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Deux vies brisées pour un poteau mal placé


Le carrefour où a eu lieu l'accident en 2018. Depuis le drame, le poteau a été déplacé.
Le carrefour où a eu lieu l'accident en 2018. Depuis le drame, le poteau a été déplacé.
PAPEETE, le 24 septembre 2019 - Une jeune femme de 36 ans a été relaxée mardi par le tribunal correctionnel du chef d’homicide involontaire pour lequel elle était poursuivie. En 2018 à Papara, alors que sa vision était entravée par un poteau, cette mère de famille avait mortellement fauché un scootériste de 24 ans.

L’accident, qui avait coûté la vie à un jeune père de 24 ans, avait eu lieu le 22 février 2018 à Papara en début d’après-midi. Alors qu’elle quittait son travail à la CPS, une conductrice s’était engagée sur la route de ceinture en direction de Papeete lorsqu’un homme circulant sur un deux-roues avait percuté son véhicule. La jeune femme, dont la visibilité était entravée par un poteau placé à une intersection, n’avait pas vu le scooter qui arrivait dans le sens opposé. Malgré l’intervention rapide des secours, la victime, père d’un petit garçon de quatre ans, n’avait pas survécu. Il était décédé à l’hôpital des suites d’un traumatisme crânien. Aucun des deux acteurs de ce drame n’avait consommé d’alcool ou de stupéfiants.

En dépit d’un premier accident très grave ayant eu lieu au même endroit fin 2017, et des courriers du maire de Papara demandant que le poteau qui obstruait la vue soit déplacé, le service de l’Energie avait indiqué qu’il n’avait pas le budget nécessaire au changement de la structure incriminée.

“Pardon de vous avoir enlevé un fils”

A la barre du tribunal correctionnel mardi, la prévenue, mère célibataire d’un enfant, a répété les déclarations faites lors de sa garde à vue. Lors de l’accident, elle n’avait pas vu le deux-roues arriver : “Cela a été très rapide. Pour moi, la voie était libre. Au moment où je me suis engagée, j’ai senti un choc, je me suis agrippée au volant et j’ai fermé les yeux quelques secondes”.

En raison de sa “honte”, la jeune femme, encore très éprouvée, n’avait jamais pris contact avec la famille de la victime. Elle a cependant réussi à s’adresser à elle mardi lors de l’audience. En pleurs, elle a présenté ses excuses aux proches du disparu : “J’aurais aimé vous dire cela ailleurs qu’ici mais je vous demande pardon. C’était involontaire et accidentel. Pardon de vous avoir enlevé un fils”. En écho, la mère de la victime s’est ensuite avancée à la barre pour demander au tribunal que la peine prononcée contre la conductrice ne soit pas “lourde” : “Je lui ai pardonné à l’époque, je lui pardonne une seconde fois aujourd’hui.”

"Symbole de la carence des pouvoirs publics"

Le procureur de la République, évoquant une triste “fatalité”, a requis une amende de 250 000 Fcfp à l’encontre de la conductrice.

Pour la défense, Me Millet a déploré un dossier qui représente le “symbole de la carence des pouvoirs publics” : “Contrairement à ce que l’on nous fait croire, tous les accidents ne relèvent pas de la fatalité selon laquelle ils sont inévitables. Il faut interpeller les pouvoirs publics pour assurer la sécurité des usagers de la route car, il faut que la famille de la victime le sache : ce drame aurait pu être évité !”

Après en avoir délibéré, le tribunal a relaxé la conductrice et a ordonné le renvoi sur intérêts civils au 22 janvier prochain.

Il aura fallu cet accident mortel ainsi qu’un autre accident très grave pour que le poteau incriminé soit enfin déplacé fin 2018.


Rédigé par Garance Colbert le Mardi 24 Septembre 2019 à 15:04 | Lu 9068 fois