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Crash d’Air Moorea : la cour en quête de responsabilités


Tahiti, le 13 novembre 2019 - La cour d’appel s’est penchée mercredi sur les procédures de maintenance et sur le cadre de contrôle en vigueur à l’époque du crash d’Air Moorea. 
 
La thèse retenue par le tribunal correctionnel, en janvier dernier, pour expliquer l’accident qui avait causé la mort de 20 personnes, le 9 août 2007, peu après le décollage de Temae, est celle d'une rupture du câble de gouverne arrière du Twin Otter F-OIQI d’Air Moorea. Cette défaillance matérielle a été identifiée par la justice comme la conséquence d'un processus de maintenance défectueux de l’avion. Défaut de maintenance qui a été porté au compte des responsables de la compagnie et des services de contrôle de l’aviation civile de l'époque. 

Six personnes ont été reconnus coupables d’homicide involontaire et condamnés à des peines allant jusqu'à 18 mois de prison. Tous ont fait appel. Cinq d’entre eux sont en outre condamnés à l’interdiction définitive d'exercer. La compagnie Air Moorea a fait appel de la peine d'amende de 25 millions de francs prononcée en première instance. Le parquet a fait appel de la relaxe de Guy Yeung, alors directeur du service d’État de l’aviation civile, la SEAC, aujourd'hui retraité.

Mercredi, la cour s’est longuement penchée sur le rôle des autorités de l’aviation civile chargées du contrôle technique de la sécurité aérienne et sur les procédures en place pour assurer la sécurité des aéronefs. 
 
Elle s’est aussi intéressée en détail à la gestion de l’atelier de maintenance. Didier Quémeneur, l’ancien contrôleur de production de la compagnie et son chef d’atelier, Jean-Pierre Tinomano, ont longuement été auditionnés. Tous deux étaient les subordonnés de Jacques Gobin, le directeur technique de la compagnie.
 
Le 2 juillet 2007, le Twin Otter en cause avait traversé une "très forte turbulence" selon la déclaration du pilote : capitonnage endommagé, passagers blessés. Cet épisode pourrait avoir fragilisé le câble de gouverne arrière de l'avion. Lors de la visite de contrôle qui a suivi, les travaux exécutés mentionnent la remise en place du capitonnage cabine et la vérification générale de l’avion sans référence à une inspection spéciale. Quémeneur remplaçait Tinomano, en vacances. Il assure que les travaux de maintenance consécutifs ont inclus une vérification de la tension du câble de gouverne arrière, sur la foi d’une fiche d’intervention. "Avez-vous vérifié la tension du câble ?", lui demande l’avocat général. Le prévenu tergiverse. Il ne peut pas passer derrière chaque mécanicien, objecte-t-il : une fiche d’inspection était remplie, il s’en est contenté. "Ce câble avait une importance capitale", lui fait pourtant remarquer Me Rosenthal avocat des partie civiles. Silence.
 
Andriamanonjisoa Ratzymbasafy, inspecteur du Groupement pour la sécurité de l’aviation civile (GSAC), est ensuite entendu sur la nature de ses audits. La cour s’interroge sur la pertinence du programme d’entretien et de maintenance des avions de la compagnie Air Moorea qu'il était en charge de garantir. Avec le ton le plus sérieux, il piétine, tergiverse et ne répond que laborieusement et de manière elliptique aux questions. Mais il l’affirme : "Je n’ai pas commis de faute sur la surveillance de cet avion". En première instance il n’avait déjà pas convaincu. 

Vient le tour de Guy Yeung, directeur du service d’Etat de l’aviation civile à l’époque des faits. Il avait signé "sans lire totalement"  le document de conformité aux exigences constructeur de l’avion, en s’appuyant sur un avis favorable du GSAC. Mais il n'était pas responsable de la pertinence technique de cet avis. "Vous n'êtes tout de même pas qu'un porte-plume", s'indigne l'avocat général.
 
Une intervention de la présidente résume assez bien la teneur des débats de mercredi : "Depuis ce matin, on n’arrête pas d’entendre que la chaîne de responsabilités part de Paris et va jusqu’à l’exploitant, et tout le monde répond que la responsabilité se situe en-dessous de lui."

Plus tôt dans la matinée l’épouse de feu Frédéric Donzel, décédé à 37 ans lors du crash d’Air Mooea, a témoigné à la barre : "Je suis sidéré par l’amateurisme, l’approximation des procédures".  

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mercredi 13 Novembre 2019 à 17:44 | Lu 1810 fois