Tahiti Infos

Des écrivains indonésiens peu connus et leurs sujets tabous sur la scène internationale à Francfort


Jakarta, Indonésie | AFP | mardi 13/10/2015 - Des écrivains indonésiens peu ou pas connus seront sur le devant de la scène au plus grand salon du livre au monde à Francfort, emmenés par des auteures s'attaquant à des tabous dans leur pays conservateur, tels le sexe et la religion.

L'Indonésie, archipel d'Asie du Sud-Est à majorité musulmane, est l'invité d'honneur de cet événement, du 14 au 18 octobre, au cours duquel seront exposés 200 livres des meilleurs écrivains du pays.

Environ 70 auteurs indonésiens, parmi lesquels de jeunes écrivains prometteurs, seront sous le feux des projecteurs dans cette ville du centre-ouest de l'Allemagne. Ils vont se retrouver face aux géants de l'industrie du livre et à des centaines de milliers de visiteurs, dont la plupart vont sans doute découvrir la littérature de ce pays géographiquement très éloigné de l'Europe.

La sélection indonésienne pour Francfort est très variée, et nombre d'oeuvres, en particulier celles d'écrivains progressistes telle Leila Chudori, abordent des thèmes largement évités en Indonésie, parmi lesquels le sexe, la religion et les injustices de l'Histoire.

Son livre "Home" aborde les sombres événements de 1965-66 en Indonésie, où les purges anticommunistes avaient fait au moins un demi million de morts.

D'autres auteurs comme Laksmi Pamuntjak et Eka Kurniawan explorent également ces atrocités dans leurs livres respectifs "The Question of Red" et "Beauty is a Wound", travaux qui seront débattus à la foire de Francfort.

Des auteurs et professionnels du secteur en Indonésie émettent l'espoir que ce salon produira les mêmes effets que pour d'autres pays comme la Corée du Sud ou la Turquie, qui ont vu les demandes mondiales de traduction d'oeuvres littéraires passer de quelques dizaines à des centaines après leur participation à la foire de Francfort.

"C'est une grande opportunité pour l'Indonésie", a déclaré à l'AFP Okky Madasari, une romancière dont le livre "Bound" a été traduit en allemand dans la perspective du salon de Francfort.

"Nous ne sommes pas connus sur la carte littéraire mondiale, mais j'espère que cet événement marquera les débuts de la littérature indonésienne sur la scène internationale", a-t-elle ajouté.

- "Apprentissage accéléré" -

Des écrivains indonésiens ont bénéficié cette année d'une bonne couverture médiatique et de l'affluence à différentes foires du livre hors d'Indonésie, ce qui réjouit en particulier John McGlynn, fer de lance du programme littéraire indonésien à Francfort, ayant une maison d'édition à Jakarta.

"Jamais de ma vie je n'ai vu autant d'articles sur l'Indonésie et sa littérature", déclare à l'AFP M. McGlynn, qui travaille dans ce milieu depuis les années 1970.

Francfort constitue "une phase d'apprentissage accéléré" pour les professionnels de l'archipel de 17.000 îles et îlots, qui n'a pas d'expérience d'événement international de cette ampleur, dit-il.

Alors que la Finlande avait commencé à traduire des oeuvres littéraires six ans avant la foire de Francfort, l'Indonésie a débuté il y a seulement 18 mois en raison de la bureaucratie et d'une mauvaise organisation des financements.

Mais contre toute attente, 200 ouvrages ont été traduits en allemand et en anglais pour le salon, dont un quart par la maison d'édition Lontar de M. McGlynn, qui a aussi compilé une anthologie de nouvelles de jeunes écrivains.

Alors que l'Etat indonésien a alloué d'importants fonds à ses représentants au plus grand salon mondial du livre, des écrivains et éditeurs locaux à court d'argent espèrent que l'enthousiasme pour la littérature indonésienne ne retombera pas après Francfort.

Et M. McGlynn insiste sur l'importance des traductions qui doivent poursuivre leur développement pour que les ouvrages d'Indonésie soient accessibles à une audience internationale: "Nous voulons que la littérature indonésienne fasse son apparition dans les écoles, les librairies et auprès du public".

Rédigé par () le Mardi 13 Octobre 2015 à 06:15 | Lu 267 fois