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Coronavirus: quel scénario pour sortir de la crise économique en France?


Paris, France | AFP | mardi 20/04/2020 - Rapide, lente ou avec des à-coups en cas de rechute de la crise sanitaire: à quoi ressemblera la sortie de la crise économique en France? Les économistes privilégient un redémarrage progressif de l'activité, sans écarter un risque d'enlisement.

La crise économique "ne fait que commencer", a prévenu dimanche le Premier ministre Édouard Philippe.

"Cette crise n'est pas une affaire de semaines, pas une affaire de mois, mais une affaire d'années", affirmait quelques jours plus tôt le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. 

De fait, peu d'économistes déclarent que l'économie française pourra revenir à son niveau d'activité d'avant l'épidémie en quelques semaines. 

"La crise sanitaire ne va pas disparaître du jour au lendemain, donc il va falloir trouver un chemin" pour une reprise économique, avance Michel Didier, président du cabinet Rexecode, interrogé par l'AFP.

Or, le scénario d'un déconfinement progressif de la population à partir du 11 mai esquissé par le gouvernement laisse penser que la France n'avancera pas forcément rapidement sur ce chemin. 

Dans un premier temps, on pourrait assister à "un petit rebond de l'activité, tout simplement parce que les entreprises ont déstocké (...) donc s'il y a un peu de demande il va bien falloir qu'elles produisent de nouveau", ajoute Michel Didier.

Mais à quel rythme les salariés pourront-ils retourner sur leur lieu de travail et comment la coordination et le rétablissement des chaînes de production au niveau national et international se fera-t-il? 

"L'environnement de travail et de consommation sera largement dégradé jusqu'à l'arrivée d'un vaccin", que les spécialistes n'annoncent pas avant l'an prochain, indique à l'AFP Xavier Ragot, président de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui table donc sur une période "d'au moins un an d'activité au ralenti".

D'autant que pendant une période plus ou moins longue, les entreprises et les ménages, malgré une épargne massive, risquent de rester modérés dans leurs dépenses. 

"Les entreprises attendront d'avoir une meilleure visibilité avant de recommencer à investir, tandis que les ménages, confrontés à un marché du travail difficile, resteront également prudents", estime dans une note William De Vijlder, chef économiste à BNP Paribas.

Convalescence

Les entreprises vont d'abord parer au plus pressé: organiser la relance de leur activité avec des contraintes nouvelles pour assurer la sécurité de leurs salariés et programmer le remboursement des crédits obtenus pour tenir durant le confinement, ainsi que celui des impôts et cotisations reportés par le gouvernement.

Celui-ci a, certes, promis des annulations de charges, mais seules les entreprises risquant la faillite à court terme pourront en bénéficier, notamment dans les secteurs de la restauration et de l'événementiel.

"Beaucoup d'entreprises vont faire faillite du fait de la perte d'activité colossale, jusqu'à 80% dans certains secteurs", juge Xavier Ragot. "On ne se rend pas compte que la crise n'a pas encore commencé et on va le voir quand les entreprises vont avoir leurs créances et des salaires à payer" après le confinement, ajoute-t-il, craignant une hausse importante du chômage.

"Plutôt qu'un plan de relance, il va falloir mettre en place un plan de convalescence", avec une sortie très graduelle du dispositif de chômage partiel et du fonds de solidarité, un plan de soutien à l'investissement massif de l’État, et une politique monétaire qui reste accommodante pour permettre à l’État de s'endetter, détaille-t-il.

Le gouvernement français devra aussi faire avec le contexte européen et international. Il dépendra de l'évolution de l'épidémie parmi nos principaux partenaires et de la capacité de l'Union européenne à élaborer un plan de relance efficace et à venir en aide à un État qui serait en grande difficulté, mettant en péril la zone euro.

"Pour l'Europe, le sujet c'est de ne pas recommencer le scénario dramatique de 2012-2013", avec la crise de la dette grecque faute d'entente entre les États membres, prévient Michel Didier, même s'il juge l'UE "plus prête" aujourd'hui.

le Mardi 21 Avril 2020 à 03:12 | Lu 267 fois