
Si les jugements de première instance avaient laissé à Cyril Tetuanui une porte ouverte pour briguer un nouveau mandat municipal en 2026, une confirmation en appel de ses condamnations jetterait une incertitude sur sa capacité à se présenter à un nouveau mandat. Crédit photo : Archives TI.
Tahiti, le 6 mars 2025 - Fraîchement réélu à la tête du SPC-PF en janvier, Cyril Tetuanui n’a pourtant pas que des dossiers communaux à gérer. Trois affaires, trois condamnations en première instance et une cour d’appel qui s'est penchée sur son cas ce jeudi matin. Entre détournement de fonds, harcèlement moral et usage discutable de biens publics, l’édile de Tumaraa a passé de longues heures en salle d'audience.
Les affaires s'accumulent pour Cyril Tetuanui. Réélu en janvier dernier à la tête du Syndicat pour la Promotion des Communes de Polynésie française (SPC-PF) et maire de Tumaraa, l'édile a passé de longues heures en salle d'audience, ce jeudi matin, devant la cour d'appel de Papeete. Trois dossiers, trois épées de Damoclès suspendues sur son avenir politique, qui pourraient jeter une ombre sur sa capacité à briguer un nouveau mandat de tavana, lors des prochaines élections municipales de 2026. Son avocat, Me Robin Quinquis, a bataillé en demandant la relaxe dans deux des trois affaires.
Une affaire en béton... en partie
Premier volet de ce feuilleton judiciaire : une convention signée en 2015 entre la commune et le Pays pour le bétonnage de 13 servitudes, financée à hauteur de 80% par la Polynésie pour un total de 36 millions de francs. Problème : seuls six chemins ont réellement été aménagés, laissant un différentiel de 16 millions de francs correspondant à des subventions perçues sur la base de fausses factures et de bons de commande bidouillés. La section de recherches de Papeete n’a pas tardé à flairer l’arnaque. En première instance, l'an dernier, Cyril Tetuanui a été condamné à six mois de prison ferme et 300 000 francs d’amende pour détournement de fonds publics. La commune, quant à elle, a dû rembourser 16,8 millions de francs au Pays. Une sanction bien plus clémente que les réquisitions du procureur, qui réclamait ni plus ni moins que cinq ans d'inéligibilité assortis de l'exécution provisoire et l'interdiction définitive d'exercer une fonction publique. Insatisfait, le parquet a fait appel, espérant alourdir l’addition.
Cependant, avant que la cour d'appel n'examine le dossier ce jeudi matin, Me Quinquis a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur les délais de prescription appliqués en Polynésie. L'objectif étant de savoir si les faits, qui datent de 2015, tombent dans le domaine de la prescription. La cour d’appel donnera sa décision le 3 avril prochain quant à une éventuelle transmission à la Cour de cassation. D’ici là, le dossier est repoussé sur le fond pour le 24 juillet prochain.
Le maire assume la mise au placard
En cascade du premier, dans le deuxième dossier examiné ce jeudi, Cyril Tetuanui a été condamné, en février 2024, pour harcèlement moral envers l’ancien directeur des services techniques de sa mairie. L’élu lui reprochait d’avoir trop coopéré avec les enquêteurs dans l’affaire du bétonnage. Une trahison impardonnable à ses yeux. En guise de représailles, le fonctionnaire s’est vu privé de son bureau (serrures changées), bombardé de remarques “dégradantes” et, en guise de point d’orgue, relégué au remplissage de sacs de terre dans la pépinière de la commune, avant d’être affecté aux transports scolaires.
À la barre, Cyril Tetuanui a justifié, ce jeudi, son comportement en expliquant qu’il n’avait “plus confiance” en son subordonné. “Il a gardé le même salaire et les mêmes avantages”, a-t-il tenté de relativiser. Depuis, la victime enchaîne les arrêts maladie. Le tribunal l’avait condamné à six mois de prison avec sursis, deux ans d’inéligibilité et 400 000 francs de dommages et intérêts. Contrairement au dossier du bétonnage, c'est le maire de Tumaraa qui a fait appel dans ce dossier.
