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Cour d'assises : l'accusé condamné à 5 ans de prison


PAPEETE, le 30 mai 2018 - Au terme de deux jours de procès, Clément T a été reconnu coupable d'avoir involontairement donné la mort à son frère en le percutant avec un pick-up. L'homme a été condamné à 5 ans de prison.

La deuxième journée du procès de Clément T, poursuivi pour avoir commis des violences ayant entraîné la mort de son petit frère sans intention de la donner, a débuté ce mercredi matin par l’audition du médecin légiste. Ce dernier a indiqué que la victime, qui avait 35 ans au moment des faits, présentait, suite au choc, de multiples « lésions traumatiques graves. » Sachant qu’onze heures s’étaient écoulées entre l’accident à Raivavae et l’arrivée à l’hôpital à Papeete, le spécialiste a été interrogé par l’avocat de la défense. Le conseil de l’accusé a tenté de déterminer si ce délai avait pu « influer sur le pronostic. » Ce à quoi le médecin légiste a répondu que l’on pouvait « effectivement se poser la question. » Il a toutefois indiqué qu’il n’était pas « certain » qu’une prise en charge plus rapide aurait pu « augmenter les chances de vie » de la victime.

la justice des hommes

Lors de sa plaidoirie, l’avocat de la partie civile, Me Antz a qualifié l’accusé de « meurtrier » : « sa famille a fait bloc autour de son affirmation du début. Affirmation selon laquelle tout cela n’était qu’un accident. Mais cet homme n’a pas convaincu la justice. La thèse qui domine est celle des violences volontaires. Le seul doute repose sur l’impossibilité pour l’accusé de passer ce rempart de la culpabilité et d’avouer que, oui, ce soir-là, parce qu’il était en colère, il avait été animé par le désir de faire du mal à son frère (…) Le seul doute qui reste réside dans les propos de Clément, la tombe de son frère dans le jardin de la maison familiale doit le lui rappeler tous les jours. Il ne veut pas être Cain face à Abel. Mais vous n’êtes que la justice des hommes. L’accusé sera poursuivi par sa culpabilité et sa conscience. »

« Application moins stricte de la loi »

Evoquant le destin « dramatique » de la victime, l’avocat général a requis 10 à 12 ans de prison : « Clodomir T n’était âgé que de 35 ans quand son frère, de cinq ans son aîné, lui donne la mort, l’esprit obscurci par l’alcool, par une colère froide, par la volonté de ne pas en rester là. (…) Un accident comme l’accusé aimerait le faire croire ? Non, un crime. Tout milite en ce sens (…) Il s’agit d’un acte d’une extrême lâcheté commis par un homme à l’abri dans sa voiture, un homme qui refuse de s’exposer contre un autre homme exposé dans toute sa vulnérabilité, auquel il n’a laissé aucune chance. Ce jour-là, l’accusé a voulu faire mal et y a réussi, au-delà de ses espérances. Un acte d’une extrême violence commis par un homme qui, encore aujourd’hui, n’assume pas ses actes, un home qui s’enferre dans ses mensonges, s’emmêle dans ses explications, qui réécrit l’histoire pour la rendre plus acceptable. » Rappelant que l’accusé encourait 20 ans de prison, le représentant du ministère public a demandé aux jurés de « reconnaître à Clément T des circonstances tenant au déroulement des faits, aux motifs de son action ou à son histoire personnelle qui justifieraient une application moins stricte de la loi. L’accusé doit être confronté à la rigueur de la loi même s’il a vocation, à l’issue de sa peine, et c’est une chance pour lui, à retourner dans son île er reprendre sa place dans la communauté. »


Me Bouyssié, conseil de l’accusé, a ensuite plaidé en évoquant un dossier « infiniment complexe » : « Depuis trois ans, mon client ne dévie pas et il n’est pas cru. Tant que la victime était blessée, on parlait d’accident. A partir du moment où elle est malheureusement décédée, l’on a basculé dans un autre schéma. Au lieu de rassembler des preuves, on a décrété la thèse de la vengeance. C’est si simple, une dispute, un énervement… Mais cela faisait des années qu’ils se disputaient, qu’ils se battaient, qu’ils buvaient ensemble et qu’ils se réconciliaient (…) Il aurait pu secourir son frère, c’est vrai. Mais lequel d’entre nous peut dire ce qu’il serait capable de faire après avoir percuté un membre de sa famille. C’est une réalité de ce dossier : on peut être soumis à un choc émotionnel. » L’avocat a terminé sa plaidoirie en se référant au « doute » qui est « partout dans ce dossier » : « on ne peut pas briser un homme sur le terrain de telles apparences. L’œuvre de justice vous commande d’avoir de la sagesse. »


Au terme des plaidoires, l’accusé, comme il en est d’usage, a été appelé à s’exprimer pour la dernière fois. Visiblement ému, Clément T a réitéré sa version : « je n’ai jamais décidé volontairement de foncer sur mon frère. Parce que je l’aime. Quand il allait dans ses beuveries, j’allais toujours le chercher pour le ramener à la maison. Quand je suis sorti de prison, je suis allé nettoyer sa tombe. Je lui ai demandé pardon. Je lui demande pardon tous les jours. Je porte un fardeau très lourd sur mes épaules. Je le regrette profondément. »

Après en avoir délibéré, les jurés ont reconnu l'accusé coupable et l'ont condamné à 5 ans de prison.

Rédigé par Garance Colbert le Mercredi 30 Mai 2018 à 18:00 | Lu 2779 fois