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Des paysans philippins bravent la colère du volcan Mayon


Guinobatan, Philippines | AFP | lundi 28/01/2018 - Le majestueux volcan philippin Mayon a beau cracher sa lave à quelques kilomètres de là, Jay Balindang continue d'entrer chaque jour dans la zone d'exclusion, au milieu de rizières couvertes de cendres, pour soigner son buffle.

"Je n'ai pas peur du volcan. Nous sommes habitués à son activité", explique à l'AFP le paysan de 37 ans, qui laisse chaque jour sa femme et leurs huit enfants dans un centre d'accueil mis en place par le gouvernement.
Des dizaines de milliers de personnes ont été évacuées des zones proches de ce volcan du centre de l'archipel, qui crache des nuages de fumée géants et de la lave incandescente depuis près de deux semaines.
Célèbre aux Philippines pour la quasi-perfection de son cône, le Mayon culmine à 2.460 mètres et est considéré comme le plus instable des 22 volcans philippins en activité.
Redoutant une éruption majeure, les autorités ont établi une zone d'exclusion sur un rayon de neuf kilomètres autour du volcan. 
Mais la présence policière ne suffit pas à dissuader certains cultivateurs comme Jay Balindang d'y pénétrer chaque jour pour nourrir leur précieux "carabao", cet animal de trait crucial pour l'agriculture de l'archipel.
Sur les 84.000 personnes déplacées du fait de l'éruption du Mayon dans la province d'Albay, à 330 km au sud-est de Manille, on dénombre environ 10.000 paysans.
La région est célèbre pour ses piments et ses cultures de maïs, de riz et de légumes, désormais toutes menacées par les retombées du volcan.
 

- Bénédiction et malédiction -

 
Outre les cendres et braises qui se déposent, il y a aussi selon les autorités un risque de coulées meurtrières du fait des fortes pluies qui s'abattent sur la région.
Les cendres volcaniques, les roches et l'eau peuvent en effet provoquer d'énormes coulées boueuses, nommées "lahars", susceptibles d'emporter des villages entiers.
"C'est un nouveau défi effrayant pour nos agriculteurs qui ont déjà été confrontés par le passé aux typhons, glissements de terrain et inondations", a déclaré le ministre de l'Agriculture Emmanuel Pinol.
Les cultivateurs sont en effet ceux qui souffrent le plus des catastrophes naturelles auxquelles est habitué l'archipel.
En plus d'être situées sur la "ceinture de feu" du Pacifique, zone où se rencontrent des plaques tectoniques, ce qui produit une fréquente activité sismique et volcanique, les Philippines sont balayées chaque année par une vingtaine de typhons.
Le Mayon est à la fois une bénédiction et une malédiction pour les cultivateurs qui vivent sur ses pentes depuis des générations. Les cendres volcaniques peuvent tuer les cultures, mais enrichissent également les cols.
"Si les cendres sont fines, elles jouent le rôle d'engrais mais si elles sont épaisses, cela signifie que les cultivateurs qui ont beaucoup investi perdront tout", explique Renato Solidum, directeur de l''Institut philippin de Volcanologie et de Sismologie (Phivolcs).
Les prix des légumes ont déjà commencé à grimper dans la province à cause de l'éruption.
"Nous sommes célèbres pour ces plats qui utilisent des feuilles cultivées au pied du Mont Mayon", explique Elsa Maranan, une fonctionnaire locale du ministère de l'Agriculture en référence aux feuilles de taro, une plante tropicale dont on consomme aussi les tubercules.
"Si tout est détruit, la production de ces mets et les revenus de nos agriculteurs en seront affectés."
Pour tenter de dissuader les paysans de retourner dans leurs champs situés dans la zone d'exclusion, les autorités ont mis à disposition des champs où les agriculteurs peuvent faire paître leur bétail.
"Nous les exhortons à ne pas être butés parce qu'ils mettent la vie des intervenants en danger", a déclaré à l'AFP le général Arnulfo Matanguihan.
Beaucoup continuent néanmoins de braver les interdictions et la colère du volcan.
Pour Jay Balindang, le choix est simple: faire en sorte que ses cochons, buffles et vaches mangent, c'est s'assurer que sa famille aura quelque chose à manger à son tour.
"C'est très dur car je ne sais pas s'il restera du riz à récolter", explique-t-il.

le Lundi 29 Janvier 2018 à 06:00 | Lu 676 fois