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Conflit CPS-médecins libéraux : le gouvernement sort son joker


Conflit CPS-médecins libéraux : le gouvernement sort son joker
Une réunion de crise s’est tenue jeudi 23 février en fin d’après-midi au ministère de la santé pour trouver une issue convenable, pour l’usager, au différent qui oppose la Caisse de prévoyance sociale (CPS) et le Syndicat des médecins libéraux, sur la question des conditions de leur conventionnement. A force d’opiniâtreté le ministre a enfin réussi à réunir autour d’une table le Conseil de l’Ordre des médecins, le Syndicat des médecins libéraux, le Directeur de la CPS et son adjoint en charge des prestations et un médecin conseil.
Il ressort de cette réunion que le Pays s’octroi, par voie réglementaire, le loisir d’en finir avec la définition des grands principes que sont le « Médecin référent », le « Parcours de soin », le « Panier de soins ». Ces notions feront l’objet d’une réglementation élaborée en concertation dès lundi 27 février, et seront donc exclues du domaine conventionnel.

Un moratoire de deux mois est demandé à la CPS pour sursoir à l’application des tarifs d’autorité, lundi 27 février, et se donner le moyen de trouver une issue concertée à la crise qui agite le secteur de la santé en Polynésie.
Quant aux dépenses de santé, elles devront dorénavant tenir dans l’enveloppe que la société polynésienne peut y consacrer. Il sera donné à l’Assemblée de la Polynésie française d’en déterminer annuellement le montant et les recettes correspondantes.

Pour l’heure, et dans l’état actuel des choses, lundi 27 février, seul les médecins ayant adhéré à la convention individuelle que leur a adressé la CPS seront conventionnés. Seuls les actes de ses médecins seront remboursés normalement. Il est donc recommandé de s’informer auprès de son médecin et sur le site de la CPS.

Jean-Marc Pujo : on est condamné à trouver une solution à l’amiable

Conflit CPS-médecins libéraux : le gouvernement sort son joker
Le Dr. Jean-Marc Pujo, Directeur du service de la Santé, expose la possibilité d’une prise d’initiative réglementaire de l’autorité publique, en cas d’enlisement de la situation entre CPS et médecins libéraux.

Tahiti Infos : Le gouvernement est-il en train de reprendre l’initiative dans la gestion du différent qui oppose les médecins libéraux et la Caisse de prévoyance social, sur la question du conventionnement des praticiens ?
Jean-Marc Pujo : Le gouvernement n’a jamais eu une attitude passive, simplement on devait laisser les partenaires sociaux et les médecins libéraux faire ce qu’ils avaient à faire, c'est-à-dire négocier quelque chose qui concerne les relations CPS-médecins libéraux. On devait laisser les gens débattre : on constate aujourd’hui que la situation s’enlise. Il est de notre devoir de faire tout ce que l’on peut pour que la population ne pâtisse pas de cela, et de reprendre l’initiative sur un certain nombre de choses.

T.I : Concrètement qu’envisagez-vous pour les jours à venir ?
J.-M P : Concrètement pour ce qui concerne la partie tarifaire, la seule possibilité du gouvernement – et cela ne peut se faire qu’avec le concours de la CPS – c’est de relever les tarifs d’autorité. Et cela n’est viable que dans le cadre d’une entente à venir entre CPS et médecins libéraux ; une entente qui respectera les mesures inscrites dans le cadre de la réforme de la Protection sociale généralisée (PSG), qui est une réforme obligatoire.
Relever les tarifs d’autorité est une solution provisoire. Je ne dis pas que cela sera fait ; mais c’est la seule solution qui s’offre au gouvernement, si la situation s’enlise, pour ne pas que ça pèse trop sur la population, le temps que les choses s’arrangent. Il y a visiblement eu un manque de communication entre les médecins libéraux et la CPS. On arrive à une situation de blocage. Charge au ministre de débloquer cette situation. Un pas a été fait hier (jeudi 23 février) ; on espère qu’un deuxième pas sera fait dans les jours qui viennent pour que l’on n’arrive pas à une situation qui serait difficile pour la population et difficile pour le ministère de la santé.

T.I : Dans l’immédiat, pour faire face à la raréfaction des médecins conventionnés et en minimiser la conséquence sur l’usager, la direction de la santé a annoncé étudier une refonte provisoire de son offre de soins.
J.-M P : La direction de la santé se trouve dans l’obligation d’avoir à gérer une situation dont elle n’est pas responsable, mais qui est le résultat d’un conflit entre la CPS et les médecins libéraux. Il est bien évident que si la population se trouve en difficulté pour financer ses soins, elle va s’orienter vers les structures publiques, qui sont par principe gratuites. On est donc contraints de repenser notre organisation pour faire face à un afflux éventuel de patients. C’est notre devoir en tant que service public. Je vous rappelle quand même que les moyens du service public sont limités : le budget de la direction de la santé a été diminué de 40% en 4 ans. Quelles sont nos possibilités dans ce contexte ? Renforcer les services d’urgence ; mettre en veille un certain nombre d’activités et notamment au plan préventif ; éventuellement élargir, sur le mode du volontariat et à la condition qu’on puisse payer le personnel, le personnel de certain dispensaires ; et dans l’éventualité que l’on obtienne des crédits, embaucher des médecins supplémentaires en tenant compte des complications du circuit de recrutement dans le secteur public. Dans l’ensemble tout cela est difficile à mettre en place rapidement et ne peut être que provisoire. Donc, que ce soit le gouvernement, les médecins libéraux ou la CPS, on est condamné à trouver une solution à l’amiable. Ca me paraît essentiel.

