Tahiti Infos

Débats en perspective sur l'obligation vaccinale


Tahiti, le 18 août 2021 – Le projet de loi du Pays rendant la vaccination anti-Covid obligatoire pour les personnels soignants et certaines autres professions sera présenté vendredi en séance à l'assemblée. Le texte, modifié par rapport à la version originelle, devrait faire l'objet de débats nourris au sein de l'hémicycle. Le Tapura étant pour et l'opposition partagée.
 
Prévu ce vendredi au menu de la session extraordinaire trois jours après avoir été transmis à l'assemblée, le projet de loi du Pays sur l'obligation vaccinale de certaines professions en Polynésie française est passé mercredi en commission de la Santé à Tarahoi, sans avis du Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) en raison de la situation d'urgence sanitaire. Le texte, présenté dans une procédure ultra-accélérée, est une version modifiée de celui présenté la semaine dernière en conseil des ministres et dont le contenu avait été révélé dans les colonnes de Tahiti Infos jeudi matin.
 
Le principal changement apporté au projet de loi du Pays ne concerne pourtant pas véritablement la partie sur la vaccination contre le Covid. Le texte initial portait sur l'obligation vaccinale générale des soignants contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche et la grippe. La vaccination anti-Covid étant initialement rattachée à ce texte général… Mais dans le texte transmis mardi à l'assemblée, il ne s'agit plus que de focaliser désormais le débat sur la vaccination anti-Covid.
 
Le personnel soignant jugé “insuffisamment vacciné”
 
Le contenu du projet de loi du Pays est notamment justifié par “l'insuffisance” de la proportion des personnels de santé vaccinés contre le Covid-19 : “Sur l'ensemble des structures sanitaires du Pays, la moitié des personnels sont vaccinés. Le taux de vaccination sur l'ensemble des structures sociales est d'à peine un tiers et, concernant les transports sanitaires, ce taux n'est que d'un cinquième”, précise le texte dans son exposé des motifs.
 
Sur le plan juridique, le projet de loi du Pays indique que l'obligation vaccinale est un “outil classique de lutte contre les épidémies” et rappelle les dernières positions jurisprudentielles : “Le Conseil constitutionnel estime qu’il revient au législateur de définir une politique de vaccination afin de protéger la santé individuelle et collective et le Conseil d’État en déduit que l’obligation vaccinale ne méconnaît pas, dans son principe, le droit à la vie et à l’intégrité du corps ni le principe de dignité de la personne humaine ni la liberté de conscience, lorsqu’elle est appropriée à la lutte contre une épidémie.”
 
Un texte qui va pourtant plus loin que l'option choisie en métropole d'une obligation vaccinale anti-Covid pour les seuls soignants. Mais sur ce point le Pays, compétent en matière de santé publique, explique qu'une telle obligation visant “certaines catégories de personnes” a déjà été proposée aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Russie, en Italie ou en Grèce.
 
Qui est concerné ?
 
Pour ce qui concerne les personnels concernés, la nouvelle mouture du texte reste un cadre juridique général et les professions exactes seront précisées par arrêtés. Pas de changement sur les professionnels en contact direct avec les personnes les plus vulnérables dans l’exercice de leur activité professionnelle (professions sanitaires, médico-sociales, pompiers…), les professionnels prenant en charge des personnes âgées, enfants et personnes handicapées “hors champ sanitaire et médico-social”, ou encore les transporteurs sanitaires, chauffeurs de bus et personnels navigants des aéronefs et bateaux.
 
Pas de changement non plus sur l'obligation vaccinale pour “toutes les personnes âgées de plus de seize ans, atteintes de certaines affections”. La liste des maladies n'est pas précisée et il n'est fait aucune référence aux détenteurs du carnet rouge de la CPS. En revanche, la nouvelle rédaction du projet de loi du Pays propose “d’étendre l’obligation vaccinale aux personnes exerçant des activités essentielles au fonctionnement de la Polynésie française”. Ceci en raison de son “impact sur le fonctionnement du Pays en cas d’arrêt de l’activité ou nécessaires au maintien de la sécurité ou de l’ordre public sur le territoire”. Le texte évoque le maintien “essentiel” de l’ouverture des aéroports ou de la réception du fret maritime, mais le texte pourrait plus généralement concerner la fonction publique locale.
 
Débats nourris en perspectives
 
En commission mercredi, l'examen du projet de loi du Pays articles par articles a été long et animé. “L'étude de ce texte a suscité beaucoup de débats, soulevé beaucoup d'interrogations de part et d'autre”, explique la présidente Tapura de la commission Santé, Virginie Bruant. “Pour autant, les premiers articles ont fait l'unanimité mais l'opinion s'est divisée lorsque nous avons abordé les articles LP8 et LP9, au point où nous avons eu un changement de vote pour les premiers articles. Au final, la commission a voté un avis favorable à sept voix pour une abstention”. Une abstention votée, selon nos informations, par l'élue Tahoera'a Vaitea Le Gayic.
 
Dans l'opposition, on indique ne pas avoir de position unanime sur ce sujet côté Tavini, comme Tahoera'a. Les élus des deux groupes sont favorables à la vaccination, mais moins enclins à l'obligation vaccinale. L'élue non-inscrite Nicole Sanquer est sur la même ligne. Elle explique être “vaccinée depuis longtemps”, mais opposée à l'obligation vaccinale “au nom de la protection des libertés individuelles”. Elle annonce d'ores et déjà qu'elle déposera des amendements, estimant que cette loi d'obligation vaccinale est trop élargie. “On parle du monde de l'éducation, de la fonction publique territoriale, du monde de l'esthétique et des soins du corps… La loi du Pays ne définit pas la liste des personnes et professions touchées. Tout sera fait en conseil des ministres”.
 
Côté majorité, la présidente de la commission santé, Virginie Bruant, soutient le texte du gouvernement. “Même si tout le monde n'est pas d'accord, il faut bien comprendre que nous n'avons pas d'autre solutions où aller”. L'élue Tapura devrait intervenir vendredi en séance pour défendre la position de la majorité. “Personne d'entre nous n'est médecin. Nous consultons et nous lisons les conclusions de l'OMS, de l'Institut Pasteur, de la Cour européenne des droits de l'homme, du corps médical des médecins qui lance un appel solennel à l'obligation vaccinale pour le personnel soignant, du conseil scientifique qui indique qu'une personne non vaccinée est 12 fois plus contagieuse qu'une personne vaccinée… Il ne faut pas oublier que le droit à être soigné est aussi un droit constitutionnel. Et aujourd'hui, ce droit ne peut plus être garanti parce que nos structures de soins sont saturées par des personnes non vaccinées.”
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Jeudi 19 Août 2021 à 20:19 | Lu 2350 fois