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Dans les bidonvilles de Port-Vila, les plus démunis se sentent oubliés


Port-Vila, Vanuatu | | mardi 17/03/2015 - "Les pauvres restent pauvres, nous on n'a pas d'assurance et personne ne nous apporte d'aide", déplore Johnny Kapalu, chef du bidonville d'Anaburu, sur les hauteurs de Port-Vila, où le cyclone Pam a détruit les maigres biens des habitants.

A flanc de colline, au sud de la capitale Port-Vila, plusieurs milliers de familles vivent dans des cabanes de fortune, construites avec des planches et des tôles de récupération.

Pour la plupart, elles sont originaires des petites îles de l'archipel comme Tanna, Pentecôte, Ambrym ou Malicolo, et sont venues chercher un emploi dans la capitale.

"Dans les beaux quartiers, où vivent les expatriés, l'électricité a été réparée mais nous on a toujours pas de lumière", poursuit le vieil homme, s'essuyant le front, sous un soleil de plomb.

L'archipel aux 80 îles, où vivent 270.000 personnes, figure parmi les pays les plus pauvres du monde, avec une économie reposant essentiellement sur l'agriculture, la pêche et le tourisme. Le revenu national brut par habitant n'était en 2013 que de 3.276 dollars, selon la Banque mondiale, et l'archipel est très dépendant de l'aide extérieure, surtout de l'Australie.

Trois jours après le passage du "monstre" Pam, comme l'a qualifié le président Baldwin Lonsdale, le quartier est un fatras de branchages, de linge et de matelas étendus au soleil et de tôles tordues. Avec les moyens du bord - des brouettes, des clous et des nattes - les habitants s'affairent pour tenter de cicatriser les plaies de ce cyclone dévastateur.

Sabre d'abattis à la main, James Melteres débite les arbres qui sont déracinés, à quelques mètres de sa petite maison: une seule pièce avec un sol en béton et des paréos accrochés aux fenêtres.

- Le 'changement climatique est flagrant' -

"Deux arbres à pain sont tombés, mais heureusement, nos maisons n'ont pas été touchées", raconte ce père de quatre enfants, qui comme tous les habitants du pays continue d'arborer un large sourire.

"On avait mis des sacs de sable et des parpaings sur les tôles du toit, du coup ça a tenu", se console cet employé du centre pédagogique de l'Education nationale du Vanuatu, qui travaille justement à l'intégration du concept de changement climatique dans les programmes scolaires.

A l'instar de la plupart de ses compatriotes, il se souvient du terrible cyclone Uma de 1987, qui avait dévasté Port-Vila, et qui jusqu'à Pam, demeurait une référence.

"C'était pire qu'Uma, comme un monstre qui nous arrivait dessus. Pour nous, le changement climatique est flagrant, du coup on est préparé. Par exemple, j'ai fait plastifier tous les papiers importants de la famille", explique-t-il, deux bambins accrochés à ses jambes.

En contrebas, Ostina s'inquiète pour les jours à venir alors que toutes les plantations de son modeste jardin ont été anéanties et qu'un manguier s'est abattu sur le coin cuisine de sa cabane.

"Le pays reçoit beaucoup d'aide mais les petites gens comme nous n'en voient pas la couleur. Je suis employée de maison et je gagne 12.000 vatus par mois (104 euros). Tout est cher à Port-Vila", confie cette maman de quatre enfants, qui nourrit pour le moment sa famille avec des biscuits.

"On n'attend rien du gouvernement. C'est comme ça, mais la vie continue, hein !", lâche-t-elle dans un bruyant éclat de rire.

Chauffeur de taxi, natif de Malicolo, George, vit à Freshwater, une zone d'habitat précaire qui jouxte Anaburu. En sillonnant les routes d'Efate, l'île qui abrite la capitale, ce trentenaire se désole de voir le paysage à ce point défiguré. La végétation d'habitude si verdoyante a laissé place à des milliers de squelettes d'arbres grisâtres.

"Notre pays va devenir un désert, sans arbre, sans ombre", dit-il, alors que part et d'autres de la chaussée se succèdent des cocotiers décapités et des souches de banians.

Rédigé par () le Mardi 17 Mars 2015 à 05:49 | Lu 1914 fois