T.I : Quelle marge de manœuvre l’autorité publique a-t-elle pour remédier à cette situation ?
J.-M P : Tout l’aspect réglementaire. C'est-à-dire faire passer un certain nombre de choses qui étaient prévues sur le plan conventionnel au niveau réglementaire. Et, s’il y a des divergences d’opinion entre CPS et médecins libéraux, ce sera au gouvernement de trancher, au niveau réglementaire sous forme de délibération ou de loi de Pays. C’est un peu plus lourd, si vous me passez l’expression.



Pascal Szym : On est d’accord pour participer à l’effort de maîtrise des dépenses de santé.

Conflit CPS-médecins libéraux : le gouvernement sort son joker
Interrogé par Tahiti Infos, Pascal Szym, président du Syndicat des médecins libéraux, spécialiste en chirurgie viscérale, expose son avis sur la nature des points de mésentente avec la Convention rédigée par la Caisse de prévoyance sociale (CPS) et l’évolution qu’il souhaite.

Tahiti Infos : Le ministre annonce un possible retour à la table des négociations sur la question de la convention CPS-médecins libéraux, suite à la réunion d’hier soir (jeudi 23 février, ndlr) au ministère, entre votre syndicat et la direction de la CPS.
Pascal Szym : On a toujours dit que l’on était ouvert et que l’on voulait négocier. La grande nouveauté d’hier soir c’est quelques personnes de la CPS sont venus, dont Régis Chang, le directeur de la CPS. Il est enfin venu à la table des négociations. C’est ça la grande nouveauté. Depuis le début nous évoluons dans une situation de dictat. La CPS nous indiquant : c’est ça ou rien. Point. Et hier soir le ministre a été obligé d’arbitrer, en leur faisant remarquer que leur texte n’est franchement pas si éloigné du projet de convention que nous leur avons proposé, et qu’on pouvait trouver un terrain d’entente.

T. I : Quel pourrait être ce terrain d’entente ?
P.S : On est d’accord sur les grands principes. On est d’accord pour participer à l’effort de maîtrise des dépenses de santé.

T.I : On vous reproche de faire des propositions floues.
P.S : Ce n’est pas vrai. Ils ont mis deux ans à rédiger une convention sans jamais demander notre avis. Ca a été fait par des gens qui ne connaissent rien à la médecine. Comment voulez-vous que ça marche ? Et ils veulent nous l’imposer à la lettre près. Ils veulent que l’on signe sans changer la moindre virgule. Leur convention c’est de l’idéologie, un dictat et une vision comptable des soins en Polynésie. Nous avons rédigé une convention, il y a quinze jours, en plaçant au centre de nos considérations, non pas la comptabilité, ni le médecin, mais le patient –celui qui est malade. Un malade, c’est un individu ; le CPS nous propose de le considérer comme un « panier de soins » : savoir M. x a droit à dix consultations ; Mme z a droit à dix consultations, etc. Nous, on ne prétend pas ça : on individualise ; on est médecin, on soigne des gens.

T.I : La CPS a tout de même le souhait de modéliser, à travers cette convention, une démarche en faveur de la maîtrise des dépenses de santé, à travers les notions de médecin référent, de panier de soin, de parcours de soin, en quoi cela ne vous convient-il pas ?
P.S : Ca ne nous dérange pas du tout. Au font on est tout à fait d’accord : le médecin référent on y est tout à fait favorable. Mais, le médecin référent, pour nous c’est le centralisateur, c’est le médecin de famille, celui qui vous connaît le mieux. Pour la CPS, c’est le médecin contrôleur qui doit déterminer le besoin. Pour nous, le médecin référent – et on va dans le sens des économies de santé - c’est le médecin de famille, qui connaît le patient. On demande à individualiser les soins : on connaît la médecine, on l’adapte à chaque patient en tenant compte de sa singularité. On n’a pas une vision comptable de la médecine.

T.I : Comment arrive-t-on à concilier une vision comptable, qui cherche à réduire le déficit de la PSG, et la conception que vous nous exposez ?
P.S : C’est très simple : le pivot du système de santé, c’est le médecin de famille, le médecin traitant, le taote. S’ils veulent travailler avec nous ça marchera ; sinon ça ne marchera jamais. On peut travailler ensemble, dans le cadre d’une bonne coopération et on sera toujours d’accord. S’ils veulent travailler contre nous en nous tapant sur la tête, ça ne pourra jamais marcher.

Rédigé par JPV le Vendredi 24 Février 2012 à 18:26 | Lu 4504 fois