Mais pour l’avocat général, aucun doute : les faits sont établis et la peine doit être confirmée, voire durcie, en ajoutant l'exécution provisoire aux deux années d'inéligibilité. Ce qui signifie que le maire de Tumaraa deviendrait de fait inéligible, en cas de condamnation en appel, même s'il devait se pourvoir en cassation. “M. Tetuanui est élu depuis 2001, et il occupe des fonctions importantes dans deux autres instances, il ne peut pas ignorer la loi ni le dialogue social”, a-t-il martelé. En face, Me Quinquis a dénoncé un acharnement judiciaire destiné à “mettre fin à la carrière” de son client, arguant que de telles pratiques étaient monnaie courante mais rarement poursuivies. “Il y une envie d'en découdre [avec Cyril Tetuanui, NDLR] (...). Des dossiers comme ça, il y en a légions. Mais ils ne sont jamais poursuivis. Celui-là l'est, car c'est Cyril Tetuanui.” L’avocat a plaidé la relaxe, insistant sur l’absence de réitération des faits, élément clé pour caractériser juridiquement un harcèlement. La cour tranchera le 15 mai.
Un bateau communal... pour des mariages, funérailles et va'a
Dernier acte de cette trilogie judiciaire : l’affaire du bateau communal. Officiellement, l’embarcation était financée par le fonds de péréquation intercommunal et destinée aux opérations de secours en mer. Officieusement, elle servait aussi à des mariages, à suivre des événements sportifs (notamment lors de la Hawaiki Nui Va’a), et même à organiser des convois funéraires inter-îles. Une gestion, disons, souple des biens publics. En première instance, le parquet avait requis une interdiction d’exercer toute fonction publique pendant cinq ans, assortis de 300 000 francs d’amende. Le tribunal avait été plus indulgent, condamnant Tetuanui à 250 000 francs d’amende seulement. À l’audience de ce jeudi, l’élu a assumé : “Il y avait un fort besoin de la population. Je leur ai répondu, c’est mon rôle.” Et d’ajouter : “La décision a été prise en conseil communal. Ce n’est pas moi seul qui l’ai imposée.”
L’avocat général, lui, a rappelé que “les faits étaient établis” et qu’ils avaient “choqué un bon nombre d’administrés”. Il a requis la confirmation de la peine, tout en y ajoutant également une peine d'inéligibilité d'un an, avec exécution provisoire. Me Quinquis, de son côté, a dénoncé, une nouvelle fois, une “volonté manifeste de nuire” à son client et a souligné que nulle part dans la convention de financement il n’était précisé que l’usage du bateau devait être strictement réservé. Le tribunal rendra son verdict le 15 mai prochain.
Si les jugements de première instance avaient laissé à Cyril Tetuanui une porte ouverte pour briguer un nouveau mandat municipal en 2026, une confirmation en appel de ses condamnations jetterait une incertitude sur sa capacité à briguer à un nouveau mandat. L’ombre de l’inéligibilité plane sur l’homme fort du SPC-PF.
Les affaires s'accumulent pour Cyril Tetuanui. Réélu en janvier dernier à la tête du Syndicat pour la Promotion des Communes de Polynésie française (SPC-PF) et maire de Tumaraa, l'édile a passé de longues heures en salle d'audience, ce jeudi matin, devant la cour d'appel de Papeete. Trois dossiers, trois épées de Damoclès suspendues sur son avenir politique, qui pourraient jeter une ombre sur sa capacité à briguer un nouveau mandat de tavana, lors des prochaines élections municipales de 2026. Son avocat, Me Robin Quinquis, a bataillé en demandant la relaxe dans deux des trois affaires.
Une affaire en béton... en partie
Premier volet de ce feuilleton judiciaire : une convention signée en 2015 entre la commune et le Pays pour le bétonnage de 13 servitudes, financée à hauteur de 80% par la Polynésie pour un total de 36 millions de francs. Problème : seuls six chemins ont réellement été aménagés, laissant un différentiel de 16 millions de francs correspondant à des subventions perçues sur la base de fausses factures et de bons de commande bidouillés. La section de recherches de Papeete n’a pas tardé à flairer l’arnaque. En première instance, l'an dernier, Cyril Tetuanui a été condamné à six mois de prison ferme et 300 000 francs d’amende pour détournement de fonds publics. La commune, quant à elle, a dû rembourser 16,8 millions de francs au Pays. Une sanction bien plus clémente que les réquisitions du procureur, qui réclamait ni plus ni moins que cinq ans d'inéligibilité assortis de l'exécution provisoire et l'interdiction définitive d'exercer une fonction publique. Insatisfait, le parquet a fait appel, espérant alourdir l’addition.
