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Des Shetland aux Açores, les projets de bases spatiales se multiplient en Europe


jody amiet / AFP
jody amiet / AFP
Paris, France | AFP | jeudi 08/12/2022 - Cap Canaveral, Kourou... Ces sites spatiaux, bien connus du grand public, seront bientôt rejoints par d'autres, les projets de bases de lancement se multipliant en Europe, portés par de nombreux programmes de minilanceurs et la commercialisation de l'espace.

D'ici la fin de l'année, la start-up espagnole PLD Space compte tirer sa minifusée Miura-1 depuis le site d'El Arenosillo sur la côte andalouse, tandis que des satellites seront lancés "pour la première fois au Royaume-Uni dans les prochaines semaines", a annoncé fin novembre le secrétaire d'Etat britannique à l'Innovation, George Freeman. 

Virgin Orbit a, en effet, annoncé que sa fusée Launcher One serait larguée le 14 décembre d'un Boeing 747 qui aura décollé des Cornouailles, dans le sud-ouest de l'Angleterre.

Alors que la Suède possède depuis des décennies son port spatial d'Esrange, situé près de Kiruna dans l'extrême nord du pays, et que son voisin norvégien a installé le sien sur l'île septentrionale d'Andøya, les nouveaux projets abondent.

Le Royaume-Uni en compte au moins deux, outre le "Spaceport Cornwall": une base à Sutherland, dans le nord de l'Ecosse, où le britannique Orbex doit réaliser ses futurs lancements; l'autre à SaxaVord, sur une des îles Shetland, d'où le français Latitude et l'américain Astra Space envisagent de lancer leurs petites fusées.

Des projets émergent également en Islande, mais aussi aux Açores, aux Canaries ou en mer du Nord, où un programme allemand à l'étude prévoit de lancer des fusées depuis un navire qui reviendraient à leur port d'attache de Bremerhaven.

"On constate un foisonnement de bases spatiales en Europe", constate Marie-Anne Clair, directrice du Centre spatial guyanais (CSG) à Kourou. "La dimension commerciale est réelle: il y a aujourd'hui également une profusion de micro-satellites qui vont demander des missions aux microlanceurs", explique-t-elle à l'AFP.

Une grande partie des satellites a longtemps été dédiée à des missions institutionnelles pour le compte d'agences spatiales qui avaient chacune leur base. Mais le marché a explosé avec l'arrivée de petites entreprises, la miniaturisation et la multiplication des satellites et de leurs applications (données d'observation de la Terre, communications...). 

Il n'y a pas de convention universelle, mais micro et minilanceurs sont des catégories pouvant placer quelques centaines de kilogrammes de charge utile en orbite.

La quête de l'orbite polaire 

Quelque 18.500 petits satellites, de moins de 500 kilos, devraient être lancés entre 2022 et 2031, contre 4.600 les dix années précédentes, soit l'équivalent d'une tonne envoyée dans l'espace chaque jour dans les dix prochaines années, selon Euroconsult.

Les services de lancement devraient presque quadrupler d'ici à 2031, à 28,4 milliards de dollars de chiffre d'affaires. Aujourd'hui, la plupart des projets de ports spatiaux européens sont menés par des acteurs privés.

La position géographique d'une base de lancement est primordiale. Il faut qu'elle soit dans des zones où la densité de population est très faible en cas de problème au lancement.

Et le fait de lancer à proximité des installations de production sur le continent et de s'épargner de longs et coûteux transports vers de lointains sites de lancement a de quoi séduire.

En astronautique, il n'est possible de lancer qu'au nord de sa position. Positionné près de l'Equateur, Kourou "peut lancer sur toutes les orbites" mais "pour lancer uniquement des satellites en orbite polaire, avec des latitudes Nord comme la Suède, la Norvège ou le Nord de l'Ecosse, vous êtes bien positionné", explique Marie-Anne Clair.

Or bon nombre des projets de petits satellites sont conçus pour l'observation de la Terre, qui requiert une orbite polaire: le satellite est lancé vers le pôle Nord puis orbite entre les deux pôles permettant de balayer l'ensemble de la Terre.

Quant à la rentabilité de ces projets de minilanceurs et de bases spatiales, "c'est toute la question". "Il y a énormément de candidats, certains réussiront, d'autres pas", estime-t-elle.

La base de Kourou, d'où sont lancées les fusées Ariane, tient elle aussi à sa part du gâteau: l'agence spatiale française, le Cnes, investit 50 millions d'euros dans la réhabilitation du pas de tir Diamant-1, d'où étaient tirées les premières fusées françaises, afin d'y commercialiser des services de lancement pour micro et minifusées.

Chris Kemp, le patron du lanceur américain Astra Space s'en félicite: "plus on aura de ports spatiaux disponibles, plus on aura de chances d'accéder à l'espace".

le Jeudi 8 Décembre 2022 à 06:30 | Lu 331 fois