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Dans les îles du Pacifique Sud, diabète et obésité font des ravages


afp.com/Théo Rouby
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Nouméa, France | AFP | samedi 13/12/2014 - L'obésité et le diabète frappent les populations des îles du Pacifique Sud dans des proportions parmi les plus élevées au monde, en raison du changement des habitudes alimentaires, des modes de vie et des prédispositions génétiques.

Plus de la moitié de la population calédonienne (54,2%) est en surpoids ou obèse, contre environ 30% en métropole, et les enfants calédoniens sont touchés de plus en plus précocement.

"Ce sont de véritables fléaux sanitaires, une réelle épidémie même s'il s'agit de maladies non transmissibles", s'inquiète Bernard Deladrière, en charge de la santé au sein du gouvernement de Nouvelle-Calédonie.

"Chaque année, le nombre de diabétiques augmente de 6% et le pourcentage de la population atteinte de surpoids ou d'obésité a une tendance lourde à s'accroitre", poursuit-il.

Dans cet archipel de 265.000 habitants, les données officielles font état de 20.000 personnes diabétiques, soit un adulte sur dix, dont près de la moitié ignore son état puisque seuls 12.000 diabétiques sont suivis.

"Tant que le surpoids ne reculera pas, il n'y aura pas d'amélioration", insiste Dominique Mégraoua, pilote du programme diabète à l'Agence sanitaire et sociale.

"Le baromètre Santé réalisé en 2012 a révélé que 42% des enfants de 12 ans étaient atteints par l’obésité", indique M. Deladrière, précisant que la communauté polynésienne est de loin la plus concernée, en raison de prédispositions génétiques.

Deuxième diagnostic pris en charge, le diabète et les multiples affections qui lui sont associées (insuffisance rénale, hypertension, maladies cardiovasculaires...), coûtent 5,5 milliards de francs Pacifique (46 millions euros) par an à la Cafat, caisse locale d'assurance maladie.

"Les gens mangent trop gras et trop sucré. Avec l'urbanisation et l'occidentalisation des communautés océaniennes, les gens ne vont plus aux champs, ils ne cultivent plus et achètent des aliments manufacturés", explique M. Deladrière.

Dans ce territoire, aux inégalités sociales profondes, les familles modestes peinent à acheter régulièrement fruits et légumes, largement plus onéreux que dans l'Hexagone.

Face à ces phénomènes, le gouvernement mise "sur une politique transversale", visant à changer les habitudes alimentaires et à inciter à l'activité physique. Il compte aussi sur l'aide des industriels et des importateurs, même s'ils sont peu coopératifs.



- Espérance de vie en recul -



A Wallis et Futuna, deux minuscules îles polynésiennes de 12.187 âmes, la situation est encore plus dramatique.

Un rapport de la Cour des Compte de juin 2014 sur "La santé dans les outre-mer" a révélé qu'entre 1980 et 2010, le diabète et l'obésité avaient doublé et la prévalence de l'hypertension, triplé. 60% des habitants de l'archipel sont obèses.

La Cour avait mis en exergue "la prise en charge défaillante de ces risques, au point que l'espérance de vie recule, un cas de figure unique en France".

"Le problème est venu progressivement, l'ouverture de supermarchés y a contribué. On recommande par exemple aux gens de chauffer les boites de corned beef importées de Nouvelle-Zélande pour enlever le gras", explique Serge Pruneau, directeur de la coordination des soins à l'hôpital de Wallis.

Dans les micros Etats polynésiens de la zone, l'ampleur de cette catastrophe sanitaire atteint des records.

"Sur les dix pays où l'on recense proportionnellement le plus d'obèses dans le monde, neuf se situent dans le Pacifique Sud", constate Paula Vivili, directeur par intérim de la Santé publique à la Communauté du Pacifique (CPS).

A Nauru, Tonga, Niue, Samoa ou aux îles Cook, le taux de personnes en surpoids ou obèses est compris entre 80 et 92%. Le poids moyen des femmes est ainsi passé de 73,9 kilos en 1973 à 95 kilos en 2004, dans le petit royaume de Tonga.

"La télé, internet, les voitures ont rendu les habitants sédentaires et ils achètent ce qu'ils ont les moyens d'acheter, des aliments importés pas chers et de mauvaise qualité", poursuit M. Vivili.

Des programmes de prévention et de sensibilisation sont organisés mais ils se heurtent parfois aux règles du commerce international.

Ainsi en 2013, le gouvernement de Samoa avait interdit l'importation des queues de dinde très riches en graisse. Il a été contraint de revenir sur sa décision au motif qu'elle contrevenait aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), que Samoa venait d'intégrer.

Rédigé par AFP le Samedi 13 Décembre 2014 à 08:36 | Lu 1678 fois