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Dans le Puy-de-Dôme, le ballet des camions-citernes pour assurer l'alimentation en eau


GUILLAUME SOUVANT / AFP
GUILLAUME SOUVANT / AFP
Arlanc, France | AFP | vendredi 16/03/2023 - Pour que l'eau coule au robinet, des camions-citernes ont alimenté tout l'hiver une douzaine de communes du Puy-de-Dôme, dans le massif central. La situation liée à une sécheresse inhabituelle suscite inquiétude, colère et résignation dans cette région de sources.

"On n'a jamais vu ça en hiver, on est inquiet pour l'été prochain", redoute Jean Savinel, le maire d'Arlanc.

Alors qu'une centaine de foyers de la région ont été privés d'eau pendant dix jours, la commune a mis les gros moyens pour ravitailler ses 1.800 administrés en se dotant fin février d'un camion-citerne. 

Comme il a fallu louer des véhicules depuis le mois de novembre pour faire face aux pénuries, "cela permet de faire économies" et "de réagir plus rapidement quand l'eau baisse", justifie l'élu. 

"C'était une nécessité, toute une partie du réseau était sans eau, c'était l'urgence", souligne le maire d'Arlanc.

Cette situation "s’explique par la sécheresse exceptionnelle de l'année 2022, mais également par la structure géologique du socle granitique très faillé, qui se traduit par des nappes peu profondes et des réserves superficielles moins abondantes dans les sols", détaille la préfecture du Puy-de-Dôme.

En 2022, environ 700 communes de France ont connu des problèmes similaires d’eau potable et environ 550 ont dû être ravitaillées par camions-citerne, selon les chiffres du ministère de la transition écologique.

A une échelle globale, la problématique de la ressource en eau, "élément fondamental de tous les aspects de la vie", sera au coeur d'une conférence des Nations Unies du 22 au 24 mars à New York.

"Pour cet été, ça va être encore des livraisons et on va certainement livrer de l'eau en bouteilles même chez les gens parce que je pense qu'au robinet ça risque d'être compliqué", prédit Vincent Soucheyre, fontainier des deux syndicats des eaux alimentant la zone (syndicat du Haut-Livradois et SIAEP Beurrières-Chaumont-St Just).

Ces exploitants enchaînent les allers-retours entre quatre et six jours par semaine, en se servant dans différentes communes du département et en Haute-Loire voisine.

"Une denrée rare"

Cet après-midi de mars, le camion de la commune transporte seize mètres cubes d'eau destinés au château d'eau du village de Saint-Just, à sec, malgré quelques pluies, insuffisantes, ces derniers jours.

La solution à plus long terme ? "Faire de nouveaux captages ou forages. Il faut également que les gens se rendent compte que maintenant l'eau, c'est devenu une denrée rare", souligne le fontainier.

De fait, la préfecture a pris des mesures de restriction d'eau du 7 mars au 31 mai, interdisant lavage des voitures, remplissage des piscines ou arrosage des espaces verts.

Certains ont pris les devants à l'image de Jean-Marie Bernard, retraité à Arlanc: il a multiplié les réserves d'eau de pluie pour arroser ses plantes, installé une douche solaire extérieure et frotte sa voiture quand la pluie tombe: "J'essaye d'économiser autant que je peux. Voilà. Donc, ne pas gaspiller", dit-il. Mais il préfère consommer l'eau en bouteilles car depuis l'arrivée des camions-citernes, celle du robinet "a un fort goût chloré".

Mathieu Grivel, éleveur, a pu profiter des puits de son exploitation lorsque la situation est devenue critique. Il observe le ballet des camions-citernes sur la route à proximité de sa ferme.

"Pour faire les 20 kilos (de lait, ndlr) par jour", une vache consomme "100 litres d'eau". "J'ai 40 vaches laitières et je passe 4m3 d'eau par jour", détaille-t-il.

Reste que le coût du mètre cube d'eau transporté atteint désormais "entre 7 et 10 euros": "Il y aura des augmentations de facture d'eau mais ce coût ne pourra pas être répercuté sur le consommateur", assure le maire d'Arlanc.

Ce dont certains doutent: "il faudra bien payer", souffle Kelly Legrand qui tient le bureau de tabac en face de la mairie. Ses clients partagent avec elle leur inquiétude, leur résignation ou parfois leur colère "car tout cela aurait pu être anticipé". 

"S'il me faut payer l'eau plus de sept euros le mètre cube, il vaut mieux que j'arrête de travailler. Ou alors après, mon shampoing va passer à une somme astronomique", tranche Nicole Geneix, coiffeuse à Arlanc. Pour elle, recourir à des camions citernes, "ce n'est pas pérenne".

le Vendredi 17 Mars 2023 à 01:37 | Lu 461 fois