Cependant, avant que la cour d'appel n'examine le dossier ce jeudi matin, Me Quinquis a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur les délais de prescription appliqués en Polynésie. L'objectif étant de savoir si les faits, qui datent de 2015, tombent dans le domaine de la prescription. La cour d’appel donnera sa décision le 3 avril prochain quant à une éventuelle transmission à la Cour de cassation. D’ici là, le dossier est repoussé sur le fond pour le 24 juillet prochain.
Le maire assume la mise au placard
En cascade du premier, dans le deuxième dossier examiné ce jeudi, Cyril Tetuanui a été condamné, en février 2024, pour harcèlement moral envers l’ancien directeur des services techniques de sa mairie. L’élu lui reprochait d’avoir trop coopéré avec les enquêteurs dans l’affaire du bétonnage. Une trahison impardonnable à ses yeux. En guise de représailles, le fonctionnaire s’est vu privé de son bureau (serrures changées), bombardé de remarques “dégradantes” et, en guise de point d’orgue, relégué au remplissage de sacs de terre dans la pépinière de la commune, avant d’être affecté aux transports scolaires.
À la barre, Cyril Tetuanui a justifié, ce jeudi, son comportement en expliquant qu’il n’avait “plus confiance” en son subordonné. “Il a gardé le même salaire et les mêmes avantages”, a-t-il tenté de relativiser. Depuis, la victime enchaîne les arrêts maladie. Le tribunal l’avait condamné à six mois de prison avec sursis, deux ans d’inéligibilité et 400 000 francs de dommages et intérêts. Contrairement au dossier du bétonnage, c'est le maire de Tumaraa qui a fait appel dans ce dossier.
Mais pour l’avocat général, aucun doute : les faits sont établis et la peine doit être confirmée, voire durcie, en ajoutant l'exécution provisoire aux deux années d'inéligibilité. Ce qui signifie que le maire de Tumaraa deviendrait de fait inéligible, en cas de condamnation en appel, même s'il devait se pourvoir en cassation. “M. Tetuanui est élu depuis 2001, et il occupe des fonctions importantes dans deux autres instances, il ne peut pas ignorer la loi ni le dialogue social”, a-t-il martelé. En face, Me Quinquis a dénoncé un acharnement judiciaire destiné à “mettre fin à la carrière” de son client, arguant que de telles pratiques étaient monnaie courante mais rarement poursuivies. “Il y une envie d'en découdre [avec Cyril Tetuanui, NDLR] (...). Des dossiers comme ça, il y en a légions. Mais ils ne sont jamais poursuivis. Celui-là l'est, car c'est Cyril Tetuanui.” L’avocat a plaidé la relaxe, insistant sur l’absence de réitération des faits, élément clé pour caractériser juridiquement un harcèlement. La cour tranchera le 15 mai.
Un bateau communal... pour des mariages, funérailles et va'a
Dernier acte de cette trilogie judiciaire : l’affaire du bateau communal. Officiellement, l’embarcation était financée par le fonds de péréquation intercommunal et destinée aux opérations de secours en mer. Officieusement, elle servait aussi à des mariages, à suivre des événements sportifs (notamment lors de la Hawaiki Nui Va’a), et même à organiser des convois funéraires inter-îles. Une gestion, disons, souple des biens publics. En première instance, le parquet avait requis une interdiction d’exercer toute fonction publique pendant cinq ans, assortis de 300 000 francs d’amende. Le tribunal avait été plus indulgent, condamnant Tetuanui à 250 000 francs d’amende seulement. À l’audience de ce jeudi, l’élu a assumé : “Il y avait un fort besoin de la population. Je leur ai répondu, c’est mon rôle.” Et d’ajouter : “La décision a été prise en conseil communal. Ce n’est pas moi seul qui l’ai imposée.”
L’avocat général, lui, a rappelé que “les faits étaient établis” et qu’ils avaient “choqué un bon nombre d’administrés”. Il a requis la confirmation de la peine, tout en y ajoutant également une peine d'inéligibilité d'un an, avec exécution provisoire. Me Quinquis, de son côté, a dénoncé, une nouvelle fois, une “volonté manifeste de nuire” à son client et a souligné que nulle part dans la convention de financement il n’était précisé que l’usage du bateau devait être strictement réservé. Le tribunal rendra son verdict le 15 mai prochain.
Si les jugements de première instance avaient laissé à Cyril Tetuanui une porte ouverte pour briguer un nouveau mandat municipal en 2026, une confirmation en appel de ses condamnations jetterait une incertitude sur sa capacité à briguer à un nouveau mandat. L’ombre de l’inéligibilité plane sur l’homme fort du SPC-PF.