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Coronavirus: en Australie, les agriculteurs inquiets de la fermeture des frontières


Sydney, Australie | AFP | mercredi 01/04/2020 - La décision de l'Australie d'interdire l'entrée sur son territoire à tous les étrangers depuis le 18 mars, sauf les résidents, inquiète fortement la filière agricole et alimentaire, surtout les producteurs de fruits et légumes, grands employeurs de main-d'oeuvre étrangère.

La fermeture des frontières, qui doit s'appliquer durant les six prochains mois, selon le Premier ministre Scott Morrison, est pourtant majoritairement saluée sur l'île-continent qui reste relativement épargnée par la pandémie de Covid-19 (18 morts et environ 4.000 cas). 
Mais, à plusieurs moments-clés de la saison, semis, récoltes ou conditionnement, entre 40 et 50% de la main-d'oeuvre employée par les agriculteurs est étrangère.
Surtout des travailleurs saisonniers venus des pays du Pacifique, comme les îles Tonga ou Fidji, mais aussi de jeunes "backpackers" européens en visa vacances-travail. La condition pour passer une deuxième année sous ce statut est d'avoir travaillé au moins trois mois dans des fermes en Australie.
Dès l'annonce de la fermeture des frontières, deux des principaux lobbies du secteur, l'Australian Fresh Produce Alliance (AFPA), principale interprofession allant des producteurs aux distributeurs, et AusVeg, qui regroupe les producteurs de légumes, ont appelé le gouvernement à accorder des extensions de visas à tous ceux se trouvant déjà sur le territoire. 
Il y aurait actuellement 140.000 étrangers en visa "vacances travail", parmi lesquels 30% travaillent dans l'agriculture, et 8.000 travailleurs saisonniers, selon AusVeg. Des chiffres qui correspondent au nombre de visas délivrés par les autorités les années précédentes. 
"Si nos travailleurs (étrangers) doivent retourner dans leur pays, nous n'aurons pas assez de main-d'oeuvre pour récolter de vastes quantités de fruits et de légumes, ce qui signifie que les Australiens n'auront pas accès à des aliments frais, sains et nutritifs au cours de cette période inédite", souligne Michael Rogers, le président de l'AFPA.
Un problème auquel est déjà confronté Darryl Lowe, chargé des exportations de Sweetee Group, qui gère 14 fermes d'agrumes dans le Queensland, où les trois quarts de la main-d'oeuvre est étrangère. 
"Cette semaine, entre 400 et 500 travailleurs saisonniers venus du Pacifique devaient venir travailler dans nos fermes. Mais avec la fermeture des frontières, ça n'est plus possible. Par ailleurs, le nombre de backpackers est aussi en forte baisse. Habituellement, nous recevons dix à quinze candidatures par jour, en ce moment, nous n'en recevons qu'une par jour. Beaucoup d'entre eux sont actuellement dans l'Etat du Victoria. Mais quand la saison va commencer (chez nous, NDLR), ils ne pourront pas passer les frontières".
 

- Fermeture des frontières inter-Etats -

 
Car à la fermeture des frontières extérieures s'ajoute celle des frontières entre les Etats australiens. A l'exception de Victoria et de Nouvelles-Galles-du Sud, les autres Etats et Territoires australiens imposent une quarantaine de 14 jours à tous les arrivants d'une autre région.
Le ministre de l'Agriculture David Littleproud a pourtant annoncé le 25 mars que les produits agricoles (et leurs transporteurs) restaient libres de traverser les frontières entre Etats, tout comme les salariés agricoles avec une attestation d'employeur.
La production alimentaire en Australie n'est pas menacée, a néanmoins assuré le ministre en affirmant que l'Australie, avec ses 25,4 millions d'habitants, "produit chaque année assez de nourriture pour 75 millions de personnes".
Reste que le prix de certains légumes ou fruits, brocoli, bananes, céleri ou tomates, s'est envolé ces derniers jours dans les grandes surfaces. Conséquence d'une "frénésie d'achats irraisonnés" qui a saisi une grande partie des consommateurs australiens, estime Rod Sims, président de la Commission australienne de la concurrence. 
C'est aussi le résultat de la sécheresse, qui affecte les principales régions agricoles du pays, rappelle Shaun Lindhe, porte-parole d'AusVeg, dans un entretien au Guardian. "Il y a une baisse de l'offre en raison de la sécheresse. Auxquelles s'ajoutent des fluctuations saisonnières de l'offre, alors que les régions productrices sont en phase de transition".
Les agriculteurs australiens ont de plus en plus de difficultés à tirer profit de leur activité en raison de la sécheresse. Malgré ces difficultés, ils emploient 2,6% de la population active, leur activité représente 2,2% du PIB australien et près de 70% de leur production est exportée, essentiellement vers la Chine et l'Asie du sud-est.

le Jeudi 2 Avril 2020 à 04:13 | Lu 884 fois