourir dignement, en stoppant ces douleurs d’un corps qui ne peut plus lutter, en préférant devancer l’inéluctable.
 
Le Deutéronome interdit formellement de parler aux défunts. Alors parlons-nous de notre vivant.
 
Bertrand Prévost

Rédigé par Bertrand PREVOST le Jeudi 22 Mai 2025 à 16:35 | Lu 1569 fois