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Corse: 6 personnes poursuivies pour 1,4 million d'euros de fraudes aux aides européennes


Ajaccio, France | AFP | jeudi 21/11/2019 - Le directeur de la chambre d'agriculture de Corse-du-Sud et cinq proches sont convoqués en avril devant le tribunal d'Ajaccio, soupçonnés de fraude aux aides européennes pour 1,4 million d'euros, un dossier emblématique des enquêtes menées sur ce sujet sensible sur l'Île de Beauté.

Le responsable administratif, son épouse, ses deux fils, sa mère de 86 ans, et un ouvrier agricole seront jugées le 7 avril 2020 pour "escroquerie en bande organisée et blanchiment en bande organisée", a indiqué jeudi à l'AFP Eric Bouillard, procureur de la République d'Ajaccio. Ils encourent au maximum 10 ans de prison.
Le "rôle central" du directeur de la chambre d'agriculture, également responsable de l'Etablissement départemental de l'élevage (EDE) "chargé du contrôle des aides", "est avéré", a estimé lors d'une conférence de presse le procureur. Il a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer ses fonctions jusqu'au procès.
"Ces postes-clés expliquent la connaissance fine que pouvaient avoir les fraudeurs de la réglementation en vigueur", a estimé le magistrat.
Le responsable administratif conteste les faits qui lui sont reprochés, a précisé le procureur, et assure "que tout est parfaitement conforme à la réglementation".
"Sa défense démontrera que les poursuites dont il est l’objet sont infondées", a indiqué à l'AFP Me Camille Romani, avocat du directeur, regrettant qu’"aucune investigation" n'ai été "menée à décharge" via la désignation d'"un juge d'instruction". Il a également accusé la préfète de Corse d'avoir "joué un rôle prépondérant" dans l'enquête préliminaire du parquet et d'avoir "instrumentalisé la justice locale".
L'enquête avait été ouverte après un contrôle du comité départemental antifraude (Codaf) coprésidé par le procureur d'Ajaccio et la préfète dans les quatre exploitations familiales à Letia (Corse-du-Sud). Cette famille percevait "un peu plus de 400.000 euros d'aides européennes chaque année, sous la forme de primes à la surface et de primes aux vaches allaitantes" pour 600 hectares et 530 vaches déclarés, avait indiqué le procureur en novembre 2018.
Une cinquième exploitation a été associée à ce dossier, les enquêteurs estimant que le gérant était en fait un ouvrier agricole de la famille. "Ces cinq exploitations n'en font en réalité qu'une", selon le procureur : cette "division fictive" a permis de "passer au travers des contrôles" administratifs en déplaçant le cheptel d'une exploitation à l'autre en fonction des inspections annoncées et "d'augmenter les aides" reçues, a expliqué M. Bouillard jeudi. 
 

- Quatre autres enquêtes en Corse -

 
L'enquête a révélé une surévaluation du cheptel "d'au moins 50%" avec moins de 250 vaches "identifiées" en réalité, selon le procureur. 
De plus, a souligné le magistrat, "des naissances en masse d'animaux en juillet" ont été constatées, juste "avant la période de déclaration", et "en février-mars, une mortalité extraordinaire juste avant les contrôles", le tout sans frais vétérinaires pour les naissances et sans frais d’équarrissage pour les décès.
Le nombre d'hectares déclaré a également été "gonflé", a relevé M. Bouillard, qui a estimé le préjudice à 1,4 million d'euros sur les trois derniers exercices. 
Le parquet  a fait des demandes de saisies d'avoirs criminels sur des biens appartenant à la famille, en visant "des investissements dans des projets immobiliers dans la région de Cargèse, Sagone et Ajaccio".
L'enquête se poursuit pour voir si, en tant que responsable de l'EDE, le principal mis en cause n'aurait pas failli à ses fonctions de contrôle pour d'autres demandeurs d'aides, a poursuivi le procureur.
Trois autres enquêtes dans la région de Bonifacio, de la Gravone, autour d'Ajaccio, et dans la zone de l'Alta Rocca, sont en cours pour des soupçons de fraudes en Corse-du-Sud, a ajouté le procureur, indiquant que l'une d'elles visait un élu de la chambre d'agriculture de Corse-du-Sud.
En Haute-Corse, une enquête pour "escroquerie" et "association de malfaiteurs pour commettre un délit" est également en cours concernant les exploitations à Lucciana de quatre membres de la famille d'un dirigeant du syndicat agricole FDSEA, a précisé à l'AFP la procureure de Bastia Caroline Tharot.
L'enquête vise à vérifier la part "régulièrement perçue" des "760.000 euros d'aides bovines allaitantes et d'aides découplées" liées à la surface, touchées par ces quatre personnes entre 2015 et 2018, sachant que selon les premiers éléments, il "y a bien un agriculteur, mais les trois autres ne le seraient pas", a-t-elle expliqué.
Près de 650 contrôles sur les 2.150 exploitations corses sollicitant des aides européennes sont par ailleurs en cours dans l'île, afin de vérifier la conformité de ces demandes.

le Jeudi 21 Novembre 2019 à 23:35 | Lu 377 fois