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Des stages pour les passagers phobiques de l'avion


Roissy, France | AFP | samedi 07/02/2015 - Emilie, 37 ans, décrit un véritable calvaire: des bruits qui la terrifient, le coeur qui palpite, la panique à chaque décollage et atterrissage, et même la peur de mourir.

Face au boom du transport aérien et aux crashs ultra médiatisés comme le spectaculaire accident cette semaine d'un ATR de TransAsia à Taïwan, les candidats aux stages pour surmonter leur phobie de l'avion se multiplient.

Surfant sur ce phénomène, la société Smart Flight dont les simulateurs de vol sont habituellement utilisés pour la formation des pilotes des compagnies du monde entier, a mis au point un stage sur mesure, non loin de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle.

Les participants y apprennent à ne plus se laisser submerger par leur anxiété, encadrés par un spécialiste de la sécurité aéronautique, Xavier Tytelman, d'une psychologue clinicienne du Centre de traitement de la peur de l'avion (CTPA) Margot Ferrand, et de pilotes de ligne.

Première étape, rappeler les statistiques, a priori rassurantes, de la sécurité aérienne.

"Il y a un décollage et un atterrissage chaque seconde. 650.000 personnes sont dans les airs à chaque instant. Et il y a quelques accidents meurtriers par an. On a beaucoup plus de chance de gagner au loto que d'avoir un accident d'avion", sourit M. Tytelman.

"On a beau savoir que le transport aérien est le moyen de transport le plus sûr au monde et qu'on prend plus de risque en prenant sa voiture chaque jour, c'est plus fort que nous", confie Laurence, 35 ans. La jeune femme, coordinatrice médicale, a fondu en larmes lorsque son mari lui a offert un voyage en Turquie pour leur anniversaire de mariage.

Comme Laurence et Emilie, plus de 20% de la population européenne auraient peur de prendre l'avion, selon le CTPA. La proportion avoisinerait même les 30% à l'échelle planétaire.

Et la surmédiatisation des accidents a pour effet de charger le cerveau en émotion négative. Les circonstances sont à chaque fois exceptionnelles mais le visuel reste plus fort que tout.

Au cours du stage d'une journée précédé d'un long entretien individuel, les organisateurs décortiquent méthodiquement la mécanique d'un vol, la formation des pilotes, la maintenance des avions.

Ils s'attachent également à démystifier des impressions.

"Quand un avion décolle, l'angle de montée est de 15 degrés maximum. Ce n'est pas une fusée", explique Xavier Tytelman. "Mais plus on est crispé, plus on a l'impression que l'angle est important".

"Dans une forte turbulence, l'avion chute d'une vingtaine de centimètres, pas plus", poursuit-il. "Mais 20 cm à 800 km/h suffisent à faire tomber les plateaux repas".

Les visages sont incrédules.

Aussi fortes soient-elles, les turbulences ne peuvent à elles seules provoquer un accident. Un avion résiste à la foudre. Et les trous d'air n'existent pas.

"Rallumer le cortex"

Deuxième étape, apporter des solutions concrètes.

"Le stress et les émotions modifient votre fréquence cardiaque", souligne Margot Ferrand. Or, plus on respire mal, plus les symptômes physiques (vertige, palpitations, mains moites) sont accentués.

Il faut donc se forcer à expirer lentement pour calmer l'anxiété. La psychologue active un logiciel avec guide respiratoire. Les stagiaires passent à la pratique.

Margot Ferrand liste ensuite des exercices simples tels que l'écriture pour "rallumer le cortex afin qu'il reprenne le dessus sur le cerveau des émotions".

Etape ultime, un vol en simulateur. Alexandre, informaticien en traitements d'images, prend la place du copilote.

Lui, qui rêvait enfant de devenir pilote, a renoncé à l'avion depuis un an. "Mon rêve s'est transformé en cauchemar. Après un vol mouvementé, ma peur s'est progressivement décuplée jusqu'à l'année dernière. Je devais aller à Dubaï pour le travail. Je ne me suis même pas rendu à l'aéroport", raconte-t-il, visiblement affecté.

A 34 ans, il n'a pas d'autre choix que de vaincre sa phobie pour mener à bien sa carrière professionnelle.

Dans le cockpit du Boeing 737, il reprend espoir. Le pilote simule de très fortes turbulences. Alexandre reste zen.

Pour autant, c'est accompagné de Xavier Tytelman et Margot Ferrand qu'il effectuera son retour dans les airs: un Paris-Genève.

Les études de Smart Flight montrent que les stagiaires sont près de trois fois moins stressés lors du premier vol suivant ce stage. Pour lequel ils auront dû tout de même débourser 530 euros.

Rédigé par () le Samedi 7 Février 2015 à 06:05 | Lu 312